CD : William Christie et ses amis
À l'occasion des célébrations de ses 80 printemps, William Christie invite au disque une poignée de « jeunes pousses » de l'actuelle génération baroque à explorer quelques manuscrits d'auteurs célèbres et moins connus. L'enregistrement à la Philharmonie de Paris est aussi l'occasion de mettre en lumière des instruments des collections du Musée de la musique. Le révéré Maître, à qui l'on doit en France la formidable renaissance du Baroque, l'enrichit encore d'un éblouissant programme jubilatoire.
Dans l'interview, retranscrit dans la plaquette de l'album, Bill Christie évoque l'idée de compagnonnage liant les générations, tout autant que le « sang neuf » que les jeunes interprètes apportent au répertoire quant à la recherche de nouveaux répertoires et à la manière de les interpréter. Le programme a pour dessein de mettre en valeur des instrumentistes de talent, la violiste Myriam Rignol, le luthiste Thomas Dunford, le claveciniste Justin Taylor et les violonistes Théotime Langlois de Swarte et Emmanuel Resche-Caserta. Tous jouant de merveilleux instruments anciens, singulièrement une basse de viole anonyme française de la fin du XVIIème siècle, un clavecin de Goujon de la Ière moitié du XVIIIème et un autre de Ruckers (Anvers, 1646), conservés au Musée de la musique à Paris. Le chant est également présent avec les voix de Gwendoline Blondeel et de Juliette Mey, cette dernière issue du Jardin des voix/2023. Par-dessus tout, Christie entend mettre en avant ce dessein qui, paraphrasant Couperin dans ''L'art de toucher le clavecin'', prône que « la musique française aime ce qui touche », par opposition à ce qui surprend.
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Le récital traverse un bon siècle de musique, entre 1622 et 1725. Il associe aussi bien François Couperin qu’Élisabeth Jacquet de La Guerre, Rameau que Senaillé, Purcell que Haendel, et les peu connus Sieur Demachy ou Nicolas Hotman, sans oublier les anonymes. Dans des pièces conséquentes comme des morceaux brefs. Avec comme fil conducteur des morceaux de viole de gambe distillés avec infiniment de poésie par Myriam Rignol, et empruntés à Demachy, Sainte-Colombe ou Hotman. Christie fait équipe avec l'un (Taylor, Langlois de Swarte) ou les autres, selon les étapes d'un parcours habilement conçu. Ainsi avec son complice claveciniste Taylor, joue-t-il ''Musette de Choisy-Musette de Taverny'', pages étourdissantes de plus en plus rapides. Mais aussi une pièce de Purcell, un ''Ground'' en Do mineur richement ornementé. Le duo avec le violon de Langlois de Swarte s'épanouit par exemple dans le morceau ''Les tendres plaintes'' de Rameau.
Quant aux œuvres plus consistantes, on citera la Sonate pour violon et basse continue de Jean-Baptiste Senaillé (1687-1730), un auteur que Christie avait déjà tiré de l'oubli dans un précédent CD avec Langlois de Swarte, ''Générations'' : en quatre mouvements et seulement huit minutes, se succèdent un Adagio résolu, un vif Allegro, une Allemande mystérieuse et une Gigue entraînante. D’Élisabeth Jacquet de La Guerre, compositrice désormais sortie de son purgatoire, on entend une Sonate pour violon et basse continue en Ré mineur (1707), riche de six mouvements qui, après un Prélude expressif, alternent vif et lent, dont une Aria confiant au violon une mélodie emplie de tendresse et d'une note d'abandon. Assurant la basse continue avec Rignol et Dunford, Christie confie la partie soliste à Langlois de Swarte dans le premier cas, et à Resche-Caserta dans le second.
Enfin, côté chant, on découvre quelques morceaux amusants ou attendrissants. Ils sont dévolus à la soprano Gwendoline Blondeel ('' Sans frayeur dans ce bois'' de Charpentier), et à la mezzo-soprano Juliette Mey pour ''J'avais cru qu'en vous aimant'' (an.). Les deux sont réunies pour égrener des 'Brunettes' : ''Non non, je n'irai plus au bois seulette'' (an.) et ''Sur cette charmante rive'' (an.).
Tous sont captés avec soin à la Cité de la musique, achevant de faire de ce programme une réussite non seulement à la gloire de Bill Christie, mais aussi du Baroque, plus vivant que jamais.
Texte de Jean-Pierre Robert
Plus d’infos
- ''Bill & friends''
- Jean-Baptiste Senaillé : Sonate pour violon et basse continue en Ré mineur
- Élisabeth Jacquet de La Guerre : Sonate pour violon et basse continue en Ré mineur
- Marin Marais : Suite N°1 en La mineur (extraits), tirée des Pièces de viole, Livre 5
- Pièces instrumentales de Jean Lacquemant, dit Dubuisson (Sarabande et Variation en La majeur. Prélude en Sol majeur. Prélude en Ré mineur), Sieur Demachy (Prélude en La majeur. Gavotte en rondeau en Sol majeur), François Couperin (Musette de Choisy-Musette de Taverny), Jean-Baptiste Senaillé (Sonate pour violon et basse continue), Henry Purcell (Ground en Do mineur. Trumpet Tune, called The Cibell en Do majeur), Georg Frideric Handel (Suite pour deux clavecins en Do mineur), Nicolas Hotman (Allemande en Ré mineur), Jean-Philippe Rameau (''Les tendres plaintes''), Sieur de Sainte-Colombe (Prélude en Ré mineur) et d'anonymes
- Œuvres vocales de Marc-Antoine Charpentier et d'anonymes
- Gwendoline Blondeel (soprano), Juliette Mey (mezzo-soprano)
- Myriam Rignol (basse de viole), Thomas Dunford (archiluth), Théotime Langlois de Swarte, Emmanuel Resche-Caserta (violon), Justin Taylor, William Christie (clavecin)
- 1 CD Harmonia Mundi, collection Stradivari : HAF 8905379 (Distribution :[PIAS])
- Durée du CD : 75 min 17 s
- Note technique : (5/5)
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