CD : John Williams en concert à Berlin
Ce CD est la captation des concerts donnés en octobre 2021 à la Philharmonie de Berlin par John Williams dirigeant ses propres œuvres à la tête des Berliner Philharmoniker, « perhaps the greatest orchestra », ainsi qu'il le proclame devant un auditoire conquis. Événement historique aussi, dès lors que le compositeur chef d'orchestre multi oscarisé indiquait venir pour la première fois dans la capitale allemande et devant cette phalange. Une poignée de ses musiques de film vont émailler le concert, outre une œuvre concertante pour violoncelle jouée par le celliste principal Bruno Delepelaire. Une bouffée de tunes généreux salués par un public plus qu'enthousiaste.
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C'est que dans sa musique pour le cinéma, John Williams pratique un langage directement hérité du classique et des maîtres romantiques ou post-romantiques, tels Wagner ou Richard Strauss. D'une apparente simplicité, sa manière séduit immédiatement l'auditeur. Aussi bien qu'elle colle parfaitement à l'image dont elle démultiplie l'impact à l'écran. Williams utilise le grand orchestre symphonique dans toute sa richesse, cordes, bois, cuivres et percussions. Son usage du rythme fait dire à l'un des musiciens de l'orchestre « c'est rythmiquement complexe et plus que tout, jamais schématique. On doit être constamment en alerte quant aux moindres modifications ». Ce qui transparaît dans ses fameuses marches. Remarquable encore, le sens de la progression, jamais gratuite, qui se traduit par un mécanisme d'amplification du thème comme par un art habile des transitions, soit pour apaiser un climat puissant, soit pour monter un vigoureux crescendo ; outre des fins de phases glorieuses, mais sans recherche de l'effet pour l'effet. Ses harmonies sont avenantes, « highly pleasurable music-making », dit un autre musicien du Berliner. Elles sont souvent luxuriantes (Harry Potter ou E.T. the Extra-Terrestrial), usant d'un lyrisme à fleur de peau, non sirupeux (''Marion's Theme'' de Indiana Jones, Elegy for cello). Un autre instrumentiste remarque : « c'est aussi un musicien émotif qui savoure un son plein ». Qui sait aussi varier les styles jusqu'à cultiver une sorte de musique du futur (Close Encounters of the Third Kind).
Le programme fait la part belle aux blockbusters. Ainsi de Jurassic Park (1993) et son fameux Thème introduit par le cor, relayé à la petite harmonie, dans un joyeux barnum avec d'étonnantes ruptures de rythmes. De Indiana Jones & The Last Crusade dont son ''Scherzo for Motorcycle and Orchestra'', musique d'une extrême brillance en un pétillant presto. Star Wars est là bien sûr, représenté par plusieurs extraits : ''The Adventures of Han'' (Solo : a Star Wars Story) dans sa rythmique aventureuse mêlant percussions et cuivres. ''Yoda's Theme'' (Star Wars : The Empire strikes back) visite la veine mélodique typique de Williams, là où un solo de hautbois capte l'attention. ''Princess Leia's Theme'' (Star Wars : a New Hope) relève de la plus pure ''haunting music'', avec solos de cor puis de flûte jusqu'à un formidable climax. ''The Imperial March'', qui conclut le concert, est super exhaustif, presque brutal dans sa détermination. Quant au morceau concertant, de classique pur, Elegy for cello and orchestra, dont Williams avait demandé qu'il soit interprété par le celliste principal du Berliner, il l'est intensément par Bruno Delepelaire : une courte introduction mène au thème logé dans le médium de l'instrument sur un accompagnement discret. Puis le geste s'élargit ainsi qu'à l'orchestre, jusqu'à une coda plus intime et une fin extatique.
C'est peu dire que les Berliner sont à la fête, qui apportent à ces morceaux leurs qualités instrumentales bien connues, quels que soient les départements concernés. Plus que d'assimilation à une musique quelque peu différente de leur quotidien, c'est de démarche de plain-pied, d'adoption du vrai et juste ton qu'il faut parler. Ce que restitue une prise de son live, dans la merveilleuse acoustique de la Philharmonie de Berlin, d'un beau relief, ménageant la spatialité et la richesse sonore de ces morceaux.
Texte de Jean-Pierre Robert
Plus d’infos
- ''The Berlin concert''
- Musiques de films extraits de Close Encounters of the Third Kind, Far and Away, Harry Potter and the Philosopher's stone, Jurassic Park, Indiana Jones and the Last Crusade, Indiana Jones and the Raiders of the Lost Ark, A Star Wars Story, Star Wars : The Empire strikes back, Star Wars : A New Hope, E.T. the Extra-Terrestrial. Superman March. Olympic Fanfare and Theme
- Elegy for cello and orchestra
- Bruno Delepelaire, violoncelle (Elegy)
- Berliner Philharmoniker, dir. John Williams
- 2 CDs Deutsche Grammophon : 486 2003 (Distribution : Universal Music)
- Durée des CDs : 48 min 07 s + 57 min 38 s
- Note technique : (5/5)
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Bruno Delepelaire, John Williams , Berliner Philharmoniker