CD : Yundi Li joue Mozart
Premier pianiste chinois à avoir remporté, en 2020, le prestigieux Concours Chopin de Varsovie, Yundi Li se tourne vers Mozart. Avec ce généreux CD, il offre un bouquet de sonates, montrant une réelle affinité pour l'écriture du génie de Salzbourg.
La Sonate en La mineur K 310, écrite à Paris en mai 1778, alors que Mozart s'y sent bien isolé, se ressent d'une détresse intériorisée. À l'Allegro maestoso, pris ici soutenu dans son rythme de marche résolue, qui, selon les Massin, traduit « une agitation presque continue », le climat dramatique est perpétué au long des transformations du thème dans ses formes les plus affirmées. Ce que confirme l'Andante cantabile con espressione, là où perce une « façon de suggérer le tragique sans l'appuyer » (ibid.). Et le Presto final, de sa tournure agitée, presque oppressante, dissimule à peine le tragique. Même si le contraste avec la section centrale, plus détendue, est joliment souligné par Yundi, qui par ailleurs fait montre d'une belle retenue. La Sonate en La majeur K 331, conçue à Salzbourg, en 1783, si célèbre eu égard à son dernier mouvement, n'atteint pas la même profondeur. Son charme provient de sa construction inhabituelle. L'Andante grazioso déploie un schéma de variations à partir d'un thème emprunté à un chant populaire d'Allemagne du sud, où le pianiste chinois montre aussi bien sa verve dans les traits rapides qu'une grande douceur dans les pages plus lentes. La fluidité du Menuetto respire un esprit de béatitude non exempt d'affirmation de puissance, tandis que contraste la section trio, inspirée d'un thème de l'Orphée de Gluck. L'Allegretto du Rondo Alla Turca, joliment enlevé, est ici un rien boosté dans ses répétitions, du meilleur effet.
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La Sonate en Ut mineur K 457 comme La Fantasia K 475 ont été écrites à l'intention de Theresa von Trattner, une brillante élève dont Mozart s'était épris. Elles sont généralement jouées l'une après l'autre comme c'est le cas dans ce disque. La Sonate en Ut mineur K 457, composée en 1784, l'une des plus grandes pages pianistiques de Mozart, est passionnée et presque violente dans l'expression d'un sentiment de lutte. À l'aune de son Allegro d'entame, impérieux et d'un dramatisme farouche évoluant dans une effervescence croissante. L'Adagio médian exhale une tendresse sans fard, un pathétisme assumé. Tandis que le finale Allegretto assai, de sa thématique douloureuse, est haletant et truffé de brusques interruptions. La Fantasia K 475 (1785), de la même tonalité d'Ut mineur, offre au long de ses cinq parties le même tragique oppressant que traversent des éclaircies de tendresse.
Yundi Li montre une réelle empathie pour ces quatre pièces. Un jeu équilibré, sans afféterie ni brusquerie, qui sait toutefois, à travers une belle palette de nuances, révéler le poids des sentiments enfouis. Autre élément ajoutant au prestige de cet album : l'enregistrement dans le Grande salle du Mozarteum de Salzbourg, sous les auspices de la Fondation éponyme. La prise son de Rainer Maillard, un ancien de DG, est exemplaire de clarté. Décidément, un beau disque Mozart !
Texte de Jean-Pierre Robert
Plus d’infos
- ''The sonata project - Salzburg''
- Wolfgang Amadeus Mozart : Sonates pour piano K 331 ''Alla Turca'', K 310, K 457. Fantasia K 475
- Yundi Li, piano
- 1 CD Warner : 5054197934858 (Distribution : Warner classics)
- Durée du CD : 79 min 50 s
- Note technique : (5/5)
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