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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Iphigénie en Tauride de Desmarest & Campra

Bien avant Gluck, le sujet d'Iphigénie en Tauride avait inspiré une œuvre composée à quatre mains par Henry Desmarest et André Campra. Hervé Niquet en livre une exécution qui fait revivre les glorieuses heures de la tragédie en musique.

Après Ariane et Bacchus de Marin Marais et Médée de Marc-Antoine Charpentier, Hervé Niquet présente Iphigénie en Tauride, troisième volet de ce qu'il appelle sa « tétralogie baroque ». Non pas celle bien connue de Gluck (1779), mais la tragédie éponyme créée des années plus tôt, en 1704. L'œuvre a connu une genèse chaotique : débutée en 1695 par Henry Desmarest, puis abandonnée suite aux avatars personnels du compositeur, banni de la cour pour une affaire de cœur, elle ne sera achevée que dix ans plus tard et par André Campra. Elle constitue un parfait exemple de la tragédie lyrique de l'époque post lullienne, à partir d'un canevas répondant aux ressorts d'une vraie tragédie. Le livret, conçu par Joseph-François Duché de Vancy, retouché par Antoine Danchet, offre un continuum dramatique serré découpé en courtes scènes et évoluant à travers une succession de récitatifs accompagnés, entrecoupés d'airs brefs, aboutissant parfois à un duo ; par exemple entre Électre et Thoas ou réunissant Oreste et Pylade. C'est que la trame est réduite à l'essentiel : la grecque Iphigénie envoyée par Diane en Tauride, patrie des scythes et du roi Thoas, doit en sa qualité de prêtresse exterminer tout étranger qui s'y présente. Des grecs, Électre, Oreste et son fidèle ami Pylade, arrivés sur ces rives, sont ainsi faits prisonniers. Plutôt que d'ordonner leur sacrifice, Iphigénie organise leur fuite et reconnaît en Oreste son frère. Ils sont sauvés sur l'intervention de Diane.

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Si elle s'inscrit dans la lignée de Lully, la musique montre un style nouveau qui n'a pas souffert du changement de mains au cours du processus de création. Ayant subi quelques ajustements, elle ne semble nullement disparate, tant Campra s'est placé dans la continuité de son collègue. Il a complété le travail de Desmarest, en embellissant les divertissements, notamment quant aux interventions du chœur. L'équilibre est magistralement ménagé entre récitatifs animés, traduisant la vivacité des confrontations, interventions chorales et passages instrumentaux. Ces derniers, truffés de marches et de danses dans la grande tradition française, sont étroitement intégrés à l'action.

Pour tirer cette pièce de l'oubli et lui apporter le vrai style de la tragédie lyrique française, Hervé Niquet ne ménage pas sa peine. Poursuivant le travail sur la pratique d'interprétation initiée avec le CMBV, il privilégie un effectif substantiel, dont un continuo fourni, dont il tire un festival de sonorités généreuses. En particulier dans les passages fort rythmés lors des marches et des intermèdes dansés, parés à l'occasion de percussions bien résonnantes. Les contrastes sont soulignés rehaussant l'impact dramatique. On apprécie le soin apporté à l'instrumentation que son orchestre du Concert Spirituel applique avec raffinement (cordes) et couleurs (flûtes, hautbois). Pareille recherche d'authenticité, on la ressent dans la partie vocale quant à la qualité des accents et de l'ornementation. Ce que porte une distribution très étudiée. Dans le registre des voix masculines graves, David Witczak (Thoas) et Thomas Dolié (Oreste) rivalisent de noblesse dans la déclamation. Tandis que Reinoud Van Mechelen est presque un luxus casting dans le rôle peu développé de Pylade, Olivia Doray campe une intense Électre, comme Floriane Hasler une Diane de haute allure de son timbre plus grave. Véronique Gens apporte tout son talent de tragédienne au personnage-titre et un art de la déclamation que peu peuvent lui disputer. L'air ''C'est trop vous faire violence'' (IV/1) en est la preuve éclatante. La contribution du Chœur du Concert Spirituel, lui aussi nombreux, est tout aussi prestigieuse.

La prise de son à l'auditorium du Conservatoire Lully de Puteaux place l'orchestre au premier plan, devant les chanteurs. Ce qui pourvoit un fondu intéressant de ces derniers dans le spectre sonore, mais peut, à l'occasion, défavoriser tel ou tel soliste quant à la bonne compréhension du texte.
Texte de Jean-Pierre Robert

Plus d’infos

  • Henry Desmarest – André Campra : Iphigénie en Tauride. Tragédie en un prologue et cinq actes. Livret de Joseph-François Duché de Vancy et d'Antoine Danchet. Édition du CMBV due à Jean Duron et Thomas Leconte
  • Véronique Gens (Iphigénie), Thomas Dolié (Oreste), Reinoud Van Mechelen (Pylade), David Witczak (Thoas), Olivia Doray (Électre), Floriane Hasler (Diane), Tomislav Lavoie (L'Ordonnateur/L'Océan), Antonin Rondepierre (Un habitant de Délos/Triton), Jehanne Amzal (Isménide/Première habitante de Délos/Première nymphe/Première prêtresse), Marine Lafdal-Franc (Seconde habitante de Délos/ Seconde nymphe/Seconde prêtresse)
  • Le Concert Spirituel, Chœur et Orchestre, dir. Hervé Niquet
  • 2 CDs Alpha classics : Alpha 1106 (Distribution : Outhere Music France) en partenariat avec le CMBV
  • Durée des CDs : 136 min
  • Note technique : etoile verteetoile verteetoile verteetoile verteetoile verte (5/5)

CD disponible sur Amazon

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Véronique Gens, Hervé Niquet, Olivia Doray, Thomas Dolié, Reinoud van Mechelen, David Witczak, Antonin Rondepierre, Marine Lafdal-Franc, Jehanne Amzal, Tomislav Lavoie, Le Concert Spirituel, André Campra, Floriane Hasler, Henry Desmarest

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