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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : sur les ailes du chant, la musique de piano de Reynaldo Hahn

Hahn Kolesnikov

Intéressante découverte que ces pièces de piano de Reynaldo Hahn. Compositeur fétiche de la Belle époque, l'auteur de Ciboulette a commis un conséquent corpus pianistique, essentiellement dans sa jeunesse. Avec une brassée de pièces extraites de deux recueils, Le Rossignol éperdu et Premières valses, le pianiste russe nous fait entrer dans quelque pays des merveilles.

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Les deux albums sont constitués de courtes pièces, souvent proches de la miniature. « Musique à la fois vague et précise », confie Pavel Kolesnikov, qui « approche et manipule les émotions à la manière des impressionnistes », en peinture s'entend. Et où l'étrange se mêle à un langage subtil, usant de tempos pour beaucoup sur le versant lent, où l'expressivité se veut discrète. Dans ces pièces qui valent plus que leur manière en apparence aimable, Reynaldo Hahn cultive l'art de la formule dans leurs titres mais cache son jeu quant au texte musical qui parfois veut dire presque le contraire de l'énoncé du titre (''Chérubin tragique'', plus joueur que dramatique, ''Berceuse féroce'', pour une férocité très mesurée, qui se réveille soudain, avant de se dissoudre dans la rêverie). Il émane de bien de ces morceaux quelque chose d'évanescent, voire d'impalpable. Ainsi des Premières valses, de 1898. Dont Kolesnikov donne six des dix morceaux. ''Avec élégance'' (valse N°1) fuit le faux semblant, pour une vraie légèreté. ''Ninette'' (N°3) est une pirouette coquine, où le tempo preste se rétrograde peu à peu. ''Valse noble'' (N°4) manie le ff, si peu utilisé chez Hahn, et la presque moquerie. Dans ''Assez vite'' (N°6), le mouvement figé du début s'anime en rythmique syncopée. ''La feuille'' (N°9) offre une nostalgie habilement dissimulée dans un tempo retenu, avec un deuxième sujet creusant le propos, plus intériorisé. Enfin la 10ème ''Sans rigueur'', la plus élaborée du cycle, sur un vers de Baudelaire, est la simplicité même, d'une valse qu'on a pu cataloguer de ''molle'', alors que sa section médiane se structure jusqu'à un climax, pour conclure dans un decrescendo.

Le recueil Le rossignol éperdu, 53 poèmes pour piano, a été écrit entre 1899 et 1910. Y sont rassemblés ce que Kolesnikov souligne comme étant chez Hahn « sa manière de tendre vers une certaine pureté en esquivant la dramatisation, les grands effets psychologiques et les maniérismes d'usage ». De quoi contrecarrer les étiquettes peu flatteuses accolées à un musicien longtemps dédaigné par la musicologie. Heureusement réhabilité depuis. Car à y regarder de près, une sorte de naïveté là encore, cache le refus de la facilité. Parmi les 19 pièces choisies, on expérimente une forme d'impressionnisme (N°5 ''Soleil d'automne''), le mystérieux (N°7 ''Les deux écharpes'', N°38 ''Le Jardin de Pétrarque'') jusqu'à l'inexprimable (22 ''Ouranos'', éloge de la lenteur, dans un air comme raréfié), l'évanescent (N°9 ''Éros caché dans les bois'' ésotérique, sur le ton de la confidence). Le rêve pur aussi (N°6 ''Les rêveries du Prince Églantine''), ou une certaine manière de volupté (N°32 ''Narghilé'', sous les charmes de parfums interdits). Les jeux de l'esprit encore (N°20 ''Passante'', N°53 ''Le pèlerinage inutile'', vers quoi ? Si ce n'est des pensées mélancoliques, des souvenirs fanés, sans doute agréables). Ou plutôt les joies simples (N°41 ''Les noces du duc de Joyeuse'', N°50 ''La fête de Terpsichore'', amusant jeu de cache-cache, N°48 ''Le réveil de Flore'' au fil de gammes enjouées).

Tout cela respire un raffinement qui refuse la joliesse, souvent une sorte d'air de ne pas y toucher, l'inattendu surtout, une étrange douceur apparente, et faisant son miel de toutes les ressources que dispense le piano. Ce que Pavel Kolesnikov restitue à la perfection par un jeu perlé sans appuyer, dans un infini panel de nuances, singulièrement dans le registre ppp. L'intelligence de l'agencement des pièces, loin d'une sèche chronologie, permet de faire saillir de saisissants contrastes.

Le choix de l'instrument joué a été essentiel et s'avère déterminant, un Yamaha CFX dont « le son est comparativement moins texturé que l'habituel Steinway de concert », offrant une sonorité plus feutrée, en adéquation parfaite avec le concept artistique. Un disque qui vaut plus que le détour !

Texte de Jean-Pierre Robert

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Plus d’infos

  • Reynaldo Hahn : Le rossignol éperdu (extraits). Premières valses (extraits)
  • Pavel Kolesnikov, piano
  • 1 CD hyperíon : CDA68383 (Distribution : Distrat Music)
  • Durée du CD : 71 min 24 s
  • Note technique : etoile verteetoile verteetoile verteetoile verteetoile verte (5/5) 

CD disponible sur Amazon



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