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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Riccardo Muti dirige son 7ème Concert du Nouvel An

Valses, polkas, marches, ouverture, l'édition 2025 du Concert du Nouvel An des Wiener Philharmoniker célèbre bien sûr la dynastie des Strauss, commémorant le 200ème anniversaire de la naissance de Johann Strauss fils. Mais fait place à une œuvre d'une compositrice viennoise, Constanze Geiger, une première. Et surtout, pour la septième fois, Riccardo Muti dirige ce prestigieux et incontournable événement. Avec une rare magnificence. 

Le Neujarskonzert de Vienne est une institution. Immuable dit-on. Voire, car le chef change à chaque édition, choisi par les musiciens. On compte cependant des habitués. Ainsi de Riccardo Muti qui, comme en 1993, 1997, 2000, 2004, 2018 et 2021, est de nouveau à la manœuvre. C'est dire combien les Viennois le chérissent. Cette musique viennoise dite légère n'est sans doute pas aussi insouciante qu'on le croit. Si le sourire est là, au tournant d'une phrase de clarinette ou d'un moulinet de violon, une certaine mélancolie peut aussi se glisser au fil de ces valses, polkas, marches et autre ouverture. Comme de coutume, les nouveautés côtoient les pièces connues. Le chef italien a choisi de débuter son programme par une marche, en pré écho à celle de Radetzky qui le conclura. Ce qui ne doit rien au hasard car Johann Strauss père compose sa ''Freiheits-Marsch''/Marche de la liberté, en 1848. Et Muti, dont on connaît l'esprit de résistance, se plaît à pareillement l'afficher. Comme, plus tard, il en sera de la ''Radetzky-Marsch'' de Strauss fils, cette sorte d'hymne national autrichien bis. Entre temps, ''Fidele Brüder''/Joyeux frères, de 1904, marche tirée d'une opérette de Joseph Hellmesberger fils, violoniste puis chef des Wiener Philharmoniker, membre d'une autre célèbre dynastie viennoise, aura narré une équipée galante menée fièrement.

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Riccardo Muti, le 1er janvier 2025 ©Heinz Peter Bader

Les valses se taillent, bien sûr, leur part de splendeur, pour beaucoup de Johann Strauss II. ''Lagunen-Walzer'' op.411 (1883) distille d'ondulantes modulations débouchant sur une ravissante mélodie des violons : les Viennois à leur meilleur ! ''Accelerationen'' op.234 figure une sorte de perpetuum mobile s'enroulant volontiers sur des tempos différents, des mélodies inventives, des climats variés où la joie côtoie la nostalgie. Morceau de choix, modèle de la valse viennoise à épisodes, ''Wein, Weib, Gesang'', dont la traduction française, ''Aimer, boire et chanter'', inverse galamment les mots (1869), voit une introduction grandiose, presque sévère, ne préluder que peu à une démarche fort allante, s'illuminant au fil de ses phases successives et finissant brièvement. Ne sera-t-elle pas admirée par Wagner qui l'entendra jouer à Bayreuth en 1875 pour son 62ème anniversaire. Le tant attendu ''An der schönen blauen Donau'', l'emblème de la Wiener Musik, de cet orchestre mirifique aussi, offre une plastique miraculeuse dans la présente exécution : cors pacifiés, cordes frémissantes, savantes accélérations et décélérations, mélange de vision chambriste et d'éclat d'orchestre. La grande nouveauté de cette 85ème édition du Neujahrskonzert, on la doit à la compositrice viennoise Constanze Geiger (1836-1890). De leurs tempos agréablement rythmés, truffées de jolis solos de basson, les ''Ferdinandus-Walzer'', écrites à seulement 12 ans, en 1848, se glissent aisément parmi celles de ses pairs.

Les polkas et leur subtile typologie, dite ''française '' ou ''schnell''/rapide ne sont pas en reste. Au titre des premières, la ''Demolirer-Polka'' op.269 que Johann Strauss II écrit en 1862 à propos du vaste chantier d'aménagement de Vienne, donc de force démolitions, assène sérieux coups de boutoir avec suprême élégance. Les polkas rapides rythment joliment le concert. Ainsi de ''Entveder – oder !'' du même musicien (1882), qui associe son titre ambigu (Ou bien – ou bien !) à un humour contagieux dans un refrain entraînant et des reprises amorcées et si vite abandonnées. Une sorte de joke typiquement viennoise. ''Luftig & duftig'' d'Eduard Strauss, bijou de finesse, est ici on ne peut plus légère et vaporeuse. Tout en contraste, la fameuse ''Trisch-Trasch'', dite des ragots, est l'occasion pour Strauss junior de tourner en dérision les commérages à son sujet, et pour le chef Muti, dans une mécanique bien huilée, hyper rapide, de célébrer les vertus de la répétition. 

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Les Viennois dans la Salle dorée du Musikverein ©Heinz Peter Bader

Pas de Concert du Ier Janvier sans son Ouverture. Celle de l'opérette Der Zigeunerbaron/Le Baron tzigane, que Johann Strauss II commet en 1885, est un parfait exemple du modèle pot-pourri, énonçant les divers thèmes de l’œuvre. Elle associe valses et en l'occurrence relent de czardas, en une habile composition enchaînant les idées comme des perles. Telle cette séquence centrale d'un dramatisme très théâtral, avant un final accelerando aussi ambitieux qu'irrésistible. On admire tel solo de clarinette, un concertino des bois, en fait tout un orchestre brillant de mille feux. 

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Avec eux, Riccardo Muti n'est-il pas chez lui ! On l'a rarement senti - et constaté lors de la retransmission TV - aussi décontracté, enjoué même. Ample et souple, sa battue associe tout à la fois une élégance toute italienne, qui peut faire son miel de tempos confortables, parfois lents mais sans une once de lourdeur, et un charme typiquement viennois combien séduisant, ensorcelant même. Ainsi de la retenue sur le premier temps de la valse, pour la rythmer peu à peu et donner le sentiment que chaque répétition du thème offre quelque chose de nouveau. De l'art d'instiller le zest conférant à la polka rapide son irrésistible élan jusqu'à une péroraison en batterie portée à l'incandescence. L'osmose est évidente avec les musiciens qui subliment le jeu de leur irrésistible manière. Raffinement, cohésion, panache, tout est là, bien compté, quels que soient les pupitres : cordes veloutées, petite harmonie flamboyante, cuivres généreux, percussions endiablées. 

La captation live dans la Salle dorée du Musikverein de Wien, d'un parfait naturel dans l'équilibre des masses sonores et ménageant une large dynamique, achève de faire de cette édition une réussite à marquer d'une pierre blanche.
Texte de Jean-Pierre Robert

Plus d’infos

  • ''Neujahrskonzert 2025''
  • Johann Strauss I : Freiheits-Marsch op.276. Radetzky-Marsch op.228
  • Johann Strauss II : Demolirer-Polka op.269. Lagunen-Walzer op.411. Ouverture de l'opérette ''Le baron tzigane''. Accelerationen, Walzer op.234. Entweder – oder !, Polka op.403. Annen-Polka op.117. Trisch-Trasch Polka op.214. Wein, Weib und Gesang, Walzer op.333. Die Bajadere, Polka schnell op.351. An der schönen blauen Donau, Walzer op.314
  • Josef Strauss : Dorfschwalben aus Österreich, Waltzer op.164. Transactionen, Waltzer op.184
  • Eduard Strauss : Lustig und duftig, Polka schnell op.206
  • Joseph Hellmesberger II : Fidele Brüder, Marche ext. de l'opérette ''La fille aux violettes'' 
  • Constanze Geiger : Ferdinandus-Walzer
  • Wiener Philharmoniker, dir. Riccardo Muti
  • 2 CDs Sony : 19802875582 (Distribution : Sony Music Entertainment)
  • Durée des CDs : 55 min + 47 min
  • Note technique : etoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rougeetoile rouge (5/5)

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Wiener Philharmoniker, coup de cœur, Riccardo Muti, Johann Strauss, Josef Strauss, Eduard Strauss, Joseph Hellmesberger, Constanze Geiger

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