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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Les Fêtes d'Hébé de Rameau, où l'Opéra se fait Ballet

Les Fetes DHebe

Cet album présente une œuvre singulière de Rameau, Les Fêtes d'Hébé, dénommée ''Ballet''. Sous-titré Les Talens Lyriques, il met en scène les Arts que sont la poésie, la musique et la danse, lors de ses trois actes ou entrées. L'exécution qu'en donne le grand spécialiste du baroque György Vashegyi brille par son authenticité, son élan et le raffinement de sa palette sonore.  

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Composée en même temps que la tragédie lyrique Dardanus, l’œuvre intitulée Les Fêtes d'Hébé appartient au genre du Ballet. C'est en fait un hybride d'opéra où la symphonie tient une place prédominante et le texte chanté est réduit à un faire-valoir de trois histoires traitant, de manière allégorique, les arts de la poésie, de la musique et de la danse. Le livret, écrit semble-t-il à plusieurs mains, critiqué à l'époque de la création en 1739 pour la minceur de son inspiration, a conduit Rameau à remanier sa partition à plusieurs reprises, en particulier s'agissant du 2ème acte dévolu à ''La Musique''. Celui-ci a donc connu deux versions, la seconde plus concise, écrite un mois après la création de mai 1739. Le motto est donc ici ''Prima la musica, poi le parole''. Comme le souligne Sylvie Bouissou, « le ballet des Fêtes d'Hébé affiche presque impudiquement un besoin de se laisser envahir par la musique, le contrepoint, la danse, l'écriture concertante et la virtuosité » (in ''Jean-Philippe Rameau'', Fayard). Et la musique « explose de vivacité, de gaieté et d'espièglerie ». Après l'ouverture, le prologue nous fait entrer dans l’œuvre in media res par un duo entre Hébé et Momus et rapidement entend-on des ''airs'' c'est-à-dire des morceaux de musique de ballet pleins de séduction, comme la Bourrée ''pour les Théssaliens et Thésaliennes''.

''La Poésie'', sujet du Ier acte, qui met aux prises Sapho et Alcée, vaut plus pour le duo entre les figures que sont Une Naïade et Un Ruisseau que pour celui de deux amants languissants. L'exubérance de la musique, on la trouve dans le chœur ''Dansons tous'' ou dans les ''Tambourins pour les Mariniers et les Marinières'' avec leurs curieuses scansions volontairement d'allure un peu lourdaude. Vient un orage quelque peu effrayant avec roulades des bois, et surtout l'air du personnage du Ruisseau, d'une grande virtuosité dans un tempo agité, traversé de moments d'intense lyrisme. Tout finit par des Rigaudons et des Gavottes truffés de percussions vraiment saillantes. L'acte II, ''La Musique'', met en scène Iphise et Tyrtée. Le climat y est plus dramatique, notamment dans les interventions de la jeune femme et celle d'un soupirant agité. Cette partie se distingue par ses nombreuses musiques de ballet, conçues pour une célèbre ballerine de l'époque : Sarabande, Gavotte, Menuet, Rigaudon, et une vaste Chaconne où tous les instruments à vent sont tour à tour mis en exergue : hautbois, basson, cors... Le finale est de facture concertante, là où les bois se voient attribuer un rôle important, dont la flûte piccolo. On aura expérimenté auparavant divers duos entre les deux protagonistes, dont se détache le personnage héroïque de Tyrtée. György Vashegyi a fait choix de jouer la version II de cet acte. Mais il donne aussi la première en appendice (CD3), laquelle est plus développée et compte une distribution soliste différente, plus nombreuse (4 personnages au lieu de 2). Si la trame est à peu de choses près identique que dans la version remaniée, la tonalité d'ensemble paraît différente. Les musiques de ballet n'y sont pas moins essentielles.

Enfin ''La Danse'' est l'objet de l'acte III. Celui-ci possède une couleur pastorale, du fait du recours à un instrument spécifique, la musette. Le thème prétexte est celui des amours de Mercure et d'une bergère. On y trouve encore moult ballets : Musette en rondeau, Gavotte, diverses entrées de Terpsichore et des nymphes, et des Passepieds légers et entraînants, et enfin un Tambourin bien senti. Mais le texte ne perd pas ses droits. À cet égard, le personnage de Mercure se voit doté de plusieurs airs dont le dernier extrêmement virtuose, demandé à Rameau par son interprète, le célèbre ténor Jélyote. Ce qui confère à cette dernière partie de l’œuvre plus de consistance que les deux précédentes.

György Vashegyi apporte à cette exécution un élan que traduit le souci du rythme par la recherche d'extrêmes contrastes de nuances entre les tempos, ce qui se combine avec un étonnant panel d'intensités dynamiques, dont des ppp saisissants jusqu'à l'hypnotique. On est pareillement séduit par le raffinement de la matière sonore, en particulier pour ce qui est des pupitres des bois comme de celui des percussions vraiment idoines. Voilà un son tout à fait gallique grâce à la couleur patinée des instruments et à l'expertise des musiciens de l'Orfeo Orchestra, qui avait déjà enthousiasmé dans son interprétation de Dardanus. Sa distribution cultive aussi l'excellence. Les sopranos Chantal Santon Jeffery (Hébé, Sapho, La bergère), Olivia Doray (Iphise/2eme version, Une Naïade), Marie Perbost (L'Amour, Eglé) et Judith van Wanroij (Iphise/ Ière version) offrent des timbres ensoleillés. Chez les ténors, ou plutôt ''tailles'', Matthias Vidal défend avec brio la partie de Lycurgue (Ière version de ''La Musique''), tandis que Reinoud van Mechelen (Momus, Un Ruisseau, Mercure) allie force d'expression, clarté du timbre et remarquable projection, notamment dans les notes aiguës lancées avec aisance. Les basses, David Witczak, Philippe Estèphe et Lóránt Najbauer, possèdent des timbres clairs et là aussi des voix bien projetées.

L'enregistrement, dans la grande salle Béla Bartók du Müpa de Budapest, est d'une extrême proximité dans la saisie des voix des solistes et des chœurs, ce qui se ressent jusque dans le chuintement du prononcé des consonnes, alors que l'orchestre est par comparaison capté à bonne distance, ce qui n'empêche pas la finesse de la restitution des bois.

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Texte de Jean-Pierre Robert

Plus d’infos

  • Jean-Philippe Rameau : Les Fêtes d'Hébé, ou Les Talens Lyriques. Ballet en un prologue et trois actes. Paroles de Louise-Angélique Naudin et Antoine-César Gautier de Montdorge
  • Chantal Santon Jeffery (Hébé/Sapho/La Bergère/Une Lacédémonienne), Marie Perbost (l'Amour/Eglé), Olivia Doray (Une Naïade/ Iphise [I ère version]), Judith van Wanroij (Iphise [I ère version]), Reinoud van Mechelen (Momus/Un Ruisseau/ Mercure), Matthias Vidal (Lycurgue), Philippe Estèphe (Hymas/Tyrtée [2 ème version]), David Witczak (Alcée/Eurilas/Tyrtée [I ère version]), Lóránt Najbauer (Le Fleuve/ L'Oracle, Pier Luigi Fabretti, Palémon)
  • Purcell Choir
  • Orfeo Orchestra, dir. György Vashegyi
  • 3 CDs Glossa : GCD 924012 (Distribution :[Integral])
  • Durée des CDs : 61 min 14 s + 71 min 24 s + 43 min 26 s
  • Note technique : etoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile grise (4/5) 

CD disponible sur Amazon



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Jean-Philippe Rameau, Purcell Choir, Orfeo Orchestra , György Vashegyi, Olivia Doray, Judith van Wanroij, Philippe Estèphe, Reinoud van Mechelen, Marie Perbost, Matthias Vidal, David Witczak, Lóránt Najbauer

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