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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : les sonates pour violon seul d'Ysaÿe

La violoniste Hilary Hahn livre une interprétation fastueuse des Six Sonates pour violon seul d'Eugène Ysaÿe. Une grande interprétation d'une œuvre majeure du répertoire violonistique du XXème siècle, s’inscrivant dans le sillage des Sonates et Partitas de JS Bach.

Eugène Ysaÿe (1858-1931), un des grands violonistes de son temps, « en vérité un géant », dira Yehudi Menuhin, fut aussi compositeur. Un autodidacte, selon son fils Antoine (1894-1979) qui lui consacrera une importante biographie. Parmi une soixantaine de pièces, les Six sonates pour violon seul op.27 (1923) restent son œuvre phare. « Créée presque spontanément, sans gestation préparatoire » (ibid.), elle s'imposa à lui comme une évidence suite à l'exécution par Joseph Szigeti d'une des sonates pour violon seul de JS Bach. Le grand musicien allemand était d'ailleurs au cœur de sa propre carrière d'interprète depuis les années 1880, figurant régulièrement dans ses récitals, aux côtés de plusieurs de ses contemporains, Franck, Chausson ou Vieuxtemps. L'idée était de s'inscrire à la fois dans l'héritage des Six sonates et Partitas pour violon seul du Cantor et dans l'évolution des techniques de jeu du violon. Ainsi chacune des sonates est-elle dédiée à un interprète célèbre de l'époque et façonnée sur sa technique de jeu. « Là où Ysaÿe secoue les chaînes de la convention et se lance tête baissée dans les révolutions les plus audacieuses » (ibid.). 

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La première Sonate en Sol mineur est logiquement dédiée à Joseph Szigeti. La tonalité de Sol mineur est celle de l'Adagio de la Première sonate BWV 1001 de Bach. Elle est constituée de quatre mouvements : Grave avec un accord de quatre notes, figure centrale de toute l’œuvre, suivi d'un Fugato, d'un Allegretto et d'un Allegro fermo con brio final contrastant les registres. La Sonate N°2 en La mineur, pour Jacques Thibaud, également en quatre parties, paie tout autant tribut à Bach. Au point que son premier mouvement est titré ''Obsession'', rappel du Preludio de la Partita N°3 en Mi majeur qu'appréciait le violoniste français. Le motif du Dies irae y est présent. Comme au poignant mouvement suivant ''Malinconia'', puis dans ''Danse des ombres'', dont le thème en forme de sarabande est développé en variations. Le finale ''Furies'', Allegro furioso, intense et tendu, retrouve le motif du Dies irae. La Troisième Sonate en Ré mineur, dédiée à George Enescu, est la plus courte. Intitulée ''Ballade'' et d'un seul tenant, elle est d'une totale liberté formelle et appelle la bravoure, à l'aune du tempérament exubérant du musicien roumain dédicataire.

Destinée à Fritz Kreisler, la Sonate N°4 en Mi mineur célèbre les danses au cœur des Partitas de Bach et flatte le penchant du célèbre virtuose pour les morceaux techniquement les plus ardus lors de ses bis de concert. Si l'Allemande fleure le goût romantique, la Sarabande qui débute doucement en pizzicatos pour progresser en intensité et dynamique, laisse au finale Presto son caractère de perpetuum mobile hyper virtuose, traversé d'une curieuse section presque comique marquée ''Giocosamente''. La Sonate N°5 en Sol majeur est écrite pour le violoniste belge Mathieu Crickboom, au demeurant second violon du Quatuor qu'avait formé Ysaÿe. C'est le plus moderne des six. Il se compose de deux parties : ''L'Aurore'', sorte d'improvisation, évocation d'un éveil, comme dans Daphnis et Chloé de Ravel, faite de contrastes, dont des effets irisés et de longues phrases fluides. Puis ''Danse rustique'' renchérit sur le côté pastoral de l’œuvre, une manière impressionniste aussi. Enfin la Sonate N°6 en Mi majeur, dédiée au violoniste espagnol Manuel Quiroga, offre un mouvement unique en trois sections. Elle est sans doute restée inachevée. Dans le goût ibérique, elle débute dans la bravoure, pour s'assagir et revisiter un rythme de habanera au médian, et se conclure en feu d'artifice.

Ces aspects pyrotechniques n'ont bien sûr pas de secret pour Hilary Hahn, pour qui « ces sonates sont vraiment hypnotiques ». C'est peu dire qu'elle en dénoue avec maestria l'intrépidité parfois acrobatique. Élément consubstantiel à l'écriture d'Ysaÿe. Mais ce qui fait le prix de cette interprétation réside dans le naturel de l'approche de la violoniste américaine. Alors que ces pièces ne semblent pas avoir figuré à son répertoire avant cet enregistrement, elle indique les avoir apprivoisées en l'espace de sept mois pour cet album. La référence à Bach dont elle joue – et a enregistré - les Sonates et Partitas, se double, souligne-t-elle, de son expérience acquise au contact d'autres compositeurs aussi différents que Chausson, Enescu, Kreisler ou Debussy. Cela se ressent quant à l'intégrité de ton, la précision, le souci de l'articulation, tous paramètres au cœur de l'art d'Ysaÿe pour l'interprétation de ces sonates. De même remarquable est le sens de la polyphonie, « au service d'une pensée musicale libre, fantaisiste, et rhapsodique », remarque Antoine Ysaÿe.

La prise de son au Fraser Performance Studio de la GBH Educational Foundation de Boston, offre une image à la fois proche et aérée.
Texte de Jean-Pierre Robert

Plus d’infos

  • Eugène Ysaÿe : Six Sonates pour violon seul op.27
  • Hilary Hahn, violon
  • 1 CD Deutsche Grammophon : 416 4176 (Distribution : Universal Music)
  • Durée du CD : 64 min 36 s
  • Note technique : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rouge (5/5)

CD disponible sur Amazon

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