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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Prokofiev et le piano, volume III de l'intégrale Melnikov

Alexander Melnikov Prokofiev

Pour le troisième et dernier volume de son intégrale des Sonates pour piano de Prokofiev, Alexander Melnikov aborde les 1ère, 3ème et 5ème. Il complète le tableau par les Visions fugitives op.22. Comme souligné dans le précédent volume, le pianiste russe défend la musique de son compatriote avec autant de rigueur que d'art du mélodiste.

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Les sonates Nos 1 et 3 appartiennent à la première période créatrice de Serge Prokofiev, dite russe pré-révolutionnaire. L'une et l'autre reprennent du matériau provenant d'essais antérieurs et leur construction en un seul mouvement les place dans le sillage des dernières sonates de Scriabine, appartenant à la forme sonate-ballade. Si elle reste d'inspiration romantique, la Sonate pour piano N°1 op.1 en Fa mineur (1907-1909) laisse éclater une générosité d'inspiration digne de Rachmaninov. Débutée dans un climat enfiévré de ses accords plaqués et ses rythmes superposés, elle évolue vers quelque répit lors d'un passage plus calme, Meno mosso, avant que le rythme ne reprenne ses droits. La virtuosité laisse déjà apparaître les caractéristiques de l'écriture du grand Prokofiev, avec ses ruptures et effets de dissonance. La Sonate N°3 op.28 en La mineur, sous-titrée « D’après des vieux cahiers », date de 1917. Le style a considérablement évolué et s'est nourri d'autres œuvres notoires tels les Concertos pour piano N°1 et N°2. Pour une durée à peu près équivalente à celle de la 1ère sonate (environ 7'), la succession des épisodes s'est diversifiée, ne comptant pas moins de sept changements de rythme. L'entame est agressive, marquée Allegro tempestoso. Suit un Moderato presque mélodieux. Puis une section tempétueuse motoriste extrêmement difficultueuse par un jeu de mains quasi divergentes avec ostinatos et rythmes saccadés. Se succéderont encore des passages calmes ou animés dont un Poco a poco accelerando annonçant le meilleur Prokofiev. L’œuvre s'achève dans une sorte de chevauchée à la puissance de frappe impressionnante.

Les Visions fugitives op.22 sont contemporaines de la Troisième sonate puisque écrites entre 1915 et 1917. Il s'agit d'un cycle de vingt pièces miniatures tels des instantanés. Un vrai kaléidoscope pianistique. L'intitulé de l'œuvre est inspiré de vers du poète symboliste Konstantin Balmont « Dans chaque vision fugitive, je vois des mondes pleins de jeux changeants et irisés ». Plus proches des Préludes de Scriabine que de ceux de Chopin, ces piécettes exposent chacune, en un minimum de temps (de 40'' à 2'06) le maximum de contenu expressif. Qu'il soit lyrique (N°II, le très tonal N°VIII, N°XII ou le N°XX épuré avec quelque chose d'irréel) ou caustique (N°X et son rythme déhanché typique de l'auteur, ou l'énigmatique N°V et ses 23''), voire violent (N°IV presque féroce ou N°XIV percussif). Le jeu pellucide de Melnikov en saisit aussi le raffinement (N°VI) dans le registre aigu, là où Sviatoslav Richter a laissé sa marque indélébile. L'enchaînement des pièces XV, XVI et XVII est un modèle du genre quant aux variations d'intensité (''Inquieto'', ''Dolente'', ''Poetico''). L'avant-dernière prend un aspect révolutionnaire de son martèlement et un jeu flattant les deux extrêmes du clavier.

Prokofiev compose sa Sonate pour piano N°5 en Do majeur op.38 en 1923. Il la remaniera dans les années 1952-1953, sous le N° d'opus 135, tout en conservant ses trois mouvements et sa brièveté (moins de 15'). L'Allegro tranquillo possède un schéma néoclassique et son écriture est logée dans l'aigu du clavier. Le climat change rapidement et prend une allure prestissime, emplie de dissonances et d'une mécanique anguleuse, mais aussi mélodieuse. L'Andantino, salué par Francis Poulenc, est quelque peu énigmatique, d'une subtile ironie, telle une pantomime. Son jeu est toujours confié au registre aigu. Le finale Un poco allegretto retrouve le climat du début de l'œuvre, mais dans une dynamique plus dense, proche d'un scherzo, voire du rythme de toccata cher à Prokofiev. On y perçoit beaucoup d'énergie dans des accords de plus en plus serrés.

Comme dans les deux précédents volumes, Alexander Melnikov ménage toute la rigueur qu'exige l’écriture complexe de Prokofiev et en même temps une bienfaisante souplesse. Le jeu se refuse au percussif pour privilégier une approche raisonnée. L'enregistrement au Teldex Studio Berlin dispense une image proche et aérée. 

Texte de Jean-Pierre Robert

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Plus d’infos

  • Serge Prokofiev : Sonates pour piano N°1 op.1, N°3 op.28, N°5 op.38 (op.135 dans la version de 1953). Visions fugitives op.22
  • Alexander Melnikov, piano
  • 1 CD Harmonia Mundi : HMM 902204 (Distribution : [Integral])
  • Durée du CD : 49 min 53 s
  • Note technique : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rouge (5/5)

CD disponible sur Amazon



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