CD : l'étonnante destinée de la famille Francœur
Cet album met en lumière quelques membres d'une grande dynastie de musiciens violonistes et compositeurs, les Francœur, dont l'activité couvre plus de 120 ans, des premières heures du XVIIème jusqu'à l'orée du XIXème. Et singulièrement les deux frères Louis et François Francœur. Mais aussi le neveu Louis-Joseph. L'occasion d'une poignée de sonates et pièces pour violon et basse continue jouées par Théotime Langlois de Swarte et Justin Taylor, deux immenses musiciens défenseurs du baroque dans ce qu'il a de plus secret. Un indispensable festin de sonorités !
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C'est bien de « l'épopée musicale d'une dynastie entière, les Fancœur », dont il faut parler, selon Benoît Dratwicki, directeur artistique du CMBV. Tous violonistes et compositeurs pour leur instrument. À commencer par Louis Francœur (1692-1745), deuxième fils de Joseph Francoeur, lui-même basse de violon, dont il perpétue le savoir. Il intègre l'orchestre de l'Opéra et succède en 1710 à Jean-Jacques Anet dans celui des Vingt-Quatre violons du Roy. Est donnée ici sa Sonate en Mi mineur op.1 N°4 qui fait se succéder un Adagio doucement expressif, une Allemande plus animée dans sa manière enjouée très française, une Courante renchérissant dans cet esprit, le violon et le clavecin souvent à l'unisson, enfin une Gigue poursuivant dans la même veine.
François Francœur (1698-1787), cadet du précédent, occupera de multiples fonctions en sa qualité de violoniste : dans l'orchestre de l'Opéra puis des 24 violons du Roy, directeur de l'Opéra, maître de musique et surintendant de la chambre du roi. Comme compositeur, on lui doit deux recueils de Sonates à violon seul et basse continue, publiés en 1720 et 1730, participant de la manière dite des ''goûts réunis'', mêlant les styles français et italien. Ainsi de la Sonate en Sol majeur op.1 N°10 du Premier Livre, constituée d'une Allemande ample, d'un Allegro engagé, dans la veine italienne éclatante, d'une Sicilienne berçante extrêmement chantante, et d'un Presto fiévreux sur un accompagnement vibrionnant de clavecin. La Sonate en Sol mineur de l'op.2 N°6 du Deuxième Livre comporte cinq parties : un Adagio profondément mélodique, une Allemande d'une grande richesse harmonique, une Courante agitée, une Sarabande tendre et lyrique, enfin un Rondeau où l'on devine un refrain à travers un discours violonistique très élaboré, voire virtuose, avec même une cadence solo.
François Francœur a souvent fait équipe avec François Rebel (1701-1775), écrivant des œuvres à quatre mains aux noms étranges de pièces de théâtre. Comme ''Le Trophée'' (1745), ''Pyrame et Thisbé'' (1726), ''Les Augustales'' (1744). De cette dernière œuvre, on citera les pièces aux titres non moins originaux comme ''Le théâtre s'obscurcit, on entend le tonnerre'' aux traits de violon hachés, ou une ''Musette'' chantante de ses délicats ostinatos. Le Rondeau de ''Tarcis et Zélie'' (1728), marqué ''gracieusement'', offre une improvisation pour le violon.
Louis-Joseph Francœur (1738-1804) est le neveu de François qui assurera sa formation de parfait violoniste, pour embrasser une carrière tout aussi prestigieuse que ses oncles. Avec des emplois à l'Opéra et au Concert spirituel, dont il devient ''batteur de mesure'', ancêtre du chef d'orchestre. Il sera surintendant de la musique du Roi à la veille de la Révolution. On entend deux de ses œuvres, où l'on retrouve le style ''Francœur'' avec quelques façons dans le goût de l'époque nouvelle, loin du baroque désormais : une Chaconne que j'ai faite pour donner à mon oncle et un Prélude pour violon (improvisation).
Est ajoutée une composition de Jean-Jacques Baptiste Anet (1676-1755), contemporain des frères Francœur : sa Sonate N°11 en Do mineur du Premier Livre de sonates à violon seul et basse continue, de 1724, qui aligne cinq parties : Allegro expressif, Allemande entraînante, Vivace, en fait plus élégiaque que preste, Allegro allant débuté au clavecin, et Gigue très vive cette fois.
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Les deux interprètes nous comblent de leurs talents réunis. Le violon de Théotime Langlois de Swarte est solaire et d'une étonnante douceur d'émission. Ajouté à la sûreté du style et la justesse des ornementations dans des parties souvent très ouvragées requérant la plus extrême dextérité. Elle est là manifeste. Et surtout à une aisance dans la manière de s'exprimer, d'une immédiate séduction. Une étoile est née au firmament du baroque ; comme déjà constaté dans son disque de concertos baroques. Le clavecin de Justin Taylor est la transparence même, le pur raffinement aussi, plus qu'un accompagnateur, un complice, pour nous faire apprécier ces pièces d'une rare plastique sonore.
La prise de son, dans la Galerie dorée de la Banque de France à Paris, offre un équilibre idéal entre les deux ''voix'', dans une ambiance agréablement aérée, ajoutant à l'attractivité de ces musiques.
Texte de Jean-Pierre Robert
Plus d’infos
- ''Les Frères Francœur''
- Louis Francœur : Sonate en Mi mineur op.1 N°4. Largo de la Sonate en Si mineur op.1 N°6
- François Francœur : Sonate en Sol mineur op.2 N°6 (extrait des Sonates à violon seul et basse continue, II me Livre). Sonate en Sol majeur op.1 N°10
- François Francœur et François Rebel : extraits de ''Le Trophée'', ''Pyrame et Thisbé'', ''Les Augustales'', ''Tarcis et Zélie'', ''Scanderberg'', ''Le Prince de Noisy''
- Louis-Joseph Francœur : Chaconne, Prélude
- Jean-Jacques Baptiste Anet : Sonate N°11 en Do mineur (extrait du Ier Livre de Sonates à violon seul et basse)
- Jean Durocher : Première suite en Do majeur
- Théotime Langlois de Swarte (violon), Justin Taylor (clavecin)
- 1 CD Alpha : Alpha 895 (Distribution : Outhere Musie France)
- Durée du CD : 78 min 26 s
- Note technique : (5/5)
CD disponible sur Amazon
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