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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Stravinsky, Bernstein, Golijov, comme cela swingue...

Nazareno LSO

On doit à Sir Simon Rattle d'avoir concocté ce programme aux allures jazzy qui associe l'Ebony concerto de Stravinsky, Prelude, Fugue & Riffs de Bernstein et Nazareno de Golijov. Trois partitions aux rythmes endiablés, aux relents jazzy plus que prononcés, aux tunes souvent envoûtants. Le LSO répond avec brio comme son clarinettiste principal Chris Richards, et bien sûr le duo des Sœurs Labèque, à l'origine de l'arrangement de l’œuvre de Golijov. Un disque attractif.

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Dans la foulée de la Symphonie en trois mouvements, Stravinsky s’attelle en 1945 à une œuvre bien différente, Ebony concerto, commande du clarinettiste et chef d’orchestre Woody Herman qui le créera à Carnegie Hall en 1946. Le titre de la pièce fait référence, non pas au bois noir de la clarinette de son dédicataire, mais aux rythmes d'Afrique, où le jazz vit le jour. Peu familier de ce type de musique, Stravinsky étudiera les enregistrements de l'orchestre de Herman et prendra conseil auprès d'un saxophoniste pour peaufiner cette technique particulière d'instrumentation. On est bluffé par l'aisance avec laquelle le musicien associe ce matériau à son propre langage. Il s'agit d'une sorte de concerto grosso en trois mouvements. L'Allegro moderato, débuté par un vif échange rythmiquement audacieux entre cuivres et saxo, voit vite s'introduire des parties singulières comme les tom-toms (instrument de la batterie), le piano, la guitare et la harpe. Un second thème plus tendu conduit à une cadence de la clarinette. L'Andante sonne tel un blues, mais de couleur funèbre. Peu à peu l'atmosphère se détend avec les clarinettes, alors qu'un duel oppose trompettes et trombones. Le finale combine solo de clarinette basse, proche du Spiriual afro-américain, et deux variations conduites, l'une par le saxo, l'autre par la clarinette. Et tout finit dans une coda aux allures de choral.

Réplique américaine à l’œuvre concertante de Stravinsky, Prelude, Fugue & Riffs est écrit par Leonard Bernstein en 1949 pour Woody Herman. Mais ne sera créé qu'en 1955, par Benny Goodman. Telle une improvisation, qu'elle n'est pas en réalité car Bernstein l'a soigneusement écrite, l’œuvre est structurée en trois mouvements enchaînés. Mêlant formes classiques et rythmes de jazz. Ainsi ''Prelude for the Brass'' est-il dominé par trompettes et trombones, ''Fugue for the Saxes'', par les saxophones, et ''Riffs for Everyone'', en réalité par la clarinette, le piano et les percussions. On a affaire à une Jam session marquée par son éclectisme et sa verve jazzy revendiquée. Et d'un indéniable attrait.

C'est la musique latino-américaine qui imprègne l’œuvre d'Osvaldo Golijov (*1960). Il écrit en 2000 la Pasión según San Marcos, pour marquer le 250ème anniversaire de la mort de JS Bach. La création à Stuttgart fut saluée eu égard au mélange original d'orchestre, de chœur, de soprano solo, mais aussi de chanteurs cubains et brésiliens et des danseurs. Les pianistes Katia et Marielle Labèque en demanderont, en 2008, à Gonzalo Grau, un arrangement pour deux pianos et orchestre. Elles l'enregistreront pour DG en 2011. Cette seconde interprétation au disque confirme la haute valeur artistique de l’œuvre, appelée désormais Nazareno. Elle se compose de six parties jouées d'un seul tenant, chacune inspirée d'un épisode de la Passion, et effectivement des 34 mouvements de la Pasión. Haute en couleurs comme assortie de rythmes très soutenus, la pièce fait entendre des sonorités inhabituelles, tel l'instrument brésilien appelé berimbau (titre du Ier mouvement) ou les tambours alliés aux pianos dans ''Tambor en blanco y negro''. On est comblé des rythmes latinos, comme au 3ème mouvement ''Guaracha y Mambo'', cœur de l’œuvre de son tempo de mambo exubérant avec trompettes bien sonores et percussions latines. Là où tout s'emballe dans la meilleure veine jazzy latino. Un passage plus calme fait suite, ''Sur'', introduit par les pianos aux tonalités travaillées pour donner l'impression d'espace. C'est l'évocation de la prière de Jésus à Gethsémani. Le discours prend alors une manière ''classique'', un ton intériorisé, les pianos dialoguant avec un orchestre assagi où dominent les cordes et la petite harmonie. ''Tormenta y Quitiplá'' renoue avec la frénésie, pianos et marimba jouant dans un process complexe, polyrythmique, avec solo de percussions. Le dernier mouvement ''Procesión'' est un mix de samba brésilienne et de comparsa cubaine, plein d'énergie et proprement irrésistible.

Le LSO, conduit avec brio par Simon Rattle, éclate partout de mille feux. Les prestations de Gonzalo Grau et de Raphaël Séguinier aux percussions latines, comme surtout des Sœurs Labèque, fameuses duettistes du piano, sont on ne saurait plus idoines. Magnifiées par une prise de son de concert d'un grand relief, ménageant un excellent équilibre entre instruments.

Texte de Jean-Pierre Robert 

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Plus d’infos

  • ''Nazareno''
  • Igor Stravinsky : Ebony concerto
  • Leonard Bernstein : Prelude, Fugue & Riffs
  • Osvaldo Golijov : Nazareno (arr. de Gonzalo Grau)
  • Katia & Marielle Labèque, piano
  • Chris Richards, clarinette
  • Gonzalo Grau, Raphaël Séguinier, latin percussions
  • London Symphony Orchestra, dir. Sir Simon Rattle
  • 1 CD LSOlive : LSO0836 (Distribution :[Integral])
  • Durée du CD : 42 min 24 s
  • Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orange (5/5) 

CD disponible sur Amazon



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