Concert : Mikko Franck dirige l’Orchestre Philharmonique de Radio France à l’Auditorium

Mikko Franck à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Radio France, interprète Lili Boulanger, Nadia Boulanger et Gabriel Fauré.

C’est avec une création mondiale que débutait ce concert. Il s’agissait d’un Allegro pour orchestre de Nadia Boulanger. Celle-ci est d’abord reconnue comme la grande pédagogue du XXe siècle puisqu’en 1950 elle prend la direction du Conservatoire américain, où elle prodigue un enseignement que le monde entier vient suivre. Parmi ceux qu’elle a formés, on peut relever les noms illustres de Stravinski, Rattle, Markevitch, Barenboïm, Bernstein, Copland, Carter, Lipatti, Cuenod, Françaix ainsi que Legrand ! L’Allegro donné en première audition à ce concert surprend par l’effectif orchestral auquel Nadia Boulanger fait appel. En effet, on relève dans cette œuvre fort brève (5 minutes) la présence d’une surabondance de cuivres, comprenant non seulement un tuba, mais également trois trombones. Quant aux bois, on découvre que Nadia Boulanger y inclut le cor anglais. La compositrice alors seulement âgée de dix-sept ans affirme dans cet Allegro une personnalité étonnante même si on peut forcément relever çà et là diverses influences (dont celle de César Franck, sans oublier celles de Ravel et Debussy).

La seconde œuvre de ce concert était consacrée à la Ballade pour piano et orchestre de Gabriel Fauré. Une des rares incursions de Gabriel Fauré dans le genre concertant puisque le compositeur s’était déjà essayé dans ce domaine avec un Concerto pour violon et orchestre datant de 1879 et laissé inachevé. Cette Ballade pour piano et orchestre sera créée le 2 avril 1881, le compositeur tenant la partie soliste alors que l’orchestre est dirigé par Edouard Colonne. Ce dernier restera à jamais attaché à la création de nombreuses partitions contemporaines de cette Ballade de Fauré avec des compositeurs tels que Franck, Chausson, Pierné, Saint-Saëns, Massenet, Enesco, Rabaud et Lalo. Bien qu’exigeant de solides moyens pour la partie de piano, cette Ballade pour piano de Fauré séduit par son aspect poétique, s’opposant ainsi à tout recours à une virtuosité gratuite.

Trois pièces pour piano de Nadia Boulanger suivaient l’œuvre de Fauré. Composées en 1914, elles rendent hommage, d’une certaine façon, à l’œuvre pour piano de Claude Debussy sans pour autant céder à une quelconque imitation. Le Pie Jesu qui suivait, réunissant une soprano, quelques cordes, une harpe et un orgue, est de la petite sœur de Nadia Boulanger : Lili Boulanger. Œuvre tourmentée annonçant peut-être le décès de cette compositrice douée, prématurément disparue à l’âge de vingt-cinq ans.

Le Requiem de Fauré, dont la version complète était donnée en 1900 à Lille, terminait ce concert. S’opposant à Berlioz et Verdi, Fauré refusait l’effroi, la douleur excessive, se rangeant ainsi plutôt du côté d’un Brahms, lui aussi partisan d’une vision consolatrice. Ce Requiem restera l’œuvre la plus populaire de Fauré, délaissant toute allusion à une vision sombre et inéluctable s’orientant inexorablement vers la mort.

Beau triomphe dans la Ballade de Fauré de la pianiste Nour Ayadi, alors que Valentina Nafornita (soprano) et Jérôme Boutillier (baryton) affirment une belle présence dans le Requiem de Fauré. Mikko Franck à la tête d’un Chœur et d’un Orchestre Philharmonique de Radio France très inspiré, donne du Requiem de Fauré une image éloquente, dénuée de mièvrerie, menant cette œuvre vers d’incroyables sommets.

Un concert rendant un hommage mérité aux deux sœurs Boulanger, ainsi qu’à deux partitions majeures de Fauré : sa Ballade pour piano et orchestre et surtout son splendide Requiem.

Texte de Michel Jakubowicz 

Plus d’infos

• Nadia Boulanger : Allegro (création mondiale)
• Gabriel Fauré : Ballade pour piano et orchestre, op.19
• Nadia Boulanger : Trois pièces pour piano
• Lili Boulanger : Pie Jesu
• Gabriel Fauré : Requiem
• Valentina Nafornita (soprano), Jérôme Boutillier (baryton), Nour Ayadi (piano)
• Chœur de Radio France
• Lionel Sow, chef de chœur
• Orchestre Philharmonique de Radio France
• Ji-Yoon Park, violon solo
• Mikko Franck, direction
• Mercredi 18 janvier 2023, à 20 h
• Auditorium de Radio France
  www.maisondelaradioetdelamusique.fr

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