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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : retour au dernier Beethoven, Pollini joue les sonates op.101 & op.106

Beethoven Maurizio Pollini

Pour ce deuxième volume consacré aux dernières sonates pour piano de Beethoven, et après la trilogie des opus 109, 110 & 111, Maurizio Pollini revisite les opus 101 et 106. Un retour au dernier Beethoven, de la même manière qu'il avait ces années récentes, exploré à nouveau les ultimes œuvres de Chopin. Dans ces sonates combien novatrices et difficultueuses, la ''Hammerklavier'' en particulier, le pianiste italien ne cherche pas à flatter une écoute aisée. Il requiert de l'auditeur l'effort nécessaire pour en décrypter la modernité.

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« Ces deux sonates sont pleines de génie », explique Pollini, « des œuvres qui voient le compositeur tracer un nouveau territoire et expérimenter avec audace forme, harmonie et contrepoint ». En tout cas, comme le seront les trois suivantes et ultimes, ces sonates se caractérisent par leur complexité, et pas seulement pour l'interprète. La Sonate N°28 op.101 en La majeur (1816) « ménage le sophistiqué et le simple » et « chaque mouvement est incroyablement différent de ce que Beethoven a écrit auparavant ». L'Allegretto ma non troppo, à jouer ''avec le sentiment le plus profond'', est pris confortable ici pour ce qui ressemble à une interrogation. Contraste avec le Vivace alla marcia suivant, tout de fluidité dans ses trilles et son balayage de tout le spectre du clavier, dans ce qui ne ressemble plus à un scherzo, et qu'un bref intermède cherche à assagir. La place de ce mouvement en deuxième position, avant la séquence lente, signale la volonté de dynamisme de la composition. Qu'on retrouve au finale triomphant mêlant danse et fugue. Avant cela, le court Adagio con affetto, débuté ''plein de désir ardent'', bascule rapidement dans le retour du thème du Ier mouvement. Là où Beethoven s'affranchit des canons de la forme sonate, Pollini offre une vision d'un pianisme souverain associant force et sérénité.

Toute autre est la Sonate N°29 op.106 ''Hammerklavier'' en Si bémol majeur (1818), challenge pour l’interprète comme pour l'auditeur compte-tenu de ses proportions colossales et de son incroyable difficulté technique. Et surtout de la densité du récit, différent selon chaque mouvement. Il y a là « de la très grande musique et il est certainement très difficile de comprendre son caractère », remarque Pollini, qui met en regard le mot de Berlioz à l'issue de la première exécution par Liszt, à Paris, « le virtuose a rendu compréhensible une œuvre non encore comprise ». Dans cette exécution de 2022, le pianiste italien accentue les contrastes de couleurs, sombre du mouvement lent, claire des premier et second. Il brave même les indications métronomiques de l'Allegro initial en adoptant un tempo encore plus preste que celui marqué, et déjà « presque impossible à jouer ». Cette démarche conduisant à précipiter, quasi bouler l'allure, associée à un usage généreux de la pédale de forte, ne prive cependant pas la narration de sa clarté. Elle accentue l'aspect novateur de l’œuvre, manifeste à travers la hardiesse des intervalles, l'écart souvent large qui sépare les registres aigu et grave, comme l'utilisation des appogiatures, des syncopes et les grands accords en cluster qui parsèment le discours. Le bref scherzo Assai Vivace que le pianiste voit « presque fantasque », est un instant entrecoupé d'un trio plus expressif dans le registre grave.

Avec l'Adagio sostenuto, le plus long écrit par Beethoven, Appassionato e con molto sentimento, on atteint le sommet. Pollini souligne le vaste déroulé du récit, nous emmenant dans ce vaste cheminement changeant, s'étirant à l'extrême, où pour lente qu'elle soit, l'allure véhicule une intensité considérable ; comme il en est de l'Adagio de la IXème Symphonie. Il y a là l'expression d'une souffrance, mais non résignée, et en aucun cas une manière d'épanchement, malgré l'indication ''con sentimento''. Construit dans une étonnante liberté formelle, telle une improvisation, le mouvement juxtapose élans et retombées. Alors, « dans ce monde fantomatique, on ne fait que chuchoter ou chanter mezza voce », remarque Brendel. Le plus étonnant reste encore le Largo, transition menant au finale, passage totalement libre, empli de contrastes. L'Allegro risoluto en forme de fugue à trois voix est pris à train d'enfer par Pollini, qui parvient à en préserver la lisibilité. Une prouesse. Cette somme finale, de son allure parfois fantomatique, ne laisse pas l'auditeur en repos, ou si peu, devant ces rafales enchaînées avec véhémence. On reste interdit devant pareille prise de risques et démonstration pianistique, une telle impulsion chez cet artiste au stade actuel de sa carrière. Une vision bien plus aventureuse que celle prévalant dans sa précédente exécution au disque dans les années 1970, d'une sonate qui selon lui, « ressemble à une œuvre d'art résolument moderne ».

Capté dans l'acoustique très ''ouverte'' de la Herkulessaal de la Residenz de Munich, et dans une configuration proche d'une exécution de concert, l'instrument possède un beau relief dans tous ses registres, notamment le plus aigu.

Texte de Jean-Pierre Robert 

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Plus d’infos

  • Ludwig van Beethoven : Sonates pour piano N°28 op.101 & N°29 op.106 ''Hammerklavier''
  • Maurizio Pollini, piano
  • 1 CD Deutsche Grammophon : 486 3014 (Distribution : Universal Music)
  • Durée du CD : 56 min 44 s
  • Note technique : etoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleue (5/5) 

CD disponible sur Amazon 



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