CD : un portrait de l'Amour au XVIIème siècle

On doit à Héloïse Gaillard cette proposition originale : « dresser des portraits en musique qui mettent en scène le monde, les choses et les êtres ». Et ainsi bien sûr de la femme et de l'amour au Grand siècle. Autour du 9ème Concert des ''Goûts-réünis'' de François Couperin sont rassemblées des pièces de clavecin du compositeur et des œuvres de quelques-uns de ses contemporains.

Ces portraits de dames sont peints en musique à travers le prisme des atouts féminins. Parmi les divers ''Concerts'' du recueil Les Goûts-réünis (1724) de François Couperin, le neuvième porte le titre ''Ritratto dell' amore'' (portrait de l'amour). Outre le fait qu'il entend unir les modèles français et italien, « peut-être aussi a-t-il eu envie d'associer immédiatement dans l'esprit des auditeurs l'inspiration italienne à l'évocation de l'amour », s'interroge Héloïse Gaillard. En tout cas les titres des pièces, pour flûte ou hautbois et clavecin, renvoient à des facettes du caractère féminin, autant d'atouts de ces dames dans la carte du Tendre. Comme ''Le Charme'', à jouer « gracieusement et gravement », ''La Douceur'', « amoureusement », ou ''L'Enjoüement'', « gayement ». D'autres pièces se veulent tout aussi illustratives : ''La noble Fierté'' est attendrissante et ''Le Je-ne-sçay-quoi'', un mélange de mélancolie et d'abandon. Ces divers morceaux, au cœur de la seconde partie du présent programme, sont entremêlés de pièces pour clavecin seul de Couperin, décrivant d'autres traits de caractère : ''La Mistérieuse'', ''La Voluptueuse'', ''L'Enchanteresse'', ''La Favorite'' ou encore ''La Lutine''. S'y ajoutent des pièces de Jacques Duphly et de Michel de La Barre.

Mais il est une autre facette de ces jeux de dames, ici mise en miroir : celle du divertissement. Pour illustrer les jeux et les plaisirs, on a fait appel encore à Couperin et à d'autres pièces pour clavecin aux noms évocateurs, ''Les Amusemens'' ou ''Les Tours de passe-passe''. Mais aussi à l'un des musiciens en vue à l'époque, Robert de Visée, qui fut professeur de Louis XIV, avec son alerte Chaconne en Sol majeur pour hautbois et continuo, ou le moins connu Gautier de Marseille (1642-1896) dont on entend ''Les Plaisirs'' et ''Les Heures heureuses''. Quant à la Sonate en Ré mineur (1712) du prolixe compositeur Anne Danican Philidor (1682-1728), pour flûte, violons, hautbois et basse continue, elle est « le fruit d'une belle alchimie entre les aspirations italiennes et françaises » (ibid.). Constituée de pièces de caractère, comme celle intitulée ''Gracieusement'', elle sublime une élégance toute féminine.

De toutes ces musiques choisies, Héloïse Gaillard distille le suc tant à la flûte à bec qu'au hautbois baroque, avec l'aisance et la rectitude de style qu'on lui connaît. Ses deux complices de l'ensemble Amarillis, Eleanor Lewis, viole de gambe et Jeanne Jourquin au clavecin, la complètent parfaitement. À noter que cette dernière joue un instrument du facteur Jacques Braux, inspiré de la facture des clavecins d'origine flamande ''ravalés'', c'est-à-dire agrandis, au XVIIIème siècle, d'une sonorité claire et douce. Ce qui est agréablement restitué par un enregistrement intimiste et d'un grand relief.
Texte de Jean-Pierre Robert 

Plus d’infos

• ''Jeux de dames''
• François Couperin : 9ème Concert des Goûts-réünis ''Ritratto dell'amore'' (extraits). Pièces de clavecin extraites des Ier, 2ème, 3ème, 7ème, 22ème et 25ème ordre
• Anne Danican Philidor : Sonate en Ré mineur (Premier livre de pièces pour la flûte traversière, flûte à bec)
• Gautier de Marseille : pièces de clavecin et pour hautbois et continuo
• Robert de Visée : Chaconne en Sol majeur pour hautbois et continuo
• Jacques Duphly : Les Grâces pour clavecin
• Michel de La Barre : Chaconne (tirée de la Suite N°9) pour flûte et continuo
• Amarillis : Héloïse Gaillard (flûtes recorder et hautbois baroque), Jeanne Jourquin (clavecin), Eleanor Lewis (viole de gambe)
• 1 CD Evidence classics : EVCD116 (Distribution : [INTEGRAL])
• Durée du CD : 65 min
• Note technique :  (5/5)  

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