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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : la musique sacrée de Franz Liszt

Liszt Septem Sacramenta

Au sein du corpus important de musique sacrée qu'a composé Franz Liszt, cet album livre une poignée d’œuvres de sa dernière période, qui si elles n'ont pas acquis la célébrité, n'en valent pas moins le détour. L'accompagnement à l'harmonium leur ajoute une aura particulière. Ce que les forces ici réunies défendent avec autant de simplicité que de ferveur.

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Tout au long de sa vie, Franz Liszt affirme son intérêt pour la musique sacrée, genre extrêmement pratiqué à son époque. Très tôt il écrit des articles sur la musique d’Église. L'attirance de l'homme vers la religion restera en partage avec les passions plus profanes de sa vie amoureuse. Sa production comporte de nombreuses œuvres d'envergure. On pense à la Messe de Gran (1856), au Psaume XIII ou à l'oratorio Christus (1862-1866). Cette activité s'intensifie durant les vingt dernières années, avec plusieurs Messes, un Requiem (1869), l'oratorio Via Crucis (1879). Mais aussi un certain nombre de pièces plus brèves qui quoique sans prétention, renferment des innovations étonnantes, ne serait-ce que leur accompagnement, non d'orchestre, mais par un instrument à clavier. Elles marquent en même temps une prise de distance avec le romantisme et une évolution vers un langage plus épuré, comme dans les autres œuvres de la dernière période créatrice de Liszt. Ainsi en est-il de pièces destinées à la liturgie catholique, auxquelles il souhaitait donner une dimension à la fois esthétique et de simplicité afin qu'elles soient immédiatement saisies par leurs auditeurs. Des morceaux comme Tantum ergo ou Pater noster III, l'un et l'autre pour chœur d'hommes (1869), bénéficient de la parfaite connaissance qu'avait le compositeur du chant grégorien comme des polyphonies de la Renaissance, auxquels il ajoute sa note personnelle. Le Libera me (1871) pour solistes (ténor & basse) et chœur d'hommes montre une volonté de dramatiser l'enchaînement de sa litanie. Et ce dès l'introduction chorale, suivie du solo de ténor, d'un chœur emporté sur ''Dies irae'', de l'intervention de la basse sur ''Requiem æternam'' auquel fait doucement écho le chœur a cappella, enfin de la reprise du ''libera me'' dans une ascension vers la lumière, avant une douce conclusion instrumentale. Ces pièces peuvent être assorties d'autres distributions vocales. Comme le chœur de femmes dans celles chantées en allemand ''Meine Seel' erhebt den Herrn!'' (Mon âme exalte le Seigneur) et ''O Haupt voll Blut und Wunden'' (O visage couvert de sang et de blessures). Ou soprano solo et harmonium dans le motet ''Sancta Caecilia'' (1880-85) ou pour ''Le Crucifix'' (1879) sur un quatrain de Victor Hugo. 

Septem sacramenta S.52, œuvre la plus conséquente du présent programme, (1878-1884), est proche du motet, en ses sept parties censées décrire les sacrements que sont le baptême, la confirmation, la communion et l'Extrême onction. Les différences d'atmosphère comme les audaces harmoniques les colorent de manière singulière, à travers là encore un choix varié dans la distribution vocale : solistes, ténor, baryton & basse et chœur d'hommes (Baptisma), mêmes voix solistes mais avec chœur mixte (Confirmatio), chœur mixte (Eucharistia), chœur d'hommes (Poenitentia & Extrema unctio), quatuor de solistes et chœur d'hommes (Ordo), enfin soprano, ténor et basse & chœur mixte (Matrimonium).Tout au long de ces séquences entend-on un chant recueilli célébrant le baptême, ou des effluves d'allégresse la confirmation, un message de reconnaissance pour ''le banquet sacré'' de la communion, les sentiments de repentance puis de réconfort dans les interventions des chœurs d'hommes de Poenitentia, et celui d'espoir dans le pardon (Extrême onction). Les deux dernières séquences, Ordo & Matrimonium, qui concrétisent l'envoi pour propager la parole divine, livrent une jubilatoire affirmation. Souvent l'accompagnement instrumental à l'harmonium a le dernier mot.

Le choix ici de cet instrument, là où les partitions indiquent piano, orgue ou harmonium, a été dicté par un souci de recherche de coloration. Longtemps relégué au rang d' ''orgue du pauvre'', il connaît une singulière renaissance ces dernières années. Kurt Lueders, qui joue un instrument de Debain (1874), n'est pas loin de penser que « l'harmonium est l'accompagnateur idéal du dernier Liszt ». De par sa souplesse dynamique, son timbre très riche en harmoniques et son « principal atout » qui est « de pouvoir tenir, voire enfler les sons ». Les masses chorales réunies par Dominique Vellard, savoir son propre Ensemble Gilles Binchois, renforcé par le Chœur Altitude, gratifient ces pages d'une diction souple et ductile, d'une vraie douceur d'intonations et d'une ferveur habitée sans être pondéreuse.

La prise de son à l'Abbaye Saint-Martin de Ligugé offre une acoustique d'église joliment résonante et d'une parfaite clarté.

Texte de Jean-Pierre Robert 

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Plus d’infos

  • ''Sacred works 1869-1884''
  • Franz Liszt : Septem sacramenta S.52. Et diverses autres pièces de musique sacrée
  • Kurt Lueders, harmonium
  • Ensemble Gilles Binchois
  • Chœur Altitude, Cyprien Sadek, maître de chœur
  • Direction artistique : Dominique Vellard
  • 1 CD Evidence : EVCD 089 (Distribution : [PIAS])
  • Durée du CD : 68 min 36 s
  • Note technique : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rouge (5/5)

CD disponible sur Amazon



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Liszt, Ensemble Gilles Binchois, Kurt Lueders, Chœur Altitude, Cyprien Sadek, Dominique Vellard

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