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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Lahav Shani dirige la Cinquième symphonie de Bruckner

Pour ne pas être la plus célèbre des neuf, la Cinquième symphonie de Bruckner mérite une écoute attentive tant elle recèle de richesse thématique à l'appui d'un message de foi. La nouvelle version que lui consacre Lahav Shani à la tête de l'Orchestre Philharmonique de Rotterdam lui rend pleine justice, rejoignant les grandes versions du catalogue, de Jochum à von Karajan, de Barenboim à Thielemann.

La Symphonie N°5 en Si bémol majeur, écrite entre 1875 et 1878, mais créée en 1894, Anton Bruckner la tenait pour sa « symphonie fantastique » et son « chef-d’œuvre contrapuntique ». Peu fréquentée au concert, à la différence de ses sœurs, telles les trois dernières, elle pâtit d'une réputation de moindre accessibilité. Ses défenseurs, comme Christian Thielemann, la considèrent pourtant comme nullement complexe. Il faut simplement s'immerger dans cette cathédrale musicale dont l'écriture fait référence à celle pour l'orgue que pratiquait le compositeur, et ce en termes de sonorités et de couleurs. Cette œuvre riche d'atmosphère, où chaque ligne doit chanter, est ancrée dans la foi religieuse de son auteur, et de ce fait possède un caractère heureux. Bien que de proportions gigantesques, elle figure au long de ses quatre mouvements un cheminement où le serein côtoie le pathétique, tourné vers une glorieuse apothéose, tant son dernier mouvement marque le couronnement de cet imposant édifice. 

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Le chef israélien Lahav Shani (*1989), protégé de Daniel Barenboim, aborde ce monument symphonique avec une empathie décelable dès les premières mesures.  Et un naturel qui traduit une profonde compréhension de son message. Il le dit lui-même « je préfère laisser la musique couler, se développer et changer... ». Il possède la mesure de cette œuvre immense, sa pulsation interne et surtout la maîtrise du temps long, préservant l'équilibre entre tension et relâchement. On admire les contrastes de dynamique, pianissimos quasi chambristes, fff majestueux sans grandiloquence, comme le dosage des crescendos conduisant aux climax, quoique sans exagération dans le monumental. Et bien sûr l'art du silence entre phrases, ces moments cruciaux de transition qui permettent à l'assemblage des diverses sections thématiques de fonctionner, sans qu'on perde le fil de la pensée parfois sinueuse du compositeur. En un mot, le sens que doit posséder cette musique de l'âme, qui aussi « transmet des émotions humaines si profondes  souligne-t-il. 

Ainsi en est-il du traitement du riche matériel thématique du Ier mouvement : son introduction lente aux cordes graves puis aux violons, traversée de grands appels de cuivres, puis sa section Allegro, forte de trois thèmes dont la polyphonie est magistralement mise en valeur comme l'instauration de quelque vision divine. Enfin une coda où s'affirment les fanfares glorieuses du début. L'Adagio serein, ouvert par la mélodie légèrement mélancolique du hautbois, développe le flot intense des cordes que le chef modèle dans un dépouillement pianissimo. Comme il en façonne les crescendos intenses, couronnés de cuivres incandescents. Le scherzo qui se signale par sa scansion sautillante, bénéficie d'un travail extrêmement élaboré dans sa dynamique s'abreuvant à la valse, au menuet, voire au Ländler autrichien dans le goût burlesque. Tandis que le trio est élégant dans l'association joliment dansante des bois et des cordes. Au finale, où s'affirme la religiosité de Bruckner, Shani pare de douceur l'introduction lente pour ensuite habilement en différentier les diverses séquences, dont la double fugue du choral solennel de cuivres en un crescendo triomphal, ménagé dans toute sa plénitude. 

Le fini sonore que prodigue l'Orchestre Philharmonique de Rotterdam, à la destinée duquel Shani préside depuis 2018, est fascinant. La qualité instrumentale n'a d'égale que le raffinement de jeu. Soyeux des cordes combien chantantes jusque dans le registre pppp, rondeur des cuivres jamais tonitruants, sûreté de la petite harmonie dont des flûtes, hautbois ou clarinettes d'une réelle plastique sonore, tout ici ressortit à l'excellence d'une formation de très haute tenue. Elle est saisie dans l'acoustique idéalement aérée de la salle de concert De Doelen à Rotterdam : image naturelle dans la restitution aussi bien des passages fff que des ténus pianissimos, ce sans excès dans le registre grave, parfait étagement des plans.
Texte de Jean-Pierre Robert  

Plus d’infos

  • Anton Bruckner : Symphonie N°5 en Si bémol majeur 
  • Rotterdam Philharmonic Orchestra, dir. Lahav Shani
  • 1 CD Warner Classics : 5054197792014 (Distribution : Warner Classics) 
  • Durée du CD : 71 min 31 s
  • Note technique : etoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orangeetoile orange (5/5) 

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