Skip to main content
PUBLICITÉ
  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : ambiguïté et non ambiguïté de la musique de Weinberg

Mirga Grazinyte Tyla 

Ce nouvel album de musique de Mieczysław Weinberg propose ses Symphonies Nos 3 & 7 ainsi que son Premier concerto pour flûte, œuvres composées entre 1950 et 1964. Elles sont interprétées par Mirga Gražinytè-Tyla, la cheffe qui s'est imposée comme la championne de cet idiome singulier dans la sphère russe, pas si éloigné de celui de Chostakovitch.

LA SUITE APRÈS LA PUB

La Symphonie N°3 pour grand orchestre op.45 a été composée entre 1945 et 1950, puis révisée en 1959. Et mise en chantier dans une période difficile du fait des préconisations du régime soviétique en termes de ''musique accessible à tous'', auxquelles Weinberg refusait de se plier. Ce qu'il fera malgré tout avec la révision opérée quelques années plus tard. Elle s'inscrit dans l'univers tonal et est écrite pour le grand orchestre symphonique. Bâti sur une mélodie élégiaque d'essence folklorique confiée aux bois, l'Allegro initial véhicule divers folksongs dont un biélorusse distribué aux cordes. Le langage est effectivement aisé dans le traitement des masses avec accords répétés rehaussés de cuivres, grands climax voisinant avec plages lyriques. L'Allegro giocoso, sorte de joyeux scherzo, emprunte au folklore polonais, babillage hautbois-cordes nanti d'une pointe d'humour. L'Adagio qui dispense un profond lyrisme aux cordes, progresse jusqu'à un climax cuivré, pour retomber dans une sorte de contemplation bercée par la clarinette, avant de s'éteindre. L’œuvre se termine par un Allegro vivace récapitulatif, contrastant en dynamique et multipliant les ruptures de rythme, comme chez le maître et ami Chostakovitch. Quelques interventions solos, dont le violon I, et une culture de la manière obstinée mènent à un retour du thème initial de la symphonie.

Le Concerto pour flûte et orchestre N°1 op.75 date de 1961, une période plus

confortable pour Weinberg. Ses trois mouvements allient légèreté et sonorités feutrées, toujours d'un extrême raffinement sonore. Ainsi de l'Allegro enjoué, la flûte tressant sa partie sur un orchestre des seules cordes. Cela danse avec un soupçon d'ostinato. Le Largo est le lieu d'une douce mélodie du soliste. L'Allegro comodo final fait gentiment dialoguer la flûte avec les cordes dans un rythme valsé et le spectre pp, qui s'enfle peu à peu pour s'établir dans une ambiance plaisante.

Écrite pour orchestre de cordes et clavecin, la Symphonie N°7 op.81, de 1964, est due à l'amitié entre Weinberg et Rudolf Barshai, fondateur de l'Orchestre de chambre de Moscou. Elle est conçue tel un concerto grosso baroque qui serait plongé dans un contexte moderne. Et sera louée pour « la simplicité de sa non simplicité ». Cinq mouvements joués sans interruption déploient un dialogue original entre cordes et clavecin, dans une alternance de passages mélancoliques et de rythmes accentués. Elle s'ouvre par un Adagio et un thème tiré d'une œuvre précédente, un cycle de mélodies de 1951, exposé par le clavecin solo. Vient un Allegro d'abord léger puis motorique, que conclut une brève cadence du clavecin. L'Andante, cœur de la pièce, offre un thème folklorique juif typique du langage de Weinberg. Un nouvel Adagio fat contraste, non sans dissonances aux cordes, que suit une section plus sombre. L'Allegro final manie le franc humour dans la manière de traiter le clavecin et surtout les cordes, rappelant la sonnerie discrète mais cocasse d'un téléphone. Digne de l'ironie ''à la Chostakovitch''. Le clavecin, qui s'était fait discret, réapparaît, d'abord solo, puis conversant avec les cordes dont les divers pupitres sont savamment travaillés jusqu'aux contrebasses. Ce ne seront alors qu'ostinatos mécanicistes et cassures rythmiques. Une ultime cadence du clavecin termine une coda apaisée. Weinberg cultive-t-il ici l’ambiguïté ou ne cherche-t-il pas à lever toute ambiguïté. Telle est la question. En tout cas, cette symphonie ne laisse pas indifférent.

Surtout lorsque interprétée avec la foi et le souci de précision qu'y met Mirga Gražinyté-Tyla conduisant l'Orchestre de Chambre allemand de Brême ici, comme son Orchestre de la Cité de Birmingham pour les deux autres œuvres du programme. On savoure la haute qualité instrumentale de ces formations, singulièrement les vents de l'orchestre anglais et sa flûtiste Marie-Christine Zupancic. Le pianiste Kyrill Gerstein troque avec brio son instrument pour le plus fluet mais non moins sonore clavecin.

LA SUITE APRÈS LA PUB

Les prises de son sont adaptées aux œuvres : ambiance vaste et aérée pour la Symphonie N°7 (captée au Konzerthaus de Dortmund) et la Troisième (au Symphony Hall de Birmingham), plus proche s'agissant du concerto pour flûte (Birmingham). 

Texte de Jean-Pierre Robert   

Plus d’infos

  • Mieczysław Weinberg : Symphonies N°3 op.45 pour grand orchestre & N°7 op.81 pour orchestre à cordes et clavecin. Concerto pour flûte et orchestre N°1 op. 5
  • Kyrill Gerstein (clavecin), Marie-Christine Zupancic (flûte)
  • City of Birmingham Symphony Orchestra (Symph. N°3, Cto pour flûte), Deutsche Kammerphilharmonie Bremen (Symph. N°7), dir. Mirga Gražinytè-Tyla
  • 1 CD Deutsche Grammophon : 486 2402 (Distribution : Universal Music)
  • Durée du CD : 81 min 29
  • Note technique : etoile verteetoile verteetoile verteetoile verteetoile verte (5/5)

CD disponible sur Amazon



Autres articles sur ON-mag ou le Web pouvant vous intéresser


City of Birmingham Symphony Orchestra, Mirga Gražinytè-Tyla, Mieczyslaw Weinberg, Kyrill Gerstein, Marie-Christine Zupancic, Deutsche Kammerphilharmonie Bremen

PUBLICITÉ