CD : musique de chambre française pour hautbois

Cet album original célèbre le hautbois à travers cinq œuvres phares de musique de chambre française du XXème siècle. Au plaisir de la (re)découverte s'ajoute la saveur d'interprétations très ouvragées.
Deuxième volet d'un partenariat entre le label Klarthe et SWR Kultur de Stuttgart, initié par le hautboïste Philippe Tondre, et après un disque Schumann ''Contrasts'', cet album met en exergue le hautbois dans la musique de chambre française, témoin de l'importance de ce répertoire au siècle dernier. Saint-Saëns, Sancan, Poulenc, Dutilleux et Jolivet se sont régalés des couleurs particulières que distille cet instrument comme de ses effluves pastorales ou mélancoliques. En 1921, Saint-Saëns compose sa Sonate pour hautbois et piano op.166. D'esprit néoclassique, où tout semble réduit à l'essentiel, elle s'articule autour d'un mouvement Ad libitum paré d'une mélodie lancinante laissant place à une plage plus allègre. Il est entouré d'un Andantino chantant comme un Lied et d'un finale joliment pétillant. Quelque vingt ans après, Henri Dutilleux écrira, en 1947, sa Sonate pour hautbois et piano, pièce d'examen au Conservatoire de Paris, qu'il désavouera ensuite comme non essentielle. Injustement peut-être, car, d'une étonnante concision, elle n'en possède pas moins un charme peu résistible : depuis ''Aria. Grave'' et sa mélopée austère, troublante dans sa progression jusque dans l'extrême aigu du hautbois à ''Final. Assez allant'', d'une lumineuse élégance dans son thème aisé, en passant par ''Scherzo. Vif'', sorte de danse macabre hachée mais tout aussi séduisante.
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Encore plus brève, la Sonatine pour hautbois et piano de Pierre Sancan (1957) résume en huit minutes d'horloge, dans une esthétique encore tonale qui cherche pourtant à s'en échapper, tout ce que la musique française peut avoir de malicieux (''Modéré''), de contrastes saisissants dans un mélodisme osé (''Andante'') ou d'humoristique et d'anticonformisme (''Presto''). À noter la partie de piano très élaborée de la part de ce professeur fameux qui forma bien des pianistes français. Francis Poulenc compose sa Sonate pour hautbois et piano en 1962. Elle sera sa dernière œuvre, dédiée ''à la mémoire de Serge Prokofiev''. Caractéristiques, sa structure lent-vif-lent et sa liberté de forme, notamment quant à l'absence de développement au fil de ses trois mouvements. ''Elégie'' mêlant douceur et force, est mélancolique, comme détachée dans la déclamation percutante du piano et éplorée au hautbois. ''Scherzo'' est espiègle dans sa dynamique soutenue mais aussi traversé de gravité au médian. Enfin ''Déploration'', débuté par le seul piano, rappelle le dépouillement des œuvres sacrées du musicien, alors que le hautbois est « onctueusement mélancolique », souligne Philippe Tondre.
L'album s'achève par la curieuse Sérénade pour quintette à vent avec hautbois solo qu'André Jolivet présenta en 1945 comme morceau de concours au Conservatoire. D'abord conçue pour le duo hautbois-piano, la pièce sera transposée par l'auteur pour un ensemble original associant hautbois, flûte, clarinette, cor et basson. Le rôle principal étant dévolu à la partie de hautbois. Quatre mouvements font se succéder : ''Cantilène'' usant de la gamme de 12 sons pour une mélodie languissante ; puis ''Caprice. Scherzando'' où l'on perçoit l'influence de musiques rituelles primitives avec des associations instrumentales originales, voire cocasses. ''Intermède. Moderato'' offre une structure en arche nantie de « phases de transes tourbillonnantes ». La ''Marche Funèbre'' finale déploie un joyeux et onirique babillage où hautbois et flûte jouent une course poursuite dans un rythme scandé tenant l'auditeur en haleine.
Comme souligné à propos de son précédent CD, Philippe Tondre fait montre d'une haute maîtrise de l'instrument. Il indique avoir privilégié le travail sur le timbre et la couleur. Et cela se ressent dans l'approche au plus près du style de chacune des pièces. Le piano délicat et à l'écoute de Danae Dörken est plus qu'un faire-valoir. Et l'on admire les contributions dans le Jolivet de Clément Dufour (flûte), Julien Chabod (clarinette), Guillaume Bidar (basson) et Pierre Rémondière (cor). Comme l'excellence des prises de son de la SWR.
Texte de Jean-Pierre Robert
Plus d’infos
- ''French fragrances''
- Camille Saint-Saëns : Sonate pour hautbois et piano, op.166
- Pierre Sancan : Sonatine pour hautbois et piano
- Francis Poulenc : Sonate pour hautbois et piano
- Henri Dutilleux : Sonate pour hautbois et piano
- André Jolivet : Sérénade pour quintette à vent avec hautbois solo
- Philippe Tondre (hautbois), Danae Dörken (piano)
- Avec Clément Dufour (flûte), Julien Chabod (clarinette), Guillaume Bidar (basson), Pierre Rémondière (cor)
- 1 CD Klarthe : KLA 158 (Distribution : [Integral])
- Durée du CD : 63 min 10 s
- Note technique :
(5/5)
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