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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : musique de chambre au sommet

Rachmaninov Brahms Yuja Wang

Ce généreux CD est une proposition patchwork. Mais qui s'en plaindra devant la brochette de talents réunis. L'élément fédérateur semble être la pianiste Yuja Wang, star du roster DG. Mais aussi le celliste Gautier Capuçon, de Warner, ''prêté'' pour l'occasion à l'autre major. Ils interprètent deux œuvres de Brahms, la Ière Sonate pour violoncelle et le Trio pour clarinette, ce dernier avec Andreas Ottensamer, solo du Berliner Philharmoniker, ainsi que la Sonate pour violoncelle de Rachmaninov. Parées du goût que l'on sait de la part de ces chambristes confirmés.

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La Première Sonate pour piano et violoncelle en Mi mineur de Brahms op.38, dépourvue de mouvement lent est concise. Son caractère mélodieux rappelle le Brahms nordique de la première période. L'Allegro non troppo est constitué de trois motifs, le premier introduit par le violoncelle, ici héroïque et mélancolique, le deuxième plus rythmique et le dernier confié au piano. Gautier Capuçon le joue expansif et très chantant avec chaleur tandis que Yuja Wang offre un piano bien architecturé, conférant aux différentes ambiances tendresse et dramatisme. Ils remplissent de gaîté, celle du divertissement, l'Allegretto quasi Menuetto et son thème d'une grande simplicité. Comme il en va du trio dont la mélodie legato est plus lyrique que passionnée. Au finale Allegro, légèrement fugué, les deux musiciens se montrent plus démonstratifs au fil d'une construction complexe. La pulsation de la partie de piano est énergique sous les doigts de Wang, laissant au climat de balade son effet de jaillissement, si caractéristique du dernier Brahms.

La Sonate pour violoncelle et piano en Sol mineur op.19 de Rachmaninov est un des exemples de l'attrait du compositeur pour cet instrument, « la voix intérieure de l'âme russe », dira Boris Pasternak. Dans cette œuvre conséquente en quatre mouvements, le piano tient une place non secondaire. Le thème cherche à s'établir dans le Lento initial, avant que le discours bascule dans une manière fluide magistralement distribuée aux deux instruments, dans le registre médian du violoncelle notamment. Le mélodisme discret de ce mouvement est justement jugé par les deux présents interprètes. L'animation du discours au développement en renouvelle l'intérêt, sans perdre de vue le lyrisme éperdu de l'inspiration. Le thème subit diverses métamorphoses dont un passage au clavier conduisant le cello à un climax tendu. Capuçon et Wang prennent l'Allegro scherzando comme une danse fantastique, angoissante dans sa rythmique tournoyante qui voit émerger une plage lyrique dont Rachmaninov a le secret. À l'Andante, le climat change dans l'écriture pianistique. La mélodie du violoncelle se fait chez Capuçon presque berçante pour moduler intensément. Le Finale renoue avec la manière grandiose du début et est exigeant pour les interprètes car les changements de rythme sont fréquents quoique enserrés dans une allure marquée et démonstrative. La section médiane Moderato ravive la rêverie du mouvement précédent, tandis que la coda Vivace mène l'œuvre vers l'apothéose.

Le Trio pour piano, clarinette et violoncelle en La mineur op.114 de Brahms élargit le spectre sonore de ce parcours chambriste. C'est l'une des deux œuvres écrites pour la clarinette par le compositeur à l'intention de Richard Mühlfeld, avec le célèbre Quintette. Elle allie élégie et passion, ce que les trois interprètes imprègnent d'une fougue contrôlée. L'Allegro est entamé par le cello auquel se joint vite la clarinette. Le rythme s'intensifie quoique l'échange entre clarinette et violoncelle reste ici contenu. L'Adagio introduit une profonde rêverie par le dialogue intense entre cello et clarinette, sur une pédale harmonique soutenue par le piano. La symbiose entre Gautier Capuçon, Ottensamer et Wang est patente. Qui se font plus mystérieux au médian. L'Andantino grazioso, Landler en forme de menuet et monothématique, poursuit le climat rêveur de l'Adagio. L'Allegretto conclusif, d'un goût plus sévère, est à première vue emporté dans la vision de Yuja Wang. Mais les trois artistes abordent cette partie finale de manière très contrastée. Voilà une interprétation dégagée de tout pathos romantique, enluminée de la belle et chaude sonorité de la clarinette d'Andreas Ottensamer et bénéficiant de la réactivité de ses deux partenaires, tous distingués et raffinés chambristes.

L'enregistrement au Konzerthaus de Dortmund procure une image très présente et un beau relief sur les instruments. L'équilibre cello-piano est idéal et le trio possède ce même souci de dosage entre les voix.

Texte de Jean-Pierre Robert 

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Plus d’infos

  • Johannes Brahms : Sonate pour piano et violoncelle N°1 op.38. Trio pour piano, clarinette et violoncelle op.114
  • Serge Rachmaninov : Sonate pour piano et violoncelle op.19
  • Yuja Wang (piano), Gautier Capuçon (violoncelle), Andreas Ottensamer (clarinette)
  • 1 CD Deutsche Grammophon : 486 2388 (Distribution : Universal Music France)
  • Durée du CD : 82 min 53 s
  • Note technique : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rouge (5/5)

CD disponible sur Amazon 



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