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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Femmes compositrices – Trois facettes de la musique pour orchestre de Kaija Saarihao

Kaija Saarihao

La diversité dans les genres musicaux abordés comme l'intense créativité de la compositrice Kaija Saarihao, entre abstraction et descriptif, confèrent à son œuvre une aura singulière, qui la distingue parmi ses pairs. Le présent CD propose trois aspects de sa musique pour orchestre, symphonique pur, Ciel d'hiver, concertante, Trans pour harpe et orchestre, et vocal avec un cycle de mélodies, True Fire. Partout s'y révèlent la richesse sonore et un étonnant traitement des couleurs, par ailleurs tant perceptibles dans ses opéras. Voici une parfaite introduction à l'univers de Kaija Saarihao et à son credo artistique.

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Le cycle de mélodies True Fire pour baryton et orchestre a été écrit pour Gerald Finley qui l'a créé en 2015 à Los Angeles. Composée de six mouvements, l'œuvre se propose d'explorer l'envergure de la voix de baryton. La musique a été conçue avant le texte et adaptée à lui pour une voix choisie. Les textes ont pour origine des extraits d'œuvres de Ralph Waldo Emerson, figure du mouvement transcendantaliste américain, ainsi que d'auteurs irlandais, amérindien et du poète palestinien Mahmoud Darwish. Le cycle débute par ''Proposition I'', méditatif, découvrant de vastes espaces stellaires sur un orchestre miroitant. La texture orchestrale de ''River'' est animée, la voix se coulant en mélismes du grave au médium. ''Proposition II'', noyau de l'œuvre pour son auteure, disserte sur une seule phrase, « But real action is in silent moments ». Sur un orchestre transparent et translucide, la voix évolue au sein de l'espace miroitant. ''Lullaby'', sur un clapotis d'orchestre, trace une sorte d'aventure de laquelle, selon la compositrice, « l'objectif n'est pas tellement d'endormir l'enfant ; mais plutôt de passer du temps avec lui et lui raconter une belle histoire ». Morceau le plus développé, ''Farewell'' conte l'histoire tragique du « dernier train qui s'arrête sans passagers sur le dernier quai ». En émane un sentiment de désolation, que traduit une musique sombre, immense, jusqu'à un accord final brouillé de cuivres s'éparpillant parmi les cordes, pour conclure sur les mots « And no one was there ». ''Proposition III'' voit le retour à la lumière et à la beauté de la nature. Le geste se fait répétitif évoquant la flamme du « vrai feu » scintillant. Gerald Finley prête à ces pièces son superbe timbre de baryton grave, une multitude de nuances et inflexions et une diction d'une netteté presque gourmande. 

Ciel d'hiver pour orchestre (2013) trouve son origine dans une œuvre antérieure, Orion (2002). L'orchestre est ici moins fourni quoique encore bien vaste avec bois par quatre, cuivres, deux harpes, brelan de percussions et orgue. La pièce s'ouvre par un paysage sonore scintillant ppp avec piccolo solo puis violon, hautbois et clarinette. Cette magistrale introduction, typique de la musique orchestrale de Kaija Saarihao, dégage une impression de palpitations sonores et évoque là encore de vastes espaces. Peu à peu le climat s'enfle pour devenir menaçant par de grands aplats sonores et vagues successives de plus en plus fff. La péroraison revient au scintillement cosmique du début, traversée de légers solos de violoncelle.

Kaija Saarihao portrait
Kaija Saarihao ©DR

Trans (2015) est un concerto pour harpe et orchestre créé par Xavier de Maistre en 2016. Le traitement de la harpe, dont Kaija Saarihao est fascinée par les sonorités et les immenses possibilités, se révèle imaginatif sur un orchestre restreint. Se succèdent trois mouvements. Dans ''Fugitif'' le soliste entre in media res dans le ton méditatif pour évoluer vers une cadence avec force glissandos. Là où une apparente abstraction n'est en fait que l'illustration de la vie même. Le métaphorique ''Vanité'' commence par une cadence sur une basse lointaine, la harpe prenant la tête des opérations, dialoguant avec tel ou tel instrument ou l'orchestre dans son entièreté. L'instrument se fait mystérieux, interrogateur, sous les éclairages les plus divers. ''Messager'', la pièce la plus développée, déploie vivacité et énergie. La harpe intervient dès l'abord échangeant avec les bois et les percussions dans un continuum mouvant, ou ne faisant qu'un avec l'orchestre. S'impose alors une cadence dans le traitement des divers modes de jeu de la harpe, à laquelle est laissée la parole en dernier sur un magnétique pianissimo. Ce concerto rare trouve en Xavier de Maistre un ardent et talentueux défenseur, dont la maestria technique n'a d'égale que la sensibilité aiguë pour cet idiome. 

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On a affaire à n'en pas douter à la quintessence de l'interprétation de ces musiques. Outre la prestation émérite des deux solistes, l'Orchestre Radio symphonique finlandais et son chef Hannu Lintu en livrent des exécutions méticuleuses et extrêmement soignées dans le traitement instrumental combien précis des partitions de leur compatriote. La prise de son au Helsinki Music Centre, dont une captation live pour les mélodies, est ''atmosphérique'', parfaitement dans le ton ''cosmique'' des trois œuvres, alliant fondu sonore et extrême précision.

Texte de Jean-Pierre Robert 

Plus d’infos

  • Kaija Saarihao : True Fire, pour baryton et orchestre. Ciel d'hiver. Trans pour harpe et orchestre
  • Gerald Finley, baryton (True Fire)
  • Xavier de Maistre, harpe (Trans)
  • Finnish Radio Symphony Orchestra, dir. Hannu Lintu
  • 1 CD Ondine : ODE 1309-2  (Distribution : Outhere Music France)
  • Durée du CD : 60 min 37 s
  • Note technique : etoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleue (5/5)



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