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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : François-Xavier Roth enchante la Quatrième Symphonie de Mahler

Mahler SymphonieN4 LesSiecles

Après une étonnante Première, François-Xavier Roth aborde la Quatrième symphonie de Mahler, avec la même sensibilité pour cet idiome, ajoutée à la transparence que procure son orchestre Les Siècles jouant sur instruments d'époque. Celle à propos de laquelle on a parlé d' ''humoresque'' trouve ici, avec la complicité enchanteresse de la soprano Sabine Devieilhe, une interprétation proche de la référence. 

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Dès les premières mesures du mouvement initial ''Bedächtig, nicht eilen'' (prudent, sans se presser) est-on happé par ce « jeu sonore, mi-danse mi-marche » qu'y voit Jean Matter (in ''Mahler'', L'Âge d'homme, Lausanne, 1974). Le premier thème, avec ses grelots fantasques, Roth le prend sobre mais plein de Gemütlichkeit viennoise, sorte de tendre abandon, alors que le deuxième, d'allure populaire, distillé notamment au hautbois, livre toute sa fraîcheur. Le ton est enjoué, légèrement parodique mais plein de tendresse à travers des phrases et ritournelles bien timbrées et combien expressives, notamment dans la progression très liée vers un climax puissant. La maîtrise de l'idiome mahlérien est là, paré de sonorités orchestrales volontairement dépourvues de rondeur. Et une science des flux, qui ne cherche pas à s'alanguir. La manière ondulante du développement est pourvue d'alacrité, avec des tutti d'une belle robustesse, en particulier quant aux interventions des cors. La reprise du thème, cette fois très lent, amorce la fin du mouvement dans une ambiance joyeuse.

L'étrangeté du scherzo ''Im gemächlicher Bewegung, ohne Hast'' (dans une allure tranquille, sans hâte), on l'expérimente dès le solo de Ier violon, figure de la mort sous les traits d'un violoneux et son crincrin. Voici un autre jeu sonore qui fleure bon le Ländler autrichien comme le charme irrésistible issu de la courbure des cordes aiguës puis graves. Roth va jusqu'à bien faire discerner quelques dissonances dans la combinaison cordes-petite harmonie. Le premier trio, sur l'appel du cor, voit les cordes chantantes être bousculées par des traits acerbes des bois. Roth introduira un ralentissement entre les deux trios, au passage chambriste du retour du crincrin de violon dialoguant avec les bois, ultime pied de nez. Un des grands adagios de Mahler, le ''Ruhevoll, poco adagio'' (paisible) est, selon Roth, « une ode à la douceur, à la paix ». Le premier thème est pris méditatif mais grave. La progression sera saisissante vers un climax lumineux sur une délicate assise des basses. Il y a là l'expression à la fois du pathétisme d'une souffrance et d'une coulée consolatrice que nimbe le hautbois (Hélène Mourot). L'épisode Allegretto grazioso, dans le goût de chant populaire, a rarement sonné aussi vrai. Le son des instrumentistes des Siècles confère une aura spécifique à cette musique de l'âme dans ses alliages de timbres. Et tout reste d'une extrême clarté, jusque dans les passages de rapidité soudaine. Jusqu'au ''coup'' d'un fulgurant climax fortissimo qui se dissipe et s'éteint progressivement dans une atmosphère paradisiaque, annonce du dernier volet.

Celui-ci, bâti sur le Lied des ''joies célestes'', marqué ''Sehr behaglich'' (très à l'aise), doit respirer innocence et ingénuité : « une image du paradis vue par un regard d'enfant » (Matter, op. cité). Le mouvement marque une certaine rupture avec le ton d'humoresque de ce qui a précédé, que l'utilisation de la voix hors de toute grandiloquence achève de rendre unique, et sans lendemain au demeurant chez Mahler, hormis peut-être le mouvement final du Chant de la terre. Sabine Devieilhe, comme Edith Mathis naguère avec Karajan (DG), coule son lumineux soprano dans la narration du Lied, d'une diction presque enfantine comme voulue par le compositeur, avec des apogées de douceur immatérielle. « Un petit évangile qu'il ne faut pas surjouer », selon Roth. Qui adopte, dans les intermèdes symphoniques et à l'accompagnement du chant, une démarche naturelle dans le rendu de l'instrumentation en batteries ou obliquant sur une quiétude digne de l'Adagio. La dernière strophe ''Il n'y a sur terre aucune musique qui puisse être comparée à la nôtre'', cet « éloge de la musique, porteuse de joie » (Matter), Devieilhe la conduit avec presque naïveté, alors que la mélodie se raréfie peu à peu, de plus en plus piano, jusqu'au silence. Digne conclusion d'une exécution mémorable. Assurément plus encore que l'exécution de la Symphonie N°1 ''Titan'' par François-Xavier Roth et Les Siècles.

La prise de son, au RIFFX Studio n°1 de la Seine Musicale, se signale par un extrême relief comme par le naturel dans l'étagement des plans et la restitution des instruments, des cordes dans l'extrême aigu par exemple, ou des bois, ici dépourvus de ''spotlighting'', cette fâcheuse pratique de mise en avant.

Texte de Jean-Pierre Robert

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Plus d’infos

  • Gustav Mahler : Symphonie N°4 en Sol majeur
  • Sabine Devieilhe, soprano
  • Les Siècles, dir. François-Xavier Roth
  • 1 CD Harmonia Mundi : HMM 905357 (Distribution : ([Integral])
  • Durée du CD : 54 min 47 s
  • Note technique : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rouge (5/5)

CD disponible sur Amazon



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