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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : deux quintettes de Mozart par les Ébène et Antoine Tamestit

Mozart String Quintet Quatuor Ebene

Pour leur nouveau CD, les Ébène reviennent à Mozart. Mais pour aborder le genre du quintette, en compagnie de l'altiste Antoine Tamestit, l'ami de la première heure. Leur choix s'est porté sur les K 515 & K 516, une paire qui parmi les six quintettes à cordes de Mozart, se détache du lot. Leur interprétation techniquement immaculée, est frappée au coin d'un classicisme repensé.

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Le genre du quintette à cordes, célébré par Boccherini, trouve en Mozart son vrai champion. Car ce qui est un quatuor augmenté d'une voix médiane, savoir un second alto, au demeurant instrument favori de Mozart, autorise un équilibre quant à la plénitude sonore en même temps que des possibilités de dialogue concertant entre violon I et alto I. On a beaucoup disserté sur les deux œuvres que sont les quintettes en Ut majeur K 515 et en Sol mineur K 516 écrits en 1787 à peu d'intervalle, avant Don Giovanni. Selon le celliste Raphaël Merlin, il s'agit de deux œuvres opposées quoique complémentaires : « Joie et Deuil, Yin et Yang, majeur et mineur... les deux faces d'une même médaille ». Leur complémentarité est certaine, jusque dans la manière d'en agencer la thématique. Les opposer est plus hasardeux. Car l'une et l'autre partition sont ancrées dans un même tragique angoissé qui ne se libère – et peut-être encore en apparence - que dans leur finale.

Quoi qu'il en soit, le Quintette à cordes en Ut majeur K 515 reçoit une exécution de haut vol sous les présents archets. Dès les premières mesures de l'Allegro et son rythme en batterie est-on frappé par la charge d'angoisse parcourant cette entrée en matière obsédante qui frôle la dissonance. Le Beethoven des Quatuors Rasoumovsky n'est pas loin, note Merlin. Le développement conséquent et dense enserre le tragique jusqu'à une coda où perce quelque espérance. Le Menuetto, placé en seconde position, ne se départit pas de ce climat sombre et le trio entonne un Lied finalement tout aussi poignant malgré sa tournure de Landler plutôt gai. L'Andante, « petite symphonie concertante pour violon et alto » (ibid), se pare du son solaire du violon de Pierre Colombet et du chaleureux alto de Tamestit, lorsque se répondant ou s'unissant. Le mouvement connaît une intériorisation plus poussée encore en une sorte de cadence qui ne dit pas son nom. Et les ultimes pages s'enfonçant dans le silence sont magistrales. Le finale Allegro, de forme rondo, est festif : « pulsation d'une vie intense et sans angoisse », notent les Massin, dans ce qui sonne tel un refrain, ici très allant. La présente équipe se permet d'accélérer le tempo dans un élan irrépressible de joie retrouvée. Mais çà et là perce encore le drame sous-jacent.

L'exécution du Quintette en Sol mineur K 516 est de la même eau. Une tonalité qui, selon les Massin, est celle « de l'agitation, de l'angoisse, des rythmes fiévreux et des modulations incessantes ». Comme il en est à l'Allegro où l'on perçoit même quelque révolte dans son thème plaintif et un épanchement de douleur au long développement. Cette angoisse se fait plus vive encore au Menuetto, presque brutale à travers des accords puissants qui en interrompent le cours. Alors que le trio possède une « souplesse caressante plus meurtrie que consolatrice » (ibid.). À l'Adagio ma non troppo, les Ébène & co nous bouleversent dans cette méditation solitaire que soulignent les traits de l'alto II et le traitement en sourdine des cinq voix. Le tempo se vit très lent, d'une profondeur abyssale, et les écarts de dynamique sont creusés, ponctués de silences combien poignants. À noter le retour du thème sur la pointe des pieds, impressionnant contraste. Le finale débuté adagio dans des pizzicatos déchirants là encore, de presque marche funèbre, chemine pourtant vers la clarté. La section Allegro marque un changement radical : une ronde joyeuse, presque déconcertante après tant de détresse accumulée. Mais il en va ainsi chez Mozart : la vie ne doit-elle pas reprendre le dessus.

On ajoutera que le poli instrumental qui avait tant enthousiasmé dans leur intégrale des Quatuors de Beethoven, trouve chez les quatre Ébène pareil accomplissement, au soutien d'une large palette dynamique. La fusion avec l'alto racé de Tamestit est plus que naturelle. Au point que celui-ci échange sa place de second alto pour tenir celle de Marie Chilemme, la titulaire du quatuor, dans le K 515. C'est que le dosage des voix, si essentiel, fait tout le prix d'une interprétation réussie. L'élégance du geste parachève des exécutions rejoignant aisément les grandes références du passé. Raphaël Merlin aime à rappeler aussi que pour eux cinq, le quintette K 516 est « une œuvre repère » depuis leurs débuts.

L'enregistrement à l'Auditorium de La Seine Musicale dans une ambiance à la fois proche et aérée, dégage un excellent relief.
Texte de Jean-Pierre Robert 

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Plus d’infos

  • Wolfgang Amadeus Mozart : Quintettes à cordes K 515 en Ut majeur & K 516 en Sol mineur
  • Antoine Tamestit (alto), Quatuor Ébène
  • 1 CD Erato : 5054197213328  (Distribution : Warner Music)
  • Durée du CD : 71 min 57 s
  • Note technique : etoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleueetoile bleue (5/5)

CD disponible sur Amazon



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