Skip to main content
PUBLICITÉ
  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Cyrille Dubois réhabilite les airs de ''ténor de grâce''

So Romantique CyrilleDubois

Ce récital se veut un fervent plaidoyer en faveur du répertoire du ténor de grâce à la française qui connut son heure de gloire entre les années 1820 et le début du XXème siècle. Cyrille Dubois a bâti un programme mêlant titres connus et raretés, offrant une anthologie significative qu'il adorne d'interprétations aussi pensées que techniquement accomplies.

LA SUITE APRÈS LA PUB

Ce qu'on appelle ténor de grâce est un « ténor aigu usant de la voix de tête à des fins poétiques », explique Alexandre Dratwicki. Il « se distingue ainsi par des aigus faciles et gracieux, un timbre clair et lumineux, et une propension à la vocalise ». Il succède au haute-contre baroque et précède le ténor de demi-caractère. Témoin des importantes mutations qu'a connues la voix de ténor en France au cours du XIXème siècle, notamment avec la vogue du Grand opéra appelant des emplois plus corsés utilisant la technique mixte. Mais le ténor de grâce reste une spécialité bien définie. Ce ténor léger cohabite avec le ténor di forza dans bien des opéras français du XIXème, tout comme les deux types de voix de sopranos, léger et lyrique. Et si ce style vocal a peu à peu disparu, sans doute doit-on en imputer la responsabilité à la manière de chanter. Ce que Dubois appelle une « perte des codes d'interprétation ». Le présent album, basé sur le travail éditorial mené par le Palazzetto Bru Zane parmi bien des œuvres délaissées, entend les restaurer.    

La manière élégiaque caractérise ce type particulier de voix de ténor aigu. Qui se manifeste dans l'air en forme de romance, de prière ou de cavatine où à un récitatif succède l'air proprement dit, lui-même structuré en deux phases, l'une lente et très cantabile, l'autre rapide, nantie d'une rythmique entraînante. C'est que ce répertoire ne craint pas la brillance virtuose. Ainsi de la cavatine de Georges ''Viens, gentille dame'', à l'acte II de La Dame blanche de Boieldieu (1825), avec cor obligé. Plusieurs compositeurs empruntent la même voie. Ainsi Auber avec La Barcarolle (1845), Halévy avec les Mousquetaires de la reine (1846) ou le peu connu Charles Luce-Varlet (1781-1853) dans L’Élève de Presbourg (1840). Sans parler de Louis Clapisson (1808-1866) dont on entend des extraits de deux de ses partitions, Le Code noir (1842) et Gibby la cornemuse (1846).

Une nouvelle étape se profile avec La fille du régiment (1840) de Donizetti : la cavatine de Tonio ''Ah mes amis'', agrémentée de sept contre-ut ravageurs, transpose la virtuosité italienne dans le moule français de la romance. Menée à train d'enfer par les présents interprètes, elle fait mouche. Ambroise Thomas l'illustre aussi dans plusieurs de ses pièces comme Mignon (1866) avec la ''Mélodie de Wilhelm'' à l'acte II ou le Roman d'Elvire (1860) dont l'air de Gennaro n'élude pas l'agitation en forme de galop truffé de contre-ut. Gounod en fait autant avec Le médecin malgré lui (1858), dont est donné le fabliau de Léandre, tout comme Saint-Saëns dans Le timbre d'argent (''Mélodie'' de Bénédict, douce romance digne d'une mélodie avec piano) ou encore Bizet pour La jolie fille de Perth (1867), là où l'air de ténor se fait plus dramatique. La progression vers le ténor lyrique se concrétise avec Lakmé de Delibes (1883) : l'air de Gérald ''Fantaisie aux divins mensonges'', de par ses modulations, verse dans une manière plus vaillante. Et des compositeurs comme Benjamin Godard (Pedro de Zalamea, 1884) ou Théodore Dubois (Xavière, 1895) s'affranchissent désormais de la frontière entre ténor léger et ténor lyrique.

Dans tous ces morceaux Cyrille Dubois dispense un art qu'on a si bien vu naître et se développer depuis ses prestations remarquées, notamment à l'Opéra Comique dans Fortunio, heureusement préservé par un DVD et qui lui valent désormais une place reconnue sur les scènes nationales (ONP, TCE, Lyon, Toulouse) et internationales (Zurich, Bruxelles, Vienne...). On ne sait qu'admirer, de la sûre palette expressive, de la projection joliment colorée dans l'aigu, délivré sans être trop claironnant, ce qui le distingue du ténor di forza, du lié dans la ligne de chant ce qui évite toute velléité de passage en force dans le haut du registre. Surtout une diction naturelle, exempte de préciosité, et un vrai sens du récit confèrent à ces airs un indéniable charme. Pierre Dumoussaud, à la tête de l'Orchestre National de Lille, lui procure le plus relevé des écrins : des accompagnements qui jamais ne versent dans le banal, mais soutiennent sans faille le soliste, et pas seulement dans les solos instrumentaux. Ce que la prise de son à l'Auditorium du Nouveau Siècle de Lille parachève en termes de clarté et d'équilibre voix-orchestre.

Texte de Jean-Pierre Robert    

LA SUITE APRÈS LA PUB

Plus d’infos

  • ''So romantique !''
  • Airs extraits d'opéras de Daniel-François Auber (La Barcarolle), Benjamin Godard (Pedro de Zalamea), Ambroise Thomas (Le Roman d'Elvire, Mignon, Raymond), François-Adrien Boieldieu (La Dame blanche), Fromental Halévy (Les Mousquetaires de la Reine), Louis Clapisson (Gibby la cornemuse, Le Code noir), Gaetano Donizetti (La Fille du régiment), Charles Gounod (Le Médecin malgré lui), Charles Luce-Verlet (L’Élève de Presbourg), George Bizet (La jolie fille de Perth), Théodore Dubois (Xavière), Charles Silver (Myriane), Léo Delibes (Lakmé), Camille Saint-Saëns (Le timbre d'argent)
  • Cyrille Dubois, ténor
  • Orchestre National de Lille, dir. Pierre Dumoussaud
  • 1 CD Alpha : Alpha 924 (Distribution : Outhere Music) 
  • Durée du CD : 68 min 46 s
  • Note technique : etoile verteetoile verteetoile verteetoile verteetoile verte (5/5) 

CD disponible sur Amazon 



Autres articles sur ON-mag ou le Web pouvant vous intéresser


Cyrille Dubois, Pierre Dumoussaud, Orchestre National de Lille

PUBLICITÉ