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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : une absolue découverte, les mélodies de Louis Beydts

De nouveau réuni, le duo Cyrille Dubois & Tristan Raës se lance dans un projet original, une sélection exhaustive de mélodies du compositeur Louis Beydts qui enchanta le répertoire de la première moitié du XXème siècle. Une découverte qui vaut plus qu'un détour, enluminée par la qualité des interprétations du merveilleux ténor et de son talentueux pianiste.

Louis Beydts (1895-1953), disciple de Reynaldo Hahn, a marqué la vie musicale d'une empreinte certaine jusqu'à se voir confier la direction de l'Opéra Comique en 1952. Il y assurera la création française de The Rake's progress de Stravinsky l'année suivante. C'est qu'il a très tôt manifesté une appétence pour la voix. Il composera plusieurs opérettes sur des livrets de Sacha Guitry et des musiques de scène, notamment pour la Comédie Française. Il est surtout l'auteur d'une centaine de mélodies, la plupart réunies en cycles, et de chansons dont cet album offre une vaste sélection en première au disque, grâce à la perspicacité de la présente équipe artistique. Celui qui professe « plaire, charmer, séduire, persuader, émouvoir doucement », s'inscrit dans la lignée des grands mélodistes français, Debussy, Fauré et Hahn. À la recherche de textes typés, qui préservent aussi une certaine forme de simplicité, il met en musique les poètes de son époque. Que ce soient les symbolistes, comme Tristan Klingsor (''Cinq Humoresques''), les parnassiens, tels Henri de Régnier (''Quatre Odelettes'') ou Henry Bataille (''Fontaine de pitié''), ou encore le surréaliste Apollinaire (''Le Pont Mirabeau''). Mais aussi des auteurs comme Paul Fort (''Six Ballades françaises'', ''Chansons pour les oiseaux''), Jean-Paul Toulet (''D'Ombre et de Soleil'') ou Robert Honnert (''Le cœur inutile''). En cela Beydts participe de l'esprit du temps qui est au divertissement, voire à la dérision.

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Au fil de pièces pour la plupart d'une extrême concision, la musique de Beydts allie une vocalité recherchée à un piano d'une étonnante richesse d'inspiration. La palette de celui-ci est à l'appui d'une fonction narrative qui n'hésite pas à aller jusqu'au figuralisme, par exemple dans l'évocation de l'eau ou d'animaux. Le chant privilégie la belle diction, la souplesse de la prosodie, tout en gardant une forme de naturel d'une étonnante sobriété. Non qu'il ne comprenne pas une certaine complexité. Beydts adopte « un langage harmonique puissant et complexe qui l'amène souvent à superposer les éléments mélodiques, créant une polyphonie luxuriante, génératrice de frottements harmoniques sensuels, voire de dissonances », souligne Cyrille Dubois. Mais il en ressort constamment un sentiment de raffinement, d'élégance. Souvent égrenées sur le ton presque intime, les mélodies usent d'un ambitus restreint de la voix, non exempt de quelques éclats.

On le ressent à l'écoute des six principaux recueils figurant sur le disque, dont l'écriture s'étend de 1926 à 1948, couvrant l'ensemble de la carrière musicale de Beydts. Où l'on perçoit une évolution du style : depuis un ton populaire que lui dicte son attrait pour les scènes de la vie quotidienne (''Six Ballades françaises'' de 1926), en passant par une approche symboliste (''Quatre Odelette''s,1929), puis une manière plus sentimentale (''D'Ombre et de Soleil'', de 1946), là où le piano distille les mystères amoureux, jusqu'à ces ''Chansons pour les oiseaux'' (1948), où l'on perçoit l'ironie et des emprunts au jazz. Car l'humour sera toujours la marque de cet auteur cultivant la fantaisie voire le clin d’œil, et qu'il fait se manifester dans une vocalité au besoin espiègle, usant d'amusantes allitérations. Cyrille Dubois aborde ces miniatures avec un plaisir non dissimulé, se jouant de leur difficulté, là où la voix est souvent à nu, très travaillée dans un cheminement où l'on passe du murmure à l'éclat en un tournemain. Il est à l'aise dans les délicates modulations, les subtiles inflexions et les changements inattendus dans le rythme de la prosodie. La diction est, comme toujours chez cet artiste exigeant envers lui-même, superlative, alliée à une grande sensibilité poétique créant l'atmosphère juste. Et on admire la beauté du timbre sur toute l'étendue du registre. Tristan Raës est le partenaire inspiré pour restituer les diverses facettes de ce qui est bien plus qu'un accompagnement. Restant toujours inventif pour installer la fluidité du trait, la transition soudaine, le doux balancement, l'inflexion charmeuse, l'originalité d'un langage qui ne renonce pas à la dissonance. Ils sont magnifiquement enregistrés dans une ambiance à la fois intimiste et aérée.
Texte de Jean-Pierre Robert  

Plus d’infos

  • ''Mélodies & Songs''
  • Louis Beydts : D'Ombre et de Soleil. Six Ballades françaises. Le Cœur inutile. Quatre Odelettes. Cinq Humoresques. Chansons pour les oiseaux
  • Pièces isolées : ''Le Pont Mirabeau'' ; ''La Fontaine de pitié' ; ''Le Sylphe''
  • Cyrille Dubois (ténor), Tristan Raës (piano)
  • 1 CD Aparté : AP 345 (Distribution : [Integral])
  • Durée du CD : 82 min
  • Note Technique : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rouge (5/5) 

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Cyrille Dubois, Tristan Raës, Louis Beydts

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