CD : œuvres pour vents du répertoire français

L'âge d'or de la facture d'instruments des vents français au milieu du XIXème siècle, comme l'excellence de son école qui perdure depuis lors, sont mis en avant dans ce CD joué par les solistes de l'Orchestre de Paris. Gounod, d'Indy, Taffanel et Pierné en sont les musiciens inspirants. Pour faire bonne mesure, ce disque s'accompagne d'un autre proposant en version remastérisée des deux mêmes œuvres de Gounod et de d'Indy interprétées en 1975 par la génération précédente d'instrumentistes de l'orchestre parisien.

Les musiciens de l'Orchestre de Paris, qu'ils soient en poste dans les années 1970 ou appartiennent à la génération de 2020, sont tous les héritiers de la prestigieuse école des vents français, issue des classes réputées du Conservatoire de Paris et de la Société de Musique de chambre pour instruments à vents fondée en 1879 par le flûtiste Paul Taffanel. Sous l'impulsion de ces talentueux interprètes, un répertoire s'est développé dans l'esprit des Sérénades de Mozart. Pour des formations de 5, 7 ou 9 instruments, des compositeurs comme Vincent d'Indy, Charles Gounod ou Taffanel lui-même ont écrit des pièces d'une grande richesse harmonique, offrant de savantes combinaisons de timbres aussi expressives que chatoyantes. Ainsi de Gounod et de sa Petite Symphonie de 1885 réunissant 9 parties, flûte, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons et 2 cors. Dans le goût d'une sérénade, d'un mélodisme qui fait penser aux meilleures pages de l'opéra Mireille, elle est distribuée en quatre mouvements. L'Adagio au ton presque religieux bascule en un Allegro vif combien aisé dans sa thématique. À l'Andante cantabile, un thème élégant et serein à la flûte est repris par le hautbois puis par les autres solistes. Le Scherzo s'ouvre par une fanfare des cors, sorte de musique de chasse, et le trio tout en contraste, introduit de nouveau par le cor, propose une danse pastorale nantie d'une pointe d'humour. Le finale Allegretto animé est plein d'esprit de son thème populaire à la française, c'est-à-dire de bon goût. Cela progresse ad libitum dans une belle polyphonie.

Le Diptyque Chansons et Danses op.50 de Vincent d'Indy (1898) est conçu pour 7 instruments, flûte, hautbois, 2 clarinettes, cor et 2 bassons. Ce divertissement voit sa thématique partagée, comme l'était le compositeur, entre inspiration wagnérienne et admiration pour César Franck. La première pièce ''Chansons'' fait penser aux harmonies de Siegfried Idyll de Wagner que contrebalancent vite une transparence toute française et un mélodisme bienvenu, non sans quelque mélancolie. La seconde, ''Danses'', fait contraste par sa rythmique animée et sa mélodie brillante au ton espagnolisant. C'est bien articulé et très séduisant, jusqu'à un épisode adagio final revenant à la sérénité du premier mouvement.

Flûtiste célébré, professeur au Conservatoire de Paris, puis chef d'orchestre à l'Opéra et à l'Opéra Comique, Paul Taffanel écrit en 1876 son Quintette en Sol mineur pour flûte, clarinette, hautbois, basson et cor. Ses trois mouvements concis, où l'équilibre entre les parties frôle la perfection, font se succéder un Allegro riche en contrastes dans la diversité des combinaisons de timbres, aucune voix ne cherchant à dominer ; puis un Andante dont le thème est exposé par le cor avant que les autres prennent le relais, un épisode au médian imprimant à l’œuvre sa partie la plus sombre ; enfin un Vivace virevoltant dans son rythme de tarentelle, modèle de faconde instrumentale, qui offre aux interprètes matière à briller.

Ce que les présents musiciens, premiers pupitres de l'Orchestre de Paris, formation 2021, achèvent avec bonheur dans la plus pure tradition de la grande école des vents français : finesse instrumentale, élégance du phrasé, sens aigu de l'esprit de ces musiques. Encore en évidence dans le morceau de Gabriel Pierné, ajouté comme un bis : un extrait de sa Pastorale op.14 pour hautbois, flûte, basson, clarinette et cor, distillant un lyrisme avenant. Ils sont enregistrés à la Philharmonie de Paris dans une ambiance claire et aérée, respectant un équilibre soigné entre instruments.

Il est intéressant de comparer l'exécution des deux pièces de Gounod et de d'Indy, telle que captée... en 1975, par les prédécesseurs des actuels titulaires, savoir les musiciens alors réunis dans l'Octuor Maurice Bourgue. Ce qui implique que la Petite Symphonie soit jouée à 8, donc sans la flûte, et que cette dernière soit remplacée par un hautbois dans l’œuvre de d'Indy. Si les tempos sont à peu de choses près identiques, on remarque peut-être plus de chaleur dans le geste interprétatif ; ce qui peut trouver en partie son explication dans une prise de son plus immédiate, mettant au demeurant en exergue le son nasillard des hautbois de Bourgue et de son collègue Alain Denis. Pour un rendu sonore en tout cas d'un remarquable relief, parfaitement restitué dans sa remastérisation.

Texte de Jean-Pierre Robert

Plus d’infos

• Charles Gounod : Petite Symphonie
• Vincent d'Indy : Chansons et Danses
• Paul Taffanel : Quintette en Sol mineur
• Gabriel Pierné : Pastorale, op.14 N°1 (extraits)
• Solistes de l'Orchestre de Paris (2021) : Vincent Lucas (flûte), Alexandre Gattet, Gildas Prado (hautbois), Philippe Berrod, Olivier Derbesse (clarinette), André Cazalet, Jérôme Rouillard (cor), Marc Trénet, Yuka Sukeno (basson)
• 1 CD Indésens - Calliope Records : INDE 163 (Distribution : Socadisc)
• Durée du CD : 61 min 15 s
• Note technique :  (5/5)

• Charles Gounod : Petite Symphonie
• Vincent d'Indy : Chansons et Danses
• Solistes de l'Orchestre de Paris (1975)/Octuor Maurice Bourgue : Alain Denis, Maurice Bourgue (hautbois), Amaury Wallez, Yves d'Hau (bassons français), Robert Tassin, Michel Garcin-Marrou (cors), Claude Desurmont, Pierre Boulanger (clarinette)
• 1 CD Indésens Calliope Records : CAL 22106 (Distribution : Socadisc)
• Durée du CD : 34 min 23 s
• Note technique :  (5/5)

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