CD : Femmes compositrices – Les Études d'Hélène de Montgeroult
La compositrice Hélène de Montgeroult se voit honorée d'un nouvel album focalisant sur ses éminentes qualités de pédagogue, à travers un choix de ses Etudes pour le pianoforte. Elles sont ici jouées sur un instrument d'époque. Deux autres œuvres de musique de chambre complètent cette singulière proposition.
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Outre ses neuf Sonates pour piano, Hélène de Montgeroult (1764-1836) a composé une multitude d’Études pour le piano, réunies dans son Cours complet pour l'Enseignement du Forté Piano. Cet ouvrage, achevé en 1812 et publié en 1816, comprend trois volumes, dont les deux derniers sont consacrés à ses 114 études, outre des fugues et des fantaisies. C'est la plus importante méthode de piano du XIXème siècle. Sa préface précise que le Cours complet est destiné aux jeunes gens ne disposant pas d'un professeur de piano, mais de ''parents qui ne soient pas tout à fait étrangers à la musique''. La pianiste Marcia Hadjimarkos avance l'hypothèse que « cet ouvrage était peut-être le moyen de formuler ses préférences esthétiques et ses opinions sur diverses questions techniques, tout en lui permettant de composer une pléthore d'études allant bien au-delà des exercices mécaniques, et qui anticipaient de manière visionnaire la période romantique ». Ces pièces sont en effet souvent écrites dans un style préfigurant le mouvement Sturm und Drang. Par ailleurs, la référence au chant est omniprésente. Chaque étude est munie d'un titre et fait l'objet d'observations détaillées quant à la manière de la jouer. On peut classer ces œuvres en trois catégories. Les Études pour les deux mains d'abord. Ainsi de l’Étude 38 ''pour bien accorder le chant avec l'accompagnement'', marquée Andante espressivo con un poco di moto, de l’Étude 89 ''pour la difficulté du ton'', Andante Sostenuto ben marcato e Doloroso, ou de l’Étude 106 pour les deux mains ''qui doivent chacune faire une partie de chant et d'accompagnement'', Aria moderato, bien équilibrée quant à l'interaction des deux mains. Les Études pour la main droite ensuite. Comme l’Étude 6 ''pour l'assouplir'', Allegretto, ou l’Étude 63 ''pour les notes pointées'', Allegro Vivo e ben marcato, bien chantante aussi. Enfin le seul exemple d’Étude pour la main gauche est fourni par l’Étude 37 ''pour apprendre à toucher les notes mêlées dans la partie droite'', Presto.
Hélène de Montgeroult n'a composé qu'une seule œuvre vocale. Les Six Nocturnes à voix seule avec accompagnement de pianoforte op.6 ont été écrits sur des textes de Pietro Metastasio, à l'exception du premier, d'un auteur inconnu. La partie de piano est plus intéressante que celle réservée à la voix. Ainsi du troisième nocturne ''Si ma mort peut te satisfaire'', grave et dramatique, et du N°4 ''L'eau qui s'agite'', fluide avec de jolis traits pointés au piano. Beth Taylor leur prête sa voix ample de mezzo-soprano. Unique œuvre de musique de chambre, la Sonate en La mineur pour forte piano avec accompagnement de violon op.2 N°3 montre pareil intérêt pour l'écriture pianistique. Ainsi à l'Agitato initial, la partie de clavier est de loin la plus travaillée, le violon ne faisant que souligner la vélocité de celle-ci. L'Adagio est d'abord dévolu au seul piano, le violon accompagnant ensuite sans grade imagination. Le Vivace final ne renonce pas à la prééminence du piano, même si la mélodie est alors mieux partagée entre les deux instruments.
L'autre intérêt de l'album réside dans l'exécution de ces pièces sur un pianoforte carré d'époque : un instrument fabriqué en 1817 par Antoine Neuhaus, natif de Vienne et installé à Paris à partir de 1809. Il a récemment été restauré par le facteur Matthieu Vion. Sa belle mécanique et sa vaste palette de couleurs et de textures restituent nul doute la manière dont ces œuvres sonnaient à l'origine. Et donnent une idée de leur impact dans l'interprétation engagée de Marcia Hadjimarkos. Spécialiste des instruments à clavier historiques, celle-ci dit s'être familiarisée avec l'écriture de Montgeroult en travaillant sur divers instruments. Mais la décision de jouer un piano carré français s'est imposée, car contemporain de la composition de ces pièces. Par ce choix, la pianiste française d'origine américaine, désormais installée en Bourgogne, se différentie de ses collègues quant à l'interprétation des Études, Bruno Robilliard et Nicolas Stavy, comme Nicolas Horvath pour ce qui est des sonates, qui avaient préféré recourir au Steinway Grand. La prise de son, en Bourgogne, saisit cet étonnant piano carré avec relief, dans une ambiance un peu sèche quant au rapport avec le voix chantée.
Texte de Jean-Pierre Robert
Plus d’infos
- ''Portrait d'une compositrice visionnaire''
- Hélène de Montgeroult : Études pour le piano-forte (extraits). Six nocturnes à voix seule avec accompagnement de pianoforte, op.6. Sonate en La mineur pour forte piano avec accompagnement de violon, op.2
- Marcia Hadjimarkos (piano-forte), Beth Taylor (mezzo-soprano), Nicolas Mazzoleni (violon)
- 1 CD Seulétoile : SE09 (Distribution : Socadisc)
- Durée de CD : 65 min 04 s
- Note technique : (4/5)
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