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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : dans le sillage du Quatuor de Ravel

Initié par le Quatuor Voce, le second volet du diptyque ''Poétiques de l'instant'' s'articule autour du Quatuor de Ravel, comme le premier avait pour point de départ celui de Debussy. Il offre aussi Introduction et Allegro pour harpe, outre une savoureuse transcription de Ma Mère l'Oye. Le Quatuor à cordes N°5 de Bruno Mantovani, commande des Voce, complète cette proposition magistralement interprétée. 

Le concept de confidence poético-musicale, auquel renvoyait le premier volume conçu autour du quatuor de Debussy, connaît un autre aboutissement avec cette proposition centrée sur celui de Ravel. On sait que celui-ci l'a écrit en 1902/1903 dans l'admiration portée au fameux quatuor de son aîné. Et pourtant combien de différences entre les deux partitions. Le Quatuor Voce ne s'y trompe pas, qui en fait son miel. À commencer par cette singularité de l'instrumentation, au service d'un raffinement extrême, palpable dès les premières mesures de l'Allegro moderato, à jouer ''très doux'', ce qui n'exclut pas une belle montée en tension jusqu'au climax peu avant la fin du mouvement. À l'énergie galvanisante du début en pizzicatos du scherzo ''Assez vif, très rythmé'', fait écho le thème porté par le violon I, magistralement conduit par Sarah Dayan, alors que le trio, légèrement mélancolique de ses lignes sinueuses, rompt avec cette vitalité. Les Voce possèdent comme peu ces instants d'introspection. Comme ils savent agencer le dosage rythmique du mouvement lent qui, bien que marqué ''très lent'', n'en comporte pas moins d'importantes différences dynamiques. Ils les dissèquent avec soin dans un grand souci de continuité à travers de fréquents changements de tempos. Quant au finale, ''Vif et agité'', il est fait ici de contrastes saisissants dans le geste déclamatoire, presque fébrile par instants, renouant avec l'énergie du premier mouvement. Une belle interprétation d'un superbe fini instrumental et d'une grande justesse dans ses choix de dynamique. 

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Intéressant voisinage que celui d'Introduction et Allegro pour harpe (1905), témoin de la vogue de cet instrument, également magnifié par Debussy. Le côté aérien de la flûte, l'alliance naturelle avec la harpe et sa légendaire légèreté sont ici à leur meilleur. Un souci d'authenticité préside à la suite Ma Mère l'Oye, dans une transcription pour septuor, 4 cordes, flûte, clarinette et harpe, à partir de l'original pour piano à 4 mains, due à Emmanuel Ceysson : toute la poétique de ces vignettes attachantes se retrouve ici, comme leur intimité et leur cachet enfantin. Ainsi de la troisième, ''Laideronnette, impératrice des Pagodes'', souvenir d'un Orient fantasmé, bardée de jolis contrastes dans des accords cinglants. Un jardin des délices aussi avec ces amusants traits de flûte ou de harpe fort à propos. Autre exemple de la pertinence de cette transposition. Dans ''Les entretiens de la Belle et de la Bête'' et sa vraie fausse valse, on saluera le traitement instrumental original lors du surgissement de la bête sous des traits de clarinette dans le registre le plus grave, tandis que la belle est portraiturée par la douce flûte. Dans l'un et l'autre cas, les Voce, enrichis de la flûte de Juliette Hurel, la clarinette de Rémi Delangle et la harpe enchantée d'Emmanuel Ceysson, apportent une fraîcheur bienvenue à ces pages délicieusement inspirées.

Le Quatuor N°5 (2020) de Bruno Mantovani (*1974) est le fruit d'une commande du Quatuor Voce. D'un seul tenant et une durée de quelque 10', il prend pour point de départ la note de La, celle initiale du Quatuor de Ravel. La musique évolue dans un fondu enchaîné sur un canon rigoureux entre les quatre instruments. « Cette continuité m'a été inspirée précisément par l’œuvre de Ravel dont l'harmonie toujours mouvante semble créer une perpétuelle métamorphose », souligne le compositeur. Son impressionnante virtuosité sur le travail des voix prises individuellement ou par groupe, l'usage du jeu pizzicato comme chez Ravel, donnent à cette composition une aura singulière. Que les Voce restituent là encore avec doigté. Dans un enregistrement d'un parfait naturel, réalisé à l'Auditorium de Poitiers.
Texte de Jean-Pierre Robert

Plus d’infos

  • ''Poétiques de l'instant II''
  • Maurice Ravel : Quatuor à cordes. Introduction & Allegro pour harpe. Ma Mère l'Oye (transcription pour septuor par Emmanuel Ceysson)
  • Bruno Mantovani : Quatuor à cordes N°5
  • Juliette Hurel (flûte), Rémi Delangle (clarinette), Emmanuel Ceysson (harpe)
  • Quatuor Voce
  • 1 CD Alpha : Alpha 933 (Distribution : Outhere Music)
  • Durée du CD : 65 min 34 s
  • Note technique : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rouge (5/5)

CD disponible sur Amazon 



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