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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Pelléas et Mélisande de Schoenberg

Nul doute pour commémorer les 150 ans de la naissance de Schoenberg, cette nouvelle version de son Pelleas und Melisande vient étoffer une discographie peu abondante. En complément, la Suite que Fauré a conçue à partir de la même source littéraire.

Parmi les illustrations sonores de la pièce de Maurice Maeterlinck, outre Debussy et son drame lyrique (1902), la musique de scène conçue par Sibelius (1905), Fauré et la suite éponyme (1912), Schoenberg opte pour un poème symphonique de grande ampleur. Plutôt que pour un opéra, comme le lui suggérait Richard Strauss. Écrite entre juillet 1902 et avril 1903, alors qu'il semble ne pas avoir connaissance de l'opéra de son confrère français, créé en avril 1902, elle prend la forme d'une œuvre complexe eu égard à son orchestre pléthorique (17 bois, 18 cuivres, 64 cordes, 2 harpes et percussions). Et d'une grande liberté de forme, qu'organisent seulement, au fils de onze séquences, de fréquents changements de tempos correspondant à la progression dramaturgique. Selon l’analyse d'Alban Berg, on peut y discerner les quatre mouvements d'une symphonie, jouée d'un seul tenant : Introduction (présentation des personnages, leur rencontre et l'éveil de Mélisande à l'amour), Scherzo (scènes de la Fontaine, de la Tour, des Souterrains), Adagio (scènes de la fontaine, puis d'amour et d'adieu, mort de Pelléas), Épilogue (mort de Mélisande). En tout cas, le compositeur se réfère à la forme intégrée du poème symphonique, comme le concevait Liszt et que poursuivra Richard Strauss. La musique, tonale, appartient chez Schoenberg à sa première période postromantique finissante, apte à épouser l'esthétique symboliste de la pièce de Maeterlinck. Même si on note une évolution vers l’atonalité, par rapport à une œuvre comme La Nuit transfigurée. Au fil de brèves cellules mélodiques, chacun des trois personnages est caractérisé par un instrument, la trompette pour Pelléas, le cor s'agissant de Golaud et le cor anglais pour Mélisande. Enfin on y décèle l'usage du Leitmotiv hérité de Wagner, en l’occurrence un thème du destin, menaçant, ou le thème de Mélisande, qui connaît des transformations, par exemple dans un concertino de bois ou dans un solo de cor anglais.  

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Dans cette unique coulée, le climat reste résolument sombre, autant de manières de traiter le non-dit du poème. Ce que l'interprétation de Paavo Järvi ne cherche pas à édulcorer. Si elle se refuse, justement, au piège d'un expressionnisme exacerbé, elle n'élude pas l'approche tragique postromantique de cette grande fresque orchestrale ; à travers la complexité de l'écriture polyphonique de Schoenberg, mettant en avant les dissonances fréquemment installées en divers points culminants au sein d'un tissu orchestral dont se détachent les cellules mélodiques en constante transformation. Comme elle renforce les différences d'intensité et souligne les contrastes harmoniques imposés par la dramaturgie. La prestation de l'Orchestre de la Radio de Francfort est superlative tous pupitres confondus, dont les traits concertants de violon, alto ou cor anglais, rendant pleine justice à l'extrême foisonnement instrumental.

La Suite Pelléas et Mélisande op.80 de Fauré connaît lecture opulente. L’exécution par une formation qu'on sent très étoffée, à la différence de la récente version de Renaud Capuçon et de l'Orchestre de chambre de Lausanne, plonge dans une atmosphère résolument ombreuse, voire crépusculaire, qu'accentue encore la lenteur des tempos. Placée ici après le poème symphonique de Schoenberg, cette exécution ne rend pas suffisamment compte de la différence stylistique existant entre les deux œuvres. 

Les prises de son, des années 2012 et 2014, par la Radio de Francfort, dans de vastes acoustiques, privilégient une pâte sonore qui peut à l'occasion manquer de relief.
Texte de Jean-Pierre Robert 

Plus d’infos

  • Arnold Schoenberg : Pelleas und Melisande, op.5
  • Gabriel Fauré : Pelléas et Mélisande, suite op.80
  • Orchestre Symphonique de la Radio de Francfort, dir. Paavo Järvi
  • 1 CD Alpha : Alpha 1058 (Distribution : Outhere Music France)
  • Durée du CD : 58 min 55 s
  • Note technique : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile grise (4/5)

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