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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : impressions tchèques - le Trio Karénine joue Suk et Dvořák

Trio Karenine Suk Dvorak

Trois ans après leur interprétation du Dumky Trio op.90 de Dvořák, les Karénine reviennent à ce répertoire et abordent le Trio N°3. Qu'ils complémentent de deux œuvres de jeunesse de Josef Suk, élève du grand musicien tchèque. Comme toujours avec cet ensemble, le plaisir de jouer rejoint le raffinement instrumental.

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Trop rarement joué en concert comme au disque, Josef Suk (1874-1935) mérite attention. Les deux pièces de musique de chambre choisies par le Trio Karénine appartiennent à sa période de jeunesse. Ainsi le Trio op.2 en Ut mineur est-il l’œuvre d'un musicien de 15 ans, au demeurant brillant violoniste. C'est en effet en 1889 qu'il le met sur le métier, conçu à l'origine en quatre mouvements, qui sur les conseils de Dvořák seront ramenés à trois. De courtes proportions, le morceau réserve une sûre inventivité, mêlant lyrisme et rythmique avenante, depuis son Allegro initial entamé par des accords marqués qui cèdent la place à un thème chantant imposé au violoncelle dans la veine de Dvořák, mais s'en détachant par un certain modernisme. Débuté en forme de rythme de habanera, l'Andante cache un lyrisme à fleur de peau. Et le Vivace final possède une pulsation le reliant à quelque danse slave. Là encore la manière est pénétrante, déployant une thématique généreuse. L’Élégie op.23 pour piano, violon et violoncelle, de 1902, sous-titrée ''Sous l'impression du Vyšehrad de Zeyer'', du nom d'un romancier en vue, est un adagio espressivo mené par le violon sur un accompagnement régulier du piano, que rejoint le violoncelle. La pièce respire un grand et beau lyrisme que les présents interprètes jouent soft. Suit un passage fiévreux défendu par les deux cordes. Cela chante avec retenue et délicatesse.

Le Trio N°3 pour piano, violon et violoncelle op.65 de Dvořák (1883) est d'une autre envergure. Ne serait-ce que par ses vastes proportions. Guy Erismann y voit « un trio fort de contradictions de toutes sortes ». Car Dvořák est à cette époque en proie à bien des interrogations : s'affirmer comme un musicien profondément tchèque, alors que ses amis, Brahms en particulier, lui conseillent de s'orienter vers des inspirations proches de la musique allemande. Ajouté à des considérations personnelles, comme le récent décès de sa mère. Aussi l’œuvre respire-t-elle un esprit de révolte. Que les présents interprètes ne cherchent pas à amenuiser. Ainsi de l'Allegro ma non troppo, fiévreux et épique, lorsqu’il s'agit d'impulser un premier thème presque fougueux puis à travers de fréquents changements de rythmes et d'intensité. Le travail des trois voix est impressionnant : piano unificateur de Paloma Kouider, violoncelle élégiaque de Louis Rodde et violon idéalement chantant de Charlotte Juillard. La coda est preste, très allante. Proche de l'intermezzo brahmsien, l'Allegretto grazioso figure une danse menée par le piano sur un accompagnement fébrile des deux cordes. Le flux s'intensifie de manière presque obsédante, pourtant traversé de plages de mélancolie. Une section molto espressivo contraste par son caractère élégiaque, piano fluide, cordes lyriques. Le mouvement lent, Poco adagio, est débuté par le cello, rejoint par le violon, lesquels échangent sur un discret soutien du piano. Cette cantilène presque vocale est magistralement traduite sous l'archet inspiré de Rodde. Le lyrisme de Dvořák est ici à son meilleur, lorsque les deux cordes échangent presque amoureusement. Tandis que la péroraison offre un tragique discret, non dénué d'un sentiment d'espérance. Le finale Allegro con brio revient à l'esprit de la danse, un furiant exubérant en l'occurrence, que traverse une phrase calme et mélodieuse, proche de la valse. La coda allègre se veut optimiste. Comme l'est finalement l'interprétation des Karénine après tant de tensions. Et dont il n'est pas besoin de dire combien elle est aussi d'un extrême fini instrumental. Ce que la prise de son à la Ferme de Villefavard restitue avec bonheur, offrant une excellente fusion des trois voix. 
Texte de Jean-Pierre Robert   

Plus d’infos

  • Josef Suk : Trio en Ut mineur op.2. Élégie op.23
  • Antonin Dvořák : Trio N°3 op.65 en Fa mineur pour piano, violon et violoncelle
  • Trio Karénine
  • 1 CD Mirare : MIR 646 (Distribution :[PIAS])
  • Durée du CD : 58 min
  • Note technique : etoile verteetoile verteetoile verteetoile verteetoile verte (5/5)

CD disponible sur Amazon



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