CD : volume 16 de l'intégrale symphonique Haydn 2032___

Ce nouvel album marque le mid term de l’Édition Haydn 2032. Il investigue pour la première fois au sein du cycle terminal des ''Londoniennes''. Eu égard à l'effectif plus conséquent requis, Giovanni Antonini réunit les deux formations avec lesquelles il bâtit cette intégrale au long cours, Il Giardino Armonico et Kammerorchester Basel. Ce volume 16 le voit à son meilleur, démontrant s'il en était encore besoin, une rare empathie pour cette musique enthousiasmante.
Le titre général de la présente proposition, ''La surprise'', ne fait pas seulement référence au sous-titre d'une des 12 symphonies Londoniennes. Il est aussi un amusant clin d’œil à une coïncidence historique : la quasi-simultanéité, en février 1792, de la création d'une autre œuvre de cette série, la symphonie N°98, avec la naissance de Rossini ; prétexte à l'ajout en fin de programme d'une Ouverture d'opéra du Cygne de Pesaro. Ladite Symphonie N°98 en Si bémol majeur, une des plus vastes de cet ultime cycle, est partagée entre deux pôles, sombre puis allègre. Un ton sévère préside au mouvement initial dès l'Adagio d'entame, auquel fait suite un Allegro austère connaissant au développement un contrepoint serré. L'Adagio, dont le premier thème est proche du ''God save the King'', est tout aussi dramatique, traversé d'accents désespérés. Que le chef ne cherche pas à adoucir. Le Menuet est abordé très articulé et le trio, proche d'un Ländler, progresse dans un aimable ton populaire. Le vaste Presto final mêle thème de contredanse, manière presque opératique dans ses fréquents changements de rythmes et solos inattendus de violon et de clavecin. Antonini insuffle à cette séquence une vraie allégresse teintée d'humour.
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Autre ''Londonienne'', la Symphonie N°94 en Sol majeur dite ''La surprise'' (1791) tient ce surnom du fameux coup de timbale lancé à la 16ème mesure du second mouvement. Haydn aurait dit - peut-être avec malice - avoir « voulu surprendre le public par quelque chose de nouveau ». Antonini joue cette sorte de plaisanterie musicale avec humour, qui s'étend à toute la séquence dans le travail sur le thème et ses diverses variations. Il insuffle l'entrain au motif introductif qui voit sa ritournelle bien troussée, notamment quant à la broderie de la petite harmonie. Le Menuet, pris à une allure fort soutenue, se voit traité telle une bourrée paysanne. À l'Allegro risoluto final, le chef n'hésite pas à presser le tempo, ce qui en enrichit la pulsation interne. Une nuance de dramatisation occupe la coda ; autre surprise peut-être d'une œuvre qui mêle avec un malin plaisir le populaire et le savant.
La Symphonie N°90 en Ut majeur, créée à Paris en 1788 par l'Orchestre de la Loge Olympique, bénéficie d'une exécution toute aussi captivante. Le premier mouvement, passée une introduction grandiose, bascule dans un Allegro débridé, bondissant généreusement et ménageant un équilibre idéal entre solos de flûte puis de hautbois dans un tissu sonore on ne peut plus séduisant. L'Andante voit le thème traité dans une approche théâtrale, creusant les écarts dynamiques, du fff au ppp. Les variations mettent en valeur flûtes, cellos et cors. Le Menuet est gaillard dans ses appuis de cuivres, entrecoupé d'un trio dominé par le hautbois solo. Antonini pare le finale fiévreux d'une souple énergie et l'anime joyeusement dans ses divers rebondissements. Dont la vraie fausse terminaison de la symphonie qui, après un point d'orgue et un bref silence, renaît, donnant l'impression d'un perpetuum mobile. Encore un trait d'esprit de Herr Haydn.
Cerise sur le gâteau, la Sinfonia ouvrant la Farsa comica La scala di seta (L’Échelle de soie, 1812) de Rossini est pur régal : outre l'incroyable voisinage avec le finale de la 90ème de Haydn, la survenance de la cocasse mélodie de la petite harmonie mêlée au cor débouche sur une ritournelle d'une légèreté inouïe, lancée en trombe. La vraie italianità, l'humour à fleur de peau du crescendo follement tourbillonnant et ses digressions inattendues laissent sans voix. Chapeau !
Les enregistrements à Bâle offrent une texture claire et aérée, un naturel étagement des plans bois-cordes, ainsi qu'un large spectre sonore laissant à l'extrême dynamique privilégiée par le chef tout son impact.
Texte de Jean-Pierre Robert
Plus d’infos
- ''The surprise''
- Joseph Haydn : Symphonies N°98 en Si bémol majeur, Hob. I:98 ; N°94 en Sol majeur, Hob. I:94 ; N°90 en Ut majeur Hob. I:90
- Gioachino Rossini : Sinfonia extr. de La scala di seta
- Il Giardino Armonico & Kammerorchester Basel, dir. Giovanni Antonini
- 1 CD Alpha classics : Alpha 698 (Distribution : Outhere Music France)
- Durée du CD : 84 min 47 s
- Note technique :
(5/5)
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