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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

DVD : Hommage à Bernard Haitink / Partie II - Salzbourg

Bruckner Beethoven

Autre témoignage de l'art du chef Bernard Haitink, le concert donné le 30 août 2019 dans le Grosses Festspielhaus de Salzbourg restera mémorable. Pas seulement parce qu'il devait marquer ses adieux à un Festival auquel il aura tant donné au concert et à l'opéra (Une Flûte enchantée en 1993). Mais tout simplement parce que, ce jour-là, dirigeant les Wiener Philharmoniker, les planètes étaient alignées pour des exécutions d'anthologie. Beethoven, et cette fois Bruckner, étaient au programme. Un autre émouvant témoignage de son art.

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Le concert débutait par le Concerto N°4 pour piano et orchestre op.58 de Beethoven. La vision d'Emanuel Ax épouse celle du chef, à moins que ce soit l'inverse, tant est palpable la symbiose entre les deux artistes, et avec l'orchestre : une conception d'un classicisme racé. Dès l'Allegro moderato pris sans hâte, passée l'étonnante introduction de clavier solo, on est émerveillé de la fluidité innée et des pianissimos magiques au développement, de la délicatesse des échanges piano-bois (dont la magnifique flûte de Karin Bonelli). Comme de la cadence développée avec imagination. Les accords majestueux ouvrant l'Andante préludant l'entrée du soliste, annoncent un moment d'exception. Car Ax pétrit la note, comme au crescendo sur les accords enveloppant des cordes. La cadence en dégringolades de trilles conclut cet intense épisode, ponctué d'un orchestre assagi pppp. L'attaque du finale adopte une manière articulée mais sans excès, ce qui se retrouve dans le jeu d'Emanuel Ax, extrêmement subtil, empreint d'une sereine force au développement et à la cadence. La reprise avec ses traits de clarinette mène à une péroraison rapide, emplie d'allégresse.

Bernard Haitink a toujours entretenu avec Anton Bruckner une longue et fusionnelle histoire, depuis ses débuts de chef, à l'âge de 28 ans. Ses exécutions de la Symphonie N°7 sont nombreuses, même au disque, la plupart entourées d'une aura d'exception. Singulièrement celle-ci. Dès les premières mesures de l'Allegro moderato - « cette entrée en matière est pour moi extraordinaire » dira-t-il - perçoit-on la sincérité du discours dans ses enchaînements et ses crescendos débouchant sur un tempo scandé et des pianissimos des cordes d'une sublime douceur. Le thème cuivré est abordé grand, non pompeux, et les transitions sont aussi subtiles qu'impalpables, à un tempo retenu qui maintient en haleine durant ce long premier mouvement : une fièvre intérieure plus que de la démonstration sonore. Ce que confirme l'Adagio, ''Sehr feierlich & sehr langsam'' (très festif et très lent), hymnique, élevant un trait magistralement ouvragé. Le second thème presque dansant est paré de ppp sereins de la part d'un maître de l'orchestration, et de son éminent serviteur. La fin est portée à l'apothéose comme naturellement, jusqu'à la péroraison des cordes séraphiques. Du Scherzo, on admire le tempo décidé, pas dur, la souple battue. La finesse surtout de ce Landler confident qu'entrecoupe un Trio lent caressant la note. Au finale, Haitink applique scrupuleusement l'indication ''Bewegt, doch nicht schnell'' (en mouvement, mais pas vite) et prend le 2ème thème sans emphase. L'instant de souligner, là comme partout ailleurs, le nuancier de dynamique, singulièrement dans les sautes de puissance, du fortissimo au ppp, amenées sans brusquerie. Là encore, le maître mot est : sobriété, et non froideur ou vaine timidité. Les grandes phrases de cuivres détachées ne sont pas agressives. On aime à se perdre volontiers dans ces répétitions, ces ''divines'' longueurs du Maître de Saint Florian. Au total, voilà une exécution considérable, couronnant une longue et belle carrière. Saluée par une standing ovation – ce qui n'est pas si fréquent à Salzbourg - à l'adresse aussi d'un orchestre adulé céans. Car les Wiener Philharmoniker auront tout donné à ce maître révéré. Et ce quels que soient les pupitres, où l'on remarque des visages nouveaux, et féminins comme Karin Bonelli à la flûte solo ou Sophie Dervaux au basson.

La captation filmée est une autre réussite. Par des caméras fixes gérées directement en régie et un seul cameraman en plateau pour compléter l'offre picturale. Les images d'une grande beauté plastique cultivent en particulier des instants fugitifs comme cette esquisse de sourire chez le chef, en forme de satisfaction à l'endroit de ses musiciens, de félicité sans doute aussi devant la musique qu'il sert. Ces gestes simples aussi, si efficaces, cette tension dissimulée sous une apparente discrétion. La caméra aura aussi bien saisi le jeu du pianiste Ax par des plans rapprochés évocateurs. L'extrême concentration encore de tout un chacun dans l'orchestre, cet engagement de tous, captés par des plans d'ensemble ou rapprochés, ou encore des travelling balayant la section des cuivres par exemple, dont les quatre fameux Alpenhorn dans le Bruckner. Tout cela génère une sorte de modèle de film d'orchestre, restituant les instants topiques d'une exécution et en l'occurrence la vision d'un géant scrutant la musique au plus profond.          

Texte de Jean-Pierre Robert

Plus d’infos

  • Ludwig van Beethoven : Concerto pour piano et orchestre N °4, op.58
  • Anton Bruckner : Symphonie N°7
  • Emanuel Ax, piano
  • Wiener Philharmoniker, dir. Bernard Haitink
  • Video director : Hisao Tonooka (enregistré live au Festival de Salzbourg 2019) 
  • 1 DVD Unitel Edition/Cmajor/Salzburger Festspiele : 802208 (Distribution : Distrat Music)
  • Durée du DVD : 116 min
  • Note technique : etoile verteetoile verteetoile verteetoile verteetoile verte (5/5)

DVD et Blu-ray disponibles sur Amazon

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