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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Femmes compositrices - Rita Strohl chante Bilitis

RitaStrohl

Cet album est l'occasion d'une étonnante découverte. La compositrice Rita Strohl n'achève-t-elle pas ses Douze Chants de Bilitis un an avant la parution des Trois Chansons de Bilitis de Debussy ! « Ces œuvres écrites en 1895 et 1898, au fond de ma vieille Bretagne, ne doivent rien qu'à la pensée qu'elles traduisent ; elles ignoraient tout du Debussysme naissant », dira-t-elle. En tout cas les deux musiciens puisent à la même source, les poèmes éponymes de Pierre Louÿs. On doit à Marianne Croux et à Anne Bertin-Hugault de révéler cette œuvre de Strohl et de nous faire toucher du doigt une fascinante coïncidence.

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Pianiste et compositrice, Rita Strohl (1865-1941), fille de la peintre Élodie La Villette, qui épouse l'enseigne de vaisseau Émile Strohl en 1888, est l'auteure de deux symphonies, de plusieurs pièces de musique de chambre et de mélodies. Parmi ces dernières, les Douze Chants de Bilitis montrent un attrait pour la belle langue, doublé d'une propension pour le symbolisme. L'inventivité du langage musical, adapté à chacune des mélodies, épouse parfaitement la poétique combien allusive de Pierre Louÿs dont on sait les Chansons de Bilitis (1894) sensuelles, voire érotiques. Rita Strohl dira encore avoir été frappée d'une « exaltation mystique » à la lecture de ces poèmes. La partie de piano est arpégée et fluide, au point qu'on ne peut s'empêcher de la comparer à celle de Debussy. Contrairement à celui-ci, qui n'en a retenu que trois, Rita Strohl met en musique douze pièces de l'ensemble conçu par Louÿs. L’écriture vocale de la compositrice reste simple, modulante, se refusant à l'effet, sans pour autant renier une certaine dramatisation du texte. Sa principale vertu est de s'attacher à en mettre en valeur la clarté. Les mélodies sont constituées de deux parties savamment différentiées : une exposition suivie d'une coda plus ou moins détaillée.

L'immédiate séduction de ces Chants procède soit de leur ton enjoué (N°1 ''Lykas'', N°9 ''Bilitis'', qui voit un geste a cappella très orné), ou extrêmement modulant (N°3 ''La Quenouille'', où le piano file la note, liquide comme eau claire, N°4 ''La flûte de pan'' qui contient aussi quelque chose d'angoissant, sans appuyer toutefois), soit du recours au registre du mystère et de ses sortilèges (N°5 ''La Chevelure'', que renforce l'usage ici du registre médian du clavier, N°6 ''Roses dans la nuit'', cultivant, sous une apparente sérénité, le sous-entendu sensuel, N°11 ''La Nuit'', comme une dramaturgie du silence, de l'extase enivrée avant que ne pointe l'aube et ses regrets d'abandon d'un bonheur intense). On rencontre encore des pièces plus dramatiques, par exemple dans les jeux plus ou moins innocents du N°2 ''La partie d'osselets'' et sa coda mélancolique, ou au N°7 ''Les remords'', là où roulent des vagues comme battements de cœur jusqu'à un crescendo affolé, ou encore avec le N°10 ''Le serment'', l'instant d'un possible abandon de Bilitis par son amant. La coïncidence avec l'idiome debussyste, déjà éprouvée dans le Chant N°4 ''La flûte de pan'', se renouvelle avec le N°8 ''Le sommeil interrompu'' à travers une étonnante fluidité puis un crescendo houleux, et surtout le dernier Chant, le N°12 ''Berceuse'' évoquant, dans un tempo doucement balancé libérant une poignante expressivité, l'aboutissement de l'histoire : la fille « de Bilitis et d'un roi du soleil levant ».

La spontanéité du texte musical, dont la pianiste Bertin-Hugault loue « la matière fascinante », on la doit à son interprétation tout en retenue, qui fait un écrin délicat à la voix de soprano douce et émue de Marianne Croux, d'un épanchement contenu. Scellant une vraie et belle symbiose entre ces deux artistes, comme un duo. À noter que ce projet au profil participatif, s'agissant d'un appel à contribution pour sa réalisation, a vu le jour grâce à la perspicacité de la pianiste Anne Le Bozec.  

La prise de son, à l'Auditorium Darius Milhaud d'Aix-en-Provence, pourvoit une acoustique proche et un équilibre satisfaisant voix-piano : le ton de confidence de la musique de chambre. 

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Texte de Jean-Pierre Robert 

Plus d’infos

  • Rita Strohl : Douze Chants de Bilitis, Poème en 12 chants extraits des ''Chansons de Bilitis'' de Pierre Louÿs
  • Marianne Croux (soprano), Anne Bertin-Hugault (piano)
  • 1 CD Hortus Éditions : Hortus 213 ( Distribution : UVM)
  • Durée du CD : 41 min 08 s
  • Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orange (5/5)

CD disponible sur Amazon



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