CD : Christophe Rousset et Cyrille Dubois révèlent un Couperin méconnu
Cet album a pour ambition de faire découvrir des aspects peu connus de la production de François Couperin, savoir des airs sérieux et à boire, des sonates en trio, outre des pièces de clavecin du maître mais aussi de ses contemporains. Avec ce CD, Christophe Rousset conclut sa collection d'enregistrements consacrés au grand musicien français, en compagnie de ses Talens Lyriques, et cette fois du ténor Cyrille Dubois.
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Organiste, compositeur de musique de chambre (Les goûts réunis, Les Nations), de messes, de motets et de nombreuses pièces de clavecin, François Couperin a encore cultivé le genre de l'air chanté. Ces pièces sont réunies dans des Recueils d'airs sérieux et à boire datant des années 1720. Christophe Rousset en présente une brassée. Ainsi dans le registre sérieux, de ''Qu'on ne me dise plus'' (1697), doux lamento sur les affres du poison de l'amour, de ''Doux liens de mon cœur'' (1701) fustigeant de ''charmantes chaînes'', de ''La Pastorelle « Il faut aimer dès qu'on peut plaire »'' (1711), renfermant les six strophes d'une véritable petite histoire joliment agrémentée par le clavecin. L'air ''Les Solitaires « dans l'Île de Cythère »'' retrace les félicités d'un séjour sur l'île emblématique des joutes amoureuses. Et la ''Brunette « Zéphire, modère en ces lieux'' confine à un sonnet proche de l'hypnotique. Un bref air à boire conclut ce panorama - en première au disque d'ailleurs - : ''Souvent dans le plus doux sort'', concerne les tribulations entre Amour et Bacchus, sur un ton musical qu'on attendait enlevé, en fait pas si différent d'un air sérieux. Mais tout est ici dans le texte. De son ténor lumineux, Cyrille Dubois chante ces morceaux avec délectation, un grand souci des ornementations et une parfaite diction aux accents de vieux français, évitant toute préciosité quels que soient les sentiments exprimés.
Les sonates offrent pareille séduction. La Sultane est une sonate en quatuor (c. 1695), introduite par un ''Gravement'' auquel l'association flûte-hautbois apporte une nuance de clarté sur un fond de légère lamentation à la basse et au violon. S'en suivent des passages enjoués ou tendres. Deux sonates en trio ensuite : La Superbe (c. 1695), en six courtes sections dont la première initiée par les bois, suivie d'autres de tons divers et à l'instrumentation originale. La Steinkerque, de 1692, qui évoque la bataille contre la Ligue d'Augsbourg, traduit ce thème militaire avec en entame des ''Bruits de guerre'' solidement articulés par les bois et le clavecin, puis assortissant des séquences contrastées, comme un ''Air lentement'', un ''Mouvement de fanfares'' enlevé presto ou un ''Gayement'' final joliment claironné par chacun des musiciens.
Rousset ajoute quelques morceaux solistes tirés des Pièces choisies pour le clavecin de différents auteurs, publiées en 1707 et catégorisées par clés. En Sol, ce sont ''L'Abeille'' et ''Les Nonettes'' de Couperin, tendres de style galant, ou une ''Gavotte italienne'' (anon.) ; en Ré : ''La Diane'', rapide, ou ''La Florentine'' ; en La, ''La Badine'' due à Louis Marchand ; ou encore en Fa : ''La Polonaise'' de Marin Marais, vive et claire, et ''La Vénitienne'' de Marchand.
Les interprétations de ces pièces chambristes ou solistes sont intimes et délicates, de par la finesse instrumentale des musiciens des Talens Lyriques, dont Atsushi Sakai à la viole de gambe et une palette de hauboïstes de génie. Rousset utilise trois instruments différents selon les pièces jouées : une copie de Donzelague, Lyon, 1716, due à Bernhard Fleig en 2014, un clavecin d'après Rückers, 1624, de Marc Ducornet & Emmanuel Danset, Paris 1993, et un clavecin français à un clavier du XVIIème, anonyme. Inutile de dire que ses exécutions sont immaculées et pensées.
Cet ensemble vocal et instrumental a été capté en trois lieux différents, à Guebwiller et à Paris. Le montage est si réussi qu'il n'apparaît pas de différence en termes d'équilibre des voix : l'écoute est agréable de la première à la dernière note et combien séduisante.
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Texte de Jean-Pierre Robert
Plus d’infos
- ''The sphere of intimacy''
- François Couperin : Airs sérieux et à boire. Sonates en trio ''La Superbe'', ''La Steinkerque''. Sonate en quatuor ''La Sultane''
- Pièces choisies pour clavecin de différents auteurs, en Sol, en Ré, en La, en Fa
- Cyrille Dubois, ténor
- Les Talens Lyriques, clavecin et dir. Christophe Rousset
- 1 CD Aparté : AP 281 (Distribution : [Integral])
- Durée du CD : 67 min
- Note technique : (5/5)
CD disponible sur Amazon
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François Couperin, Christophe Rousset, Les Talens Lyriques, Cyrille Dubois