CD : quand Bach s'inspire de Pergolèse
Le titre de cet album est à prendre au second degré : Bach rêve peut-être d'Italie lorsqu'il s'inspire directement de la musique du Stabat Mater de l'illustre compositeur napolitain Pergolèse pour écrire sa cantate BWV 1083. Il s'agit donc d'un voyage imaginaire. Et s'il avait quelques années plus tôt composé une autre cantate en langue italienne, le rapprochement est sans doute fortuit.
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Quoi qu'il en soit, l'intérêt de ce disque est de présenter une rareté dans le catalogue vocal du Cantor : la Cantate pour soprano et alto BWV 1083 ''Tilge, Höchster, meine Sünden''/Très Haut, efface mes péchés, écrite dans les années 1740. Et empruntant le texte musical du Stabat Mater (1736) de Pergolèse. Une musique si célèbre à l'époque que bien des adaptations en seront faites. Celle de Bach, redécouverte au XXème siècle, mérite attention. Il procède à plusieurs changements significatifs. Ainsi réduit-il le nombre des numéros, condensant les 20 versets que compte l’œuvre de Pergolèse en 14 mouvements, ce qui conduit à associer plusieurs versets. Surtout, il en change le texte pour une paraphrase en allemand du Psaume 51, ce qui confère à l’œuvre une toute autre facture et lui assigne un climat de contrition que n'avait pas l'originale du napolitain. La figure de la Vierge n'est plus au centre, mais celle du pécheur implorant la miséricorde divine. Le texte est moins descriptif. Une autre modification d'importance réside dans la réécriture de la partie vocale d'alto, qui ici est enrichie de contrepoint serré et paraît plus dynamique, à l'égale de celle de soprano, là où elle n'a souvent qu'un rôle de doublement de celle-ci chez Pergolèse. La partie instrumentale comprend deux premiers violons, deux seconds violons, alto, violone, cello, pour une orchestration nul doute plus riche. Enfin, l'ornementation est modifiée afin d'être adaptée à la prosodie germanique.
La présente interprétation se signale par son caractère intimiste puisque l'instrumentarium est composé de deux violons, alto, violoncelle, contrebasse et orgue positif. Ce qui renforce encore le climat de contrition. Même les mouvements sur le versant rapide (par exemple, le verset 4, Andante, confié à l'alto) prennent un sens différent de ce qu'il en est dans le Stabat Mater de l'italien. La soprano Marie Perbost et le contre-ténor Paul-Antoine Bénos-Dijan, qui mènent l'un et l'autre une belle carrière dans le répertoire baroque, montent une vraie complicité de leurs timbres éthérés. Ils sont entourés amoureusement par les musiciens de l'ensemble Ma non troppo mené par le violon aérien de Louis Creac'h.
Sont associées deux autres cantates. La cantate de jeunesse BWV 54 ''Widerstehe doch der Sünde''/Fais face au péché, sur le texte du Miserere du Psaume 50, est écrite à Weimar en 1714. Pour voix d'alto, elle comprend deux arias que sépare un bref récitatif. La première offre même des dissonances dans l'accompagnement marcato tendu, la seconde fuguée est soutenue par un contrepoint rigoureux. Bénos-Dijan y est magistral, notamment dans l'échange avec les deux violons. Quant à la cantate BWV 209 ''No sa che sia dolore''/ Il ignore ce qu'est le chagrin, elle offre après une sinfonia développée, deux couples récitatif-aria, figurant successivement la douleur de la séparation, puis le souhait de bon vent dans la découverte de nouveaux horizons. La flûte tient ici une place essentielle, entourant la voix de soprano. Marie Perbost en offre une exécution immaculée. Complétant un programme attachant, magnifiquement exécuté et enregistré dans la chapelle de l'Espace Sainte-Anne de Lannion.
Texte de Jean-Pierre Robert
Plus d’infos
- ''Le voyage à Naples''
- Jean Sébastien Bach : Cantate ''Tilge, Höchster, meine Sünden'' BWV 1083
- Cantates ''Non sa che sia dolore'' BWV 209, ''Widerstehe doch der Sünde'' BWV 54
- Marie Perbost (soprano), Paul-Antoine Bénos-Dijan (contre-ténor)
- Ensemble Ma non troppo
- 1 CD Son an Ero : 17 (Distribution : UVM)
- Durée du CD : 68 min 30 s
- Note technique : (5/5)
CD disponible sur Amazon
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