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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Música Callada, sommet de la musique de piano de Federico Mompou

Federico Mompou Musica Callada

Dans l’œuvre de piano du catalan Federico Mompou, les quatre recueils de Música Callada tiennent un rang essentiel. « Une musique non figurative, intérieure », souligne Thérèse Malengreau, conçue par un compositeur occupant lui-même une place particulière au sein du piano du XXème siècle. La pianiste belge en livre une interprétation de haute tenue, rendant justice à ce pan de la musique espagnole contemporaine, qui mérite à être connue.

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Música Callada, littéralement ''musique qui se tait'', est un ensemble de 28 courtes pièces réunies en quatre cahiers écrits entre 1951 et 1967 par Federico Mompou (1893-1987). Cette musique de l'espace sonore, souvent celui du carillonnement de cloches, et de la résonance qui précède le silence, expérimente un panel subtil de nuances : dans le mode retenu essentiellement, avec des indications comme Lento, Molto lento, Poco piu mosso, Calme ou Tranquillo, mais aussi dans le mezzo forte. Rares y sont les tempos allegro. « Cette musique est callada parce que son audition est interne. Retenue et réserve », dira l'auteur. Certaines tournures font penser à Satie, mais dans une intention bien différente. L'influence de Debussy est patente. Pour la pianiste Thérèse Malengreau « se forment des effets de perspectives proches ou lointaines, des alternances entre flou et netteté... des distorsions chromatiques qui créent des dissonances ou plutôt, pour citer Vladimir Jankékévitch, une ''tolérance auriculaire distendue'' ». On y trouve encore l'art du chant, hérité de Chopin, et surtout une volonté d'abstraction et un soubassement mystique. Que cultive le rôle du silence. En un mot une musique offrant un « ton d'ensemble ascétique, qui oscille entre candeur originelle et souffrance, voire désespoir ». Guy Sacre dira encore, à propos de l'esthétique de Mompou « ici règne le plus souvent... une tristesse infinie, qui confine à la désolation, sinon au désespoir. C'est à croire qu'à ce point d'ascèse et de macération, le silence étouffe plus de larmes encore que la parole. La musique est complètement mise à nu » (in ''La Musique de piano'', Laffont, coll. Bouquins, 1998).

Dans le Premier cahier, écrit en 1951, qui décline le mode lent en d'infinies formes, apparaissent aussi déjà des sonorités de cloches ; alors qu'une section peut voir émerger quelque bienfaisante luminosité, tel le très bref ''Simplice''. Au Deuxième cahier, dix ans plus tard puisque composé en 1962, Mompou installe le mode d'espace et de résonance qui lui est cher, dans un morceau comme le N°3 ''Lento'', aux assonances debussystes ou au suivant ''Tranquillo'' et ses évocations de tintement de cloches, telle une chanson traversée d'accords enroulés et déchaînés. Le morceau suivant ''Severo'', énergique, apparaît soudain grandiose. Il fait place à un ''Lento'', plaintif, d'une étonnante douceur évoquant Chopin, qui se délite cependant en une sombre rêverie. Le volume se termine en contrée debussyste par un ''Calme'' aqueux.

Le Troisième cahier, de 1965, comprend cinq sections, dont un ''Luminoso'', évocation d'un espace intérieur, fait de « battements harmoniques savamment entretenus, des filtrages et des glissements harmoniques entre registres », souligne Thérèse Malengreau. Les quatre autres morceaux dissertent sur les différentes facettes d'un univers de lenteur. Là encore, la filiation debussyste ne peut être niée. Le Quatrième cahier (1967) est dédié à Alicia de Larrocha qui le créera en 1972. Là aussi, ce seront sept sections dans le mode lent. Le registre médian du piano est plus fréquenté qu'antérieurement. La quatrième section, sans indication de tempo, sonne plus franche dès l'abord pour se résoudre dans la retenue. Exemple typique de l'art tardif de Mompou. Les trois derniers morceaux, digression sur le Lento et de plus en plus développés, voient se succéder des accords plus nets, un dire profondément ému, enfin un accomplissement en une progression sonore exploitant (enfin) tout le spectre du clavier dans une ascèse désormais maîtrisée. Pour citer encore Jankélévitch « son esthétique aspire à laisser chanter la voix de l'âme pure, de l'âme seule, de l'âme elle-même en elle-même ».

Formée auprès de Nicole Henriot-Schweitzer et de Léon Fleischer, Thérèse Malengreau défend la musique de Mompou avec foi et un réel talent de conteuse. Dans un domaine qui pourtant ne se laisse pas aisément appréhender, « donnant l'illusion de la non-intervention de l'interprète », souligne-t-elle. L'achèvement en est d'autant plus émérite. 

La prise de son capte le piano Fazioli bien centré et clair, aux perspectives bien jugées, en accord avec la spatialité de la musique.

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Texte de Jean-Pierre Robert

Plus d’infos

  • Federico Mompou : Música Callada, cahiers 1 à 4
  • Thérèse Malengreau, piano
  • 1 CD Soupir Éditions S 257 (Distribution : DOM disques)
  • Durée du CD : 63 min 18 s
  • Note technique : etoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleue (5/5)

CD disponible sur Amazon



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