CD : Pierre Gallon joue les Suites françaises de Bach
Cette nouvelle intégrale des Suites françaises de Bach offre la particularité de présenter non pas les six pièces habituellement retenues, mais plutôt huit, du fait des recherches les plus récentes opérées quant à la teneur de ce corpus. On le doit au claveciniste Pierre Gallon qui en livre des exécutions extrêmement pensées.
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Comparées aux Suites anglaises BWV 806-811, les Suites françaises, composées vers 1720 à Köthen, pour l'éducation de son fils Wilhelm Friedemann, ont souffert d'âpres discussions musicologiques en raison de leurs diverses éditions. La plus connue porte à six le nombre de ces Suites (BWV 812-817). Mais il semble probable que le corpus en était plus fourni, comportant deux autres œuvres, que Pierre Gallon entend restituer ici, pour donner une vue la plus exhaustive possible de cette œuvre pour clavier de Bach. Dont le dessein était pour son auteur « d'inculquer à ses proches élèves une certaine idée du style français : finesse du discours, élégante simplicité de la ligne mélodique, noblesse et variété apportées par les différents caractères des danses », explique-t-il. Et de s'interroger sur « l'impossible choix éditorial » qui s'ouvre à la sagacité de l’interprète. Gallon choisit ainsi de jouer l’entièreté des huit pièces, ajoutant les Suites BWV 818a et BWV 819. Autre difficulté : faut-il les jouer avec ou sans prélude ? Il opte pour la première solution, quitte pour ce faire à adjoindre des pièces empruntées à d'autres œuvres du Cantor ou à d'autres musiciens de l'époque. Enfin, faut-il jouer ces suites avec ou sans ornementations, et dans l'affirmative, de quelle manière ornementer ? La réponse est : avec ses propres ornementations.
Le modèle de la suite française consiste en la succession de quatre danses fondamentales : Allemande, liée, Courante, rythmée et légèrement bavarde, Sarabande, plutôt rêveuse, et la vive Gigue. Selon les diverses Suites, ces danses se voient entrecoupées d'autres, dites ''galanterien'', tels Menuet, Gavotte, Bourrée et autres ''petites danses'' ressortissant au registre de la galanterie, française oblige. Ces dernières varient en nombre selon les suites. On en trouve une seule dans le cas des Suites BWV 812 (Menuet I & II) et BWV 818a (Menuet). Il y en a deux dans les suites BWV 813 (Air et Menuets I & II), BWV 814 (Anglaise & Menuet & Trio) et BWV 819 (Bourrée, Menuet I & II). Elles sont au nombre de trois s'agissant des Suites BWV 816 (Gavotte, Bourrée, Loure), voire de quatre dans le cas de la Suite BWV 815 (Gavotte, Gavotte II, Air, Menuet) et BWV 817 (Gavotte, Menuet polonais, Petit Menuet, Bourrée). Tout cela apporte à chacune son originalité.
Ainsi de la Suite N°1 en Ré mineur BWV 813, où les diverses danses sont contrastées, dont une Allemande très développée, précédée ici d'un Prélude emprunté à François Couperin. Des caractères originaux de la Suite N°2 en Do mineur BWV 813 dont la Courante rappelle plus la Corente italienne, et un Air très vif. Pour préluder la Suite N 3 en Si mineur BWV 814, Gallon place une Ouverture française de François Dieupart, bien en situation ici. On y remarque encore une Courante pleine de faconde, une Anglaise sautillante et un Menuet et son Trio bien articulés. À la Suite N°4 en Mi bémol majeur BWV 815 deux des quatre ''galanteries'' sont empruntées à d'autres pièces de Bach. La Suite N°5 en Sol majeur BWV 816 se signale par une Courante brève et prestissime, par opposition à une Allemande et une Sarabande plus développées, cette dernière extrêmement chantante. La Gigue finale sonne comme volée de cloches. Dans la Suite N°6 en Mi majeur BWV 817, une des galanteries est intitulée ''Menuet polonais'', précédant un ''Petit Menuet''. L'inventivité ne connaît pas de limite. Quant aux deux ''nouvelles'' Suites BWV 818a en La mineur et BWV 819 en Mi bémol majeur, la première est introduite par Gallon, par un Prélude ''fort gai'', la seconde par un Prélude tiré d'une pièce de clavecin BWW 998. La Gigue de cette ultime suite est une musique du fils de JS Bach, Wilhelm Friedemann.
Outre le soigneux travail éditorial, on saluera la qualité de l'interprétation de Pierre Gallon : netteté du jeu, inventivité et scrupule quant aux ornements, comme la manière de ''jeu de luth'' consistant à amortir la vibration des cordes, comme si on avait disposé une sourdine. Il joue un instrument flamand, de l'atelier Marc Ducornet, de 2020, sonnant clair et chaud avec des basses bien détachées. Qui est saisi dans une église-musée en Belgique, dans une acoustique légèrement résonnante, ce qui n'empêche pas un relief certain.
Texte de Jean-Pierre Robert
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Plus d’infos
- Jean-Sébastien Bach : Suites françaises BWV 812-817 et BWV 818a & BWV 819
- Pierre Gallon, clavecin
- CD l'Encelade : ECL 2103 (Distribution : Socadisc & Believe Digital)
- Durée des CDs : 78 min 22 s + 78 min 19 s
- Note technique : (5/5)
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