CD : la Messa di Gloria de Rossini enfin mise en lumière
Antonio Pappano, son orchestre dell'Accademia Nazionale di Santa Cecilia et cinq solistes de talent proposent une œuvre de Rossini bien peu jouée, la Messa di Gloria. À ne pas confondre avec la Petite Messe solennelle, bien plus tardive. Voilà de la musique sacrée gorgée de lyrisme et d'harmonies surprenantes. Et une heure de pur plaisir, comme l'auteur de Il Barbiere di Siviglia sait en distiller, pourvue d'une interprétation qui touche la perfection.
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La Messa di Gloria est avec le Stabat Mater et la Petite Messe solennelle, la première des trois œuvres de musique sacrée composées par Rossini. Elle l'a été en 1820, contemporaine de l'opéra Maometto II. C'est une « messe de lumière », remarque Antonio Pappano, qui ajoute « à la fois un hommage au jeu et au chant virtuoses, et aussi une célébration en soi, une louange à la gloire de Dieu ». Son caractère quasi opératique est évident dès les premières pages. Comment pourrait-il en être autrement chez un musicien aussi habile dans l'écriture vocale, qui disposait de voix aux moyens exceptionnels. Comme il en allait à l'âge d'or du bel canto. Son aspect symphonique ne l'est pas moins. Rossini exige beaucoup de l'orchestre, dont plusieurs solistes instrumentaux. Comme de la nécessité de trouver les bonnes couleurs, la juste propulsion des ritornellos, et « l'élégance, la précision, l'humour, l'ironie, le panache » (ibid.). Un fin connaisseur à l'époque, Théophile Gautier, à propos d'une autre œuvre sacrée, le Stabat Mater, parlera de « musique par nature heureuse, souriante, presque gaie, toujours en fête ». L’œuvre, en 11 mouvements, ne comporte ni Credo ni Crucifixus, ce qui explique en partie l'absence de caractère solennel. Le Kyrie, divisé en trois parties distinctes, débute par des accords véhéments presque dissonants, avant que s'installe la mélodie du chœur d'un ton presque léger. Saisissante entrée en matière. Suit au ''Christe, eleison'' un étonnant duo des deux ténors, presque sensuel, avant le retour au caractère solennel du début et son contrepoint opératique.
Le Gloria, partie la plus développée de la messe, est constitué de six séquences contrastées. Le ''Gloria'' est introduit à l'orchestre avec des fanfares de cuivre dans un tempo de marche que suit un quatuor, dont le ténor 1, et le chœur. Le ''Laudamus Te'' voit une cavatine de la soprano, réservant de belles ornementations sur des incises de bois tout aussi intéressantes. Vient une partie plus dramatique, comme au sommet d'un grand air d'opéra, avec des sauts d’intervalles et cette scansion si caractéristique chez Rossini. La section ''Gratias agimus tibi'', confiée au ténor 1, offre une romance avec cor anglais obligé. L'alliage improbable ténor aigu-cor anglais s'avère non pareil. Le ''Domine Deus'' est réservé au trio soprano, mezzo et basse. Il débute par la mezzo sur un tempo andante, rejointe par la soprano, puis un duo des deux auquel se joint la basse. La section ''Qui Tollis'', la plus étonnante, est dévolue au ténor 2 dans un morceau très symphonique aux cordes avec appels des cuivres et ostinatos des bois. L’écriture pour le ténor est des plus audacieuses avec quinte aiguë assassine et écarts de dynamique insensés. Cet air du ténor 2 se poursuit en une cabalette avec contrepoint du chœur. Les deux dernières séquences de la Messe sont attribuées d'abord à la basse, au ''Quoniam tu solus Sanctus'', avec solo de clarinette : une introduction virtuose et développée pour l'instrument précède le grand air de basse, accompagné de la clarinette, autre combinaison inattendue. Qui transporte plutôt à l'opéra que sous les voûtes de l'église. Puis au chœur qui termine l'office comme il l'avait commencé dans une approche plus dramatique - enfin - avant une fugue savante.
Antonio Pappano est l'ardent défenseur de cette partition, à la tête d'un Orchestra dell'Accademia Nazionale di Santa Cecilia d'un immense raffinement instrumental et d'un sûr feeling pour l'idiome rossinien. Ses cinq solistes sont au même diapason. Les deux ténors, Lawrence Brownlee (1) et Michael Spyres (2), rivalisent d'agilité dans les trilles et les quintes aiguës haut perchées dont raffole Rossini, ici comme dans ses opéras bel cantistes. La sûreté stylistique est à l'unisson, déjà éprouvée chez l'un et l'autre ou en duo. La basse Carlo Lepore offre un timbre sonore et lisse. Dans des parties moins stressées, les sopranos Eleonora Buratto et Teresa Iervolino, timbre plus corsé chez cette dernière, démontrent ferveur et brio. Eleonora Buratto, au ''Laudamus te'' déploie une fière assurance. La contribution chorale parachève la réussite, car le Chœur de l'Accademia di Santa Cecilia allie fluidité et endurance, et ajoute une aura de grandeur à cette exécution.
L'enregistrement live à l'Auditorium Parco della musica à Rome offre une acoustique ample, ce qui n'empêche pas une parfaite distribution instrumentale et un relief d'ensemble saisissant.
Texte de Jean-Pierre Robert
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Plus d’infos
- Gioachino Rossini : Messa di Gloria pour solistes, chœur et orchestre
- Eleonora Buratto (soprano), Teresa Iervolino (mezzo-soprano), Lawrence Brownlee, Michael Spyres (ténors), Carlo Lepore (basse)
- Maria Irsara (cor anglais solo), Alessandro Carbonare (clarinette solo)
- Orchestra e Coro dell'Accademia Nazionale di Santa Cecilia, dir. Antonio Pappano
- 1 CD Warner Classics : 50541972345 (Distribution : Warner Classics)
- Durée du CD : 61 min 10 s
- Note technique : (5/5)
CD disponible sur Amazon
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