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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : un voyage musical inédit au clavecin

Jean Rondeau Gradus Ad Parnassum

Toujours aussi original, Jean Rondeau ne se refuse rien. Son nouveau CD est l'occasion d'un voyage musical inédit, s'étalant sur quatre siècles de Palestrina à Debussy. Pas moins ! Franchissant allègrement les frontières de son répertoire habituel, il s'offre le luxe de transcriptions de son cru de pièces écrites à l'origine pour le piano. Si l'entreprise est osée, le résultat est convaincant.

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Gradus ad Parnassum, littéralement ''Montée au Parnasse'', forme le titre de deux traités essentiels de composition musicale, dus l'un à Johann Joseph Fux (1660-1741), l'autre, un siècle plus tard, à Muzio Clementi (1752-1832). Guidé par ces deux compositeurs, Jean Rondeau a conçu un programme autour de l'idée de la notion de progrès en musique aussi bien que sur ses limites d'ordre théorique, technique, expressif ou conceptuel. Qu'il tente d'expliciter au fil d'une conversation imaginaire retranscrite dans le livret du CD, entre une élève et sa professeure - sous les identités desquelles nul doute qu'il se cache. Et articulé chronologiquement en arche, depuis et en retournant à Palestrina, en passant par les deux théoriciens cités et ceux qu'ils ont inspirés, Haydn, Mozart, Beethoven et même Debussy.  

Le parcours nous vaut d'intéressantes interprétations de pièces en majorité initialement écrites pour le piano, que Rondeau a transcrites pour son instrument, avec souci de fidélité. Sa justification, perçue au travers de la conversation précitée, ressortit à la pétition de principe selon laquelle il ne faut pas trop mythifier l'intention du compositeur. Et évacuer l'idée même de trahison, au nom de la puissance enchanteresse de la musique. Dont acte. De même est-il question du caractère relatif du tempo en musique, au profit de la notion de discours qui « lui est précis, aiguisé », donnant « courbe au sens ». Et la professeure d'ajouter qu' « à la différence des mots, la musique, du moins, proteste peu ». Vaste question, qui renvoie sans doute à celle des audaces de la transposition, pratique tellement en vogue ces temps. Et de lâcher « pourquoi laisser l'hégémonie de ce répertoire, qui convient bien mieux au clavecin ou au piano de l'époque, à un piano moderne bien trop grand pour accueillir cet écrin ». Certes !

Outre les morceaux de Palestrina, on écoute avec plaisir ceux de Fux : ''Harpeggio'', vaste composition généreusement arpégée, ou une ''Ciaconna'' en Ré majeur, richement ornementée, qui fait penser aux auteurs français. Comme deux pièces de Clementi, extraites de son traité Gradus ad Parnassum regroupant des études pour piano, dont un Andante malinconico et un Adagio sostenuto en Fa majeur, beau chant émouvant qui prend au clavecin des aspects plus réconfortants que douloureux. Si les deux préludes de Beethoven supportent le choc des contours inédits du clavecin, les morceaux empruntés à Mozart dont l'enchaînement frôle l'évidence, respirent plus au clavecin qu'au pianoforte. Ainsi la Fantaisia N°3 K397 dont le propos oscillant entre pathétisme et allégresse, le fameux ''entre les rires et les larmes'' mozartien, retrouve sa vraie nature de quasi-improvisation. La Sonate pour clavier N°31 de Haydn Hob XVI:46 en La bémol majeur est de proportions imposantes notamment dans son premier mouvement Allegro moderato, brillant et contrasté de son humeur ludique bardée de quelques traits humoristiques. Le cantabile de l'Adagio trouve d'autres harmoniques au clavecin comme si on avait affaire à une enluminure. Ce qu'on perd en liant que procure le piano, on le gagne en luminosité et en résonance. Le finale Presto retrouve la vivacité du début de l’œuvre et presque un côté farceur dans la manière de concevoir l’enchaînement des phrases. L'incursion chez Debussy s'imposait : son ''Doctor Gradus ad Parnassum'', N°1 de Children's Corner, est un clin d’œil à un compositeur « qui admirait tant les clavecinistes français de l'époque baroque », rappelle Rondeau. Reste que pour confondante de maîtrise qu'elle soit, la transcription est osée car la palette change de couleurs, trop riche et diffuse dans le médium au début. Et que dire de ces notes graves ensuite sonnant comme un bourdon d'orgue.   

Jean Rondeau est lui-même à travers toutes ces pièces pourtant si différentes, que son art de toucher le clavecin pare de mille couleurs sur l'instrument joué, un clavecin des facteurs Jonte Knif & Arno Pelto de 2006 d'après des modèles allemands. Dont les aigus cristallins et les graves chaleureux sont captés dans l'acoustique aérée de la Salle de Musique de La Chaux-de-Fonds.

Texte de Jean-Pierre Robert

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Plus d’infos

  • ''Gradus ad Parnassum''
  • Œuvres de Giovanni da Palestrina, Johann Joseph Fux, Joseph Haydn, Muzio Clementi, Ludwig van Beethoven, Wolfgang Amadeus Mozart, Claude Debussy
  • Jean Rondeau, clavecin
  • 1 CD Erato : 5054197416170 (Distribution : Warner Classics)
  • Durée du CD : 82 min 28 s
  • Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orange (5/5) 

CD disponible sur Amazon



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