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  • Jean-Pierre Robert
  • Musique

CD : Arsilda, opéra de Vivaldi

Ce nouveau volume de l’Édition Vivaldi présente Arsilda, quatrième opéra du musicien. Une intrigue quelque peu chaotique ne prive nullement de prestige une œuvre dont la musique révèle un florilège d'arias d'une grande finesse. Surtout entre les mains d'Andrea Marcon, de son orchestre La Cetra et d'un panel de jeunes solistes talentueux. 

C'est en 1716 au Théâtre Sant'Angelo de Venise, qu'est créé Arsilda, drame en musique de Vivaldi. La gestation en fut mouvementée en raison de divergences entre le musicien et le librettiste comme de démêlées avec la censure. Mais le succès fut au rendez-vous. Tombée dans l'oubli, l’œuvre sera redécouverte à la fin des années 1990 et donna lieu depuis à une mise en scène venue de Bratislava, donnée à Versailles, Caen et Lille en 2017. Passablement complexe, l'intrigue reste propre à susciter les rebondissements : pour conserver le trône de Cilicie (Asie Mineure) occupé par Tamese son frère jumeau, qu'on croit disparu dans un naufrage, la jeune princesse Lisea se fait passer pour lui et fait tarder le mariage prévu avec Arsilda, qui doit lui apporter la couronne du royaume de Pont. La situation se complique avec le retour de Tamese, déguisé en jardinier, et poursuivi par son rival Barzane, roi de Lydie, qui veut aussi la main d'Arsilda, quoique Lisea soit éprise de lui. Les emprunts d'identité se révèlent peu à peu et chaque personnage comprend sa méprise : Arsilda découvre que Lisea s'est fait passer pour Tamese, Barzane reconnaît Lisea dans l'ex Tamese, et celle-ci retrouve dans l'habit du jardinier son propre jumeau. Le lieto fine réunit les '''vrais'' couples, Tamese et Arsilda, Barzane et Lisea. Ces chassés-croisés amoureux et leurs quiproquos, ces changements d'identité à travers les travestissements, sur fond de vengeance politique, construisent une sorte de comédie des erreurs. On y rencontre aussi une scène de prison, une partie de chasse royale, des combats et des cérémonies grandioses pseudo-religieuses.

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L'aspect chaotique de la trame semble avoir fertilisé l'imagination débordante du musicien qui a composé une substantielle partition, restituée ici dans la récente édition critique réalisée par Bernardo Ticci. Alors à l'orée d'une production opératique substantielle, Vivaldi déploie dans ce dramma per musica, encore proche de l'opéra vénitien du siècle précédent, une abondance d'idées : aussi bien dans le ripieno orchestral que dans la conduite des récitatifs, des arias da capo, voire des chœurs. Les arias sont distribuées entre les sept personnages, deux mezzo-sopranos, ténor, contre-ténor, deux sopranos et basse, selon leur importance dans l'action. Quoique parmi les deux prima donna, celles attribuées à Lisea dépassent en nombre et éloquence celles dévolues au rôle-titre. Andrea Marcon se fait une fête de cette musique qui se réinvente constamment, emplie de contrastes et de traits instrumentaux parfois audacieux dans le soutien des arias. Parmi bien des pages admirables, on citera les divers épisodes de l'étonnante scène de la chasse royale (II/6) avec ses appels de cors, interventions du chœur entrecoupées d'ariettes bucoliques et de duos festifs. L'orchestre La Cetra de Bâle jouant sur instruments d'époque dispense une foison de couleurs mordorées. Le souci d'articulation jamais ne paraît rigide.

On a réuni une troupe de jeunes chanteurs, mais tous déjà rompus au style et à l'exubérance vivaldiennes. Ainsi des deux rôles principaux féminins, confiés à des mezzo-sopranos rivalisant d'engagement. La russe Vasilisa Berzhanskaya prête une voix à l'ambitus immense au personnage de Lisea, associant un parfait cantabile (''Frà cieche tenebre''/Parmi les aveugles ténèbres, II/7) à des graves impressionnants (''Di Cariddi li vortici ondosi''/De Charybde le gouffre aux flots tourbillonnants, III/3). Dans rôle-titre, Benedetta Mazzucato le dispute en abatage, pour ne pas dire intrépidité lors d'audacieux sauts dans le grave (''Precipizio è del mio petto''/L'abîme qui est dans mon sein, II/5). Ce qui n'empêche pas un souci d'allègement de la voix, lorsqu'aidé d'immatérielles volutes instrumentales, pour ''Son come farfalletta''/Je suis pareille au papillon (11/12), le personnage se compare à l'indécis papillon errant entre deux flammes. L'investissement du contre-ténor Nicolò Balducci n'est pas moindre chez lequel on admire la ligne tendue du récit sur accompagnement de violoncelle de ''Ah non so se quel ch'io sento''/ Je ne sais si ce que j'éprouve (II/2), comme l'art de l'ornementation dans la vocalise échevelée de ''Quel usignuolo''/Le rossignol lui-même (II/9), où la voix est entourée de violons imitant le son de l'oiseau. Quant à la figure complexe de Tamese, Leonardo Cortellazzi la pare d'un timbre de ténor habile à vocaliser à perdre haleine, comme dans '''Siano gli astri a me tiranni''/Quand tous les astres me seraient contraires (II/11). Des autres rôles se détache le radieux soprano de Marie Lys, Mirinda, dont l'aria ''Io son quel gelsomino''/Je suis pareille à la fleur de jasmin (I/15), parmi des violons éthérés rappelant quelque passage des Quattro stagioni, enjolive de ses vocalises aériennes la fin du Ier acte.

La prise de son dans l'acoustique agréable d'une église de Bâle, prodigue un bel équilibre voix-orchestre. Une discrète mise en espace des récitatifs ajoute au relief de l'ensemble.
Texte de Jean-Pierre Robert 

Plus d’infos

  • Antonio Vivaldi : Arsilda, regina di Ponto. Dramma per musica en trois actes.  Libretto de Domenico Lalli. Édition critique de Bernardo Ticci (2024)
  • Benedetta Mazzucato (Arsilda), Vasilisa Berzhanskaya (Lisea), Nicolò Balducci (Barzane), Marie Lys (Mirinda), Leonardo Cortellazzi (Tamese), Shira Patchornik (Nicandro), José Coca Loza (Cisardo)
  • La Cetra Barockorchester & Vokalensemble Basel, dir. Andrea Marcon
  • 3 CDs Naïve / Édition Vivaldi vol. 74 : 0P 8676 (Distribution : Believe Group)
  • Durée des CDs : 189 min
  • Note technique : etoile verteetoile verteetoile verteetoile verteetoile verte (5/5) 

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Vivaldi, Marie Lys, Edition Vivaldi, Benedetta Mazzucato, Vasilisa Berzhanskaya, Nicolò Balducci, Leonardo Cortellazzi, Shira Patchornik, José Coca Loza, La Cetra Barockorchester, Vokalensemble Basel, Andrea Marcon

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