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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : le Requiem de Campra et autres motets versaillais

Illustration du genre du grand motet versaillais, ce disque en présente deux, écrits par Mondonville et Rameau. Outre le Requiem de Campra, une œuvre peu connue. Emmanuelle Haïm, son Concert d'Astrée et un quintette de solistes rompus à cet idiome en offrent des exécutions hautement maîtrisées.

Genre sacré par excellence du XVIIème siècle français, le grand motet, instauré par Lully pour Louis XIV, est maîtrisé par d'autres musiciens du Grand siècle, comme Charpentier, de Lalande, Mondonville ou Campra. Il se décline en pièce séparée, Messe, Te Deum et même Requiem. Tous figurent une image sonore de la piété. Encore que le séculier puisse franchir le seuil de la Chapelle royale. C'est le cas de Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville. Parmi les 17 motets qu'il a laissés, In exitu Israel (1755) est tiré du Psaume 113, qui établit un parallèle entre la traversée de la Mer Rouge à la sortie d’Égypte et celle du fleuve Jourdain avant l'entrée en Terre promise. Allégorie du passage de la mort à la vie. L'ensemble instrumental utilisé par Emmanuelle Haïm est imposant. Comme ses chœurs engagés. Ainsi dans le verset ''Mare vidit'', avec répétitions sur des vagues orchestrales évoquant la fureur des éléments. On remarque de beaux solos, tel celui du haute-contre avec accompagnement des bassons, ou celui de basse taille (baryton) avec chœurs, ou encore de dessus (soprano).

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Rameau a peu écrit pour le genre du grand motet. In convertendo Dominus, tiré des Psaumes 125 et 69 (1713-1715), est donc une rareté dans son œuvre vocale. Le thème est celui de la joie du peuple d’Israël libéré de sa captivité à Babylone. L’instrumentation est riche. L'architecture, en sept parties, offre successivement : air de haute-contre, chœur, duo soprano-baryton, air de baryton, air de soprano avec chœur, trio et chœur final. Ce dernier mêle tristesse et allégresse, à l'aune des douloureux souvenirs des israélites. 

André Campra compose sa Messe de Requiem dans les premières années du XVIIIème, à la mémoire de l’archevêque de Paris, mort en 1695. Cette œuvre conséquente n'est cependant pas sombre. Elle ne comporte d'ailleurs pas de section Dies Irae. Comme ce sera le cas, plus tard, des Requiem de Fauré et de Duruflé, le message véhiculé est celui de l'espérance plus que de la terreur de la mort. Les solistes demeurent souvent cantonnés dans le registre de la douceur. Comme au Kyrie (haute-contre et basse-taille). Non que leurs interventions ne soient pas éloignées d'une manière opératique. La distribution vocale est très contrastée : trio au ''Domine Deus'' de l'Offertoire, duo de dessus introduisant le Sanctus, répartition à l'Agnus Dei entre air de la taille (ténor), chœur, air de haute-contre, puis second chœur. Les passages purement instrumentaux témoignent d'une grande sûreté d'écriture.

De ces pages emblématiques de la musique sacrée du Grand siècle, Emmanuelle Haïm livre une lecture inspirée, fervente. Son orchestre du Concert d'Astrée comme ses chœurs trouvent les couleurs exactes pour conjuguer solennité liturgique et sens de la polyphonie dans une manière liant clarté et puissance. Les solistes sont à l'unisson de la réussite : les sopranos Marie Perbost et Emmanuelle Ifrah, le haute-contre Samuel Boden, le ténor Zachary Wilder et le baryton Victor Sicard.

L'enregistrement live à la Chapelle royale de Versailles, lieu symbolique s'il en est pour l'exécution de ces musiques, prodigue une image sonore aérée, les chœurs saisis à distance, comme parfois les solistes, sans que cela nuise à l'effet d'ensemble. 
Texte de Jean-Pierre Robert 

Plus d’infos

  • André Campra : Messe de Requiem
  • Jean-Philippe Rameau : motet ''In convertendo Dominus''
  • Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville : motet ''In exitu Israel''
  • Marie Perbost, Emmanuelle Ifrah (dessus), Samuel Boden (haute-contre), Zachary Wilder (taille), Victor Sicard (basse-taille)
  • Le Concert d'Astrée, dir. Emmanuelle Haïm
  • 2 CDs Erato : 5054197504686 (Distribution : Warner Classics)
  • Durée des CDs : 40 min 32 s + 47 min 54 s
  • Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orange (5/5)

CD disponible sur Amazon

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