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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : une rareté, La Princesse de Trébizonde d'Offenbach

La planète Offenbach se porte bien. Voici une nouveauté qui ravira les amateurs comme les spécialistes qui constateront que, décidément, le Mozart des Champs-Elysées avait plus d'un tour dans son sac. Cette Princesse de Trébizonde, due à une jeune équipe franco-britannique et enregistrée sur les bords de la Tamise, a du zest à revendre.

Déjà au faîte de sa gloire parisienne, Offenbach présente en 1869 un opéra bouffe au nom étrange : La Princesse de Trébizonde. D'abord créée à Baden-Baden dans une version en deux actes, l’œuvre sera vite remaniée pour être enrichie d'un acte supplémentaire, qui deviendra le1er. La création parisienne, en décembre 1869, est un franc succès. Mais la pièce sombrera dans l'oubli, alors que survient la guerre de 1870 et qu'on ''découvre'' que le compositeur est d'origine allemande. Grand spécialiste d'Offenbach, Jean-Christophe Keck a conçu récemment une édition critique de la version dite de Paris. Mais dans le présent enregistrement, on a ajouté en appendice quelques pages emblématiques de la version originale, permettant une intéressante comparaison, tant l'orchestration diffère de l'une à l'autre. Sûr des goûts de son public, grand amuseur, le musicien s'est personnellement investi dans l'écriture du livret, pourtant confiée à deux plumes alors en vogue, Nuitter et Tréfeu. Il ne faut sans doute pas chercher profondeur dans cette histoire quelque peu décousue de saltimbanques, dont l'attraction principale est une figure de cire nommée Princesse de Trébizonde, lesquels décrochent à la loterie le gros lot, savoir un mirifique château. Le problème est que la fille, Zanetta, du chef des forains, Cabriolo, a cassé le nez de la fameuse poupée de cire... Alors que la troupe s'ennuie fort dans son nouveau château, une chasse amène le Prince Raphaël qui tombe amoureux de Zanetta. Le papa dudit prince, Casimir, achète à Cabriolo, pour son fils adoré, l'entière collection de figurines de cire. Le dernier acte voit prospérer divers rendez-vous amoureux dont celui entre Raphaël et Zanetta, au grand dam de Casimir. Qui finit par se laisser fléchir après qu'eussent été divulguées ses propres facéties de cœur d'un passé pas si lointain. Comme souvent chez Offenbach, le moteur de l'intrigue réside dans le travestissement, car la partie de Raphaël est confiée à une mezzo-soprano, comme plus tard le sera le rôle-titre de Fantasio.

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Pour peindre l'atmosphère de fête foraine puis de réjouissances seigneuriales, Offenbach use d'une orchestration colorée et pleine de gaieté, culminant dans des ensembles trépidants, tels les finales des actes I et II, ou au dernier, un Brindisi et un Grand galop entraînant. La musique est variée, bondissante ou gorgée de lyrisme. Une teinte fantastique n'échappe pas à cet univers de fête, qui ajoutée à une bouffonnerie débordante, devait tant plaire aux premiers auditeurs. On prend aujourd'hui plus de distance devant une telle débauche d'effets un peu appuyés, de vraie fausse conspiration, où onomatopées cocasses voisinent avec un art consommé de la répétition. Mais l'alchimie entre extravagance et tendresse, mélodies séduisantes et traits passionnés, achève de lever toutes réticences. Des harmonies avenantes d'un orchestre fourni, mais jamais épais, que couronne la stridence du fifre, peut surgir soudain une note de mélancolie. On y trouve des morceaux d'anthologie, tels le ''Quintette des assiettes'' au IIème acte, dans un tempo tourbillonnant, le duo entre Raphaël et Zanetta dans ce même acte, ou la ''Ronde des pages'' au IIIème, sur un rythme de fausse marche, et plus tard un ''Morceau d'ensemble'' débouchant sur un Brindisi hilarant.

On ne résiste pas devant une interprétation alliant goût et entrain. La palme revient au chef, Paul Daniel, qui ne tarit pas d'éloges sur la partition. Il lui insuffle une rythmique à la fois rigoureuse et souple, souvent enivrée de tempos endiablés, comme dans ces enchaînements de tempos rapides s'enroulant l'un dans l'autre. Familier de l'univers lyrique, pour notamment le pratiquer chaque été au Festival de Glyndebourne, le LPO déploie de scintillantes sonorités, qui savent aussi être flatteuses. L'autre mérite réside dans la prestation des chœurs : l'Opera Rara Chorus, assemblé pour l'occasion, s'avère d'une rare tenue questions diction et intonations. On a réuni une distribution de jeunes chanteurs franco-britanniques à l'aise aussi bien dans les parties chantées que dans le mélodrame parlé. Virginie Verrez prête à Raphaël la moirure d'un timbre de mezzo léger et le bagout qui sied à ce prince décidément entreprenant. Que ce soit avec la ''Romance des tourterelles'' (acte I), puis celle du IIIème, enrichie d'un contrepoint de hautbois, ou encore l'inénarrable ''Ariette du mal aux dents'', l'interprète domine le cast. Anne-Catherine Gillet, Zanetta, lui prête une réplique affûtée de son joli soprano à la naïveté charmante. Dommage que la version parisienne n'ait pas retenu les délicieux ''Couplets'' du Ier acte, heureusement restitués ici en bonus. Le jeune ténor Josh Lovell campe un désarmant Casimir, diction irréprochable et engagement total. Tandis que Christophe Gay offre à Cabriolo les prestiges d'une basse colorée à la diction percutante. On savoure encore le métier d'un Christophe Mortagne ou d'un Loïc Félix.

La prise de son au Henry Wood Hall de Londres, nantie d'amusants bruitages d'atmosphères festifs, offre un indéniable relief. 
Texte Jean-Pierre Robert 

Plus d’infos

  • Jacques Offenbach : La Princesse de Trébizonde. Opéra bouffe en trois actes. Livret de Charles Nuitter & Étienne Tréfeu. Édition critique de Jean-Christophe Keck. Version remaniée de Paris. Et extraits de la version originale de Baden-Baden
  • Anne-Catherine Gillet (Zanetta), Virginie Verrez (Le Prince Raphaël), Antoinette Dennefeld (Regina), Katia Ledoux (Paola), Christophe Gay (Cabriolo), Josh Lovell (Le Prince Casimir), Christophe Mortagne (Tremolini), Loïc Félix (Sparadrap/Le directeur de la Loterie)
  • Inna Husieva (Brocoli), Monica McGhee (Francesco), Aleksandra Chernenko (Flaminio), Siân Griffiths (Riccardi), Beth Moxon (Borghetto), Joanna Harries, Anika-France Foget (Finocchini)
  • Opera Rara Chorus, Stephen Harris, chef de chœur
  • London Philharmonic Orchestra, dir. Paul Daniel
  • 2 CDs Opera Rara : ORC63  (Distribution : Warner Classics)
  • Durée des CDs : 56 min 35 s + 64 min 32 s
  • Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orange (5/5)



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