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  • Michel Bedin
  • Musique

La Rochelle - Jazz entre les deux tours - Du 4 au 11 octobre 2008

La onzième édition du festival Jazz entre les deux tours, du regretté Alain Le Meur, se plaçait cette année sous le signe de Roots and Swing, un horoscope trop souvent oublié par les organisateurs de festivals de jazz.




[size=x-small]Reportage réalisé par Michel Bedin[/size]

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[size=x-small]Otarie Club[/size]

L’inauguration, dans l’enceinte du splendide hôtel de ville renaissance de La Rochelle, puis le concert dans la cour du palais de justice, avaient été confiés au groupe féminin Otarie Club. Un groupe new orleans à l’ancienne, avec cinq filles hilares, vêtues en marins (« Sont les filles de La Rochelle / qu’ont armé un bâtiment »), qui, avec clarinette, sousaphone, banjo quatre cordes, planche à laver et trombone à coulisse, plus beaucoup de tonicité, donnent l’aubade au public. De Boby Lapointe (T’as pas tout dit) aux plus anciens standards (Dinah, If I Had You, Royal Garden Blues) et même C’est magnifique que, jadis, chantait Luis Mariano. Le ton est donné, It Don’t Mean a Thing, si ça ne swingue pas, ça ne veut rien dire.
La café de la Paix, avec le trio de Philippe Jourdain, le teatro Bettini avec le duo Jean-François Rossi et Jérôme Richard, et la cour de la maison Henri II (quelle merveilleuse architecture à La Rochelle), avec une descargua bourcicoa (traduisons d’Eric Bourciquot, percussionniste local de talent), continuent leurs aubades gratuites dans la ville. Le soir, à l’espace Encan, dans l’auditorium Michel-Crépeau, devant un public très enthousiaste, mais légèrement insuffisant, c’est le trio du guitariste Romane plus le merveilleux violoniste virtuose Nitescu, qui rendent hommage à Stéphane Grappelli. Pour ce quartet du Hot Club de France nouvelle manière, Romane est venu avec son fils Richard Manetti à l’autre guitare et Marc-Michel Le Bevillon à la contrebasse. Bon chien chasse de race et le fils Manetti ne fait pas démentir le proverbe. Se relayant chacun à leur tour à la pompe, chacun des deux est brillant et scintillant au jeu en soliste, comme le demande le swing manouche depuis Django Reinhardt. Ils s’attaquent à des morceaux de grande difficulté comme Indifférence de Tony Murena, à des standards comme le Ain’t Misbehavin’ du cher Fats Waller, ou à des djangos comme Anouman, tous morceaux sur lesquels ils peuvent scintiller de mille feux, pendant que le violoniste Costel Nitescu s’envole à la Grappelli ou les asticote de pizzicati innombrables. La musique des Valseuses, naguère composée par Stéphane Grappelli retrouve une nouvelle jeunesse sous leurs doigts. Gros succès mérité.
Le lendemain, le casino de La Rochelle doit refuser du monde pour son brunch avec le trio de Florence Grimal, alors nous attendrons jusqu’au soir pour aller écouter l’ensemble gospel de Québec. Il est précédé de la chorale du lycée Guez de Balzac d’Angoulême. Belle prestation des lycéens, la Complainte du Phoque, In a Mellow Tone, All of Me , My Funny Valentine, Freedom, un bel exemple pédagogiquement intelligent d’initiation au jazz par les racines et non pas en commençant par Bill Evans comme dans certains conservatoires. L’ensemble gospel du Québec (La Rochelle qui a fourni un grand nombre de futurs Québécois fête cette année le 400ème anniversaire de la fondation de Québec) est une chorale, avec guitare, basse, batterie et clavier. Ils sont dix-sept, hommes et femmes, pour exploser avec ferveur et un grand sens du spectacle les gospels les plus émouvants. C’est le cycle habituel avec Oh Happy Days, Swing Low Sweet Chariot, Amazing Grace, When the Saints, I’m Beginning to See the Light. La chapelle de l’Oratoire entre quasiment en transe. L’ambiance est électrique. A l’instar de quelques rares personnes, je reste toujours, dans les concerts de gospel, un peu extérieur, rebelle à cette fascination de ce qui ressemble à de l’endoctrinement plus ou moins sectaire. Mais le public en général, lui, « marche » à fond et frappe dans ses mains, le visage comme transfiguré. C’est le cas encore. Heureusement pour les athées, c’est sans séquelle et c’est bien beau quand même. Triomphe, donc.
Les trois jours qui suivent voient une conférence-exposition et deux autres conférences sur le jazz. La première, la conférence-exposition du lundi sur Jazz et Cinéma, la déontologie voudrait que je n’en parle point, étant donné que c’est moi qui l’ai faite, mais, après tout, faisons une petite entorse et passons à autre chose. N’empêche, moi, je l’ai trouvée bien. La deuxième, le mardi, sur la modernité d’Ellington, était donnée par Claude Carrière, brillant et passionné par son sujet. Très intéressante. Quant à celle du mercredi, sur les grandes caractéristiques du jazz, elle fut donnée à l’école nationale de musique et de danse, par Philippe Baudoin, professeur de musicologie à la Sorbonne, devant un public tellement nombreux, notamment d’élèves, que certains durent s’asseoir à même le sol. De belles initiatives pédagogiques face au déferlement commercial habituel de fausses informations sur le jazz où l’on n’essaie que de promouvoir des stars, des vedettes, où l’on mélange les genres au nom de la rentabilité et de la mode.
Le soir du mercredi, le lycée hôtelier accueillait le groupe du guitariste Luc Fenoli, avec la chanteuse Gisela Razanajatovo, pour un dîner-concert. La sonorisation de ce lieu assez mal adapté fut heureusement rectifiée par le directeur artistique, Jean-Jacques Taib, venu faire le bœuf à la clarinette. Le repas, lui, était d’une succulence rare et d’un raffinement prodigieux.


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[size=x-small]Claire Benoit[/size]
Le jeudi 9 octobre, le buffet-concert sous le chapiteau de l’Esplanade reçoit le trompettiste Jean-Pierre Derouard, le sax Daniel Huck et Marc-Antony Thouret (tb, et voc), plus la section rythmique Guillaume Souriau (b) et Jean-Pierre Jackson dans un concert mis en scène, avec récitatifs écrits et dits par la comédienne Claire Benoit. Une sorte d’histoire du gospel et des negro spirituals, entrecoupée par des exemples joués et de quelle manière par les musiciens. Une belle façon de retracer l’histoire de la déportation des Africains vers le Nouveau Monde et de réillustrer le Good Book de Louis Armstrong et le jazz américain. Cela nous donnera l’occasion de réentendre Go Down Moses, mais aussi Jeepers Creepers, Ain’t Misbehavin’ ou What a Wonderful World, avec un Daniel Huck supervitaminé, comme à l’ordinaire, un Jean-Pierre Derouard au timbre éclatant à la Satchmo et un Marc-Antony Thouret très bon chanteur et tromboniste de talent. Bref, une très belle soirée.
Le 10 octobre, soirée blues avec la légende du blues anglais John Mayall. Les Bluesbreakers (c’est le nom du groupe) sont trois, une guitare basse, une guitare et une batterie. Crinière blanche, le quatrième, John Mayall se met au clavier, joue de l’harmonica, passe à la guitare, chante. Les fans de rock s’y retrouvent, les amateurs de blues un peu moins. Ça déménage, c’est du lourd, et le public est enthousiaste. Il est venu voir et entendre une vedette, il en a une, et de poids.



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[size=x-small]Tres Gringos[/size]
Le lendemain, le bar de la Guignette (un apéro local) accueille Tres Gringos (en l’occurrence Dos, car le troisième est malade), un groupe de swing manouche, avec le violoniste Kim Le Oc Mach. Belle prestation dans une salle bondée. Puis, au pied de la Tour de la Chaîne, le groupe de Pascal Ducourtioux (dm), où nous pouvons entendre, dans du jazz français actuel, le sax soprano de Jean-Jacques Ruhlmann. Joli concert. Enfin au bar-hôtel le Rupella, juste en face du Vieux port (quel paysage !), la jeune chanteuse Alésia Skarulis, voix superbe et métier impressionnant chez une jeune fille de 17 ans, dans un programme entre jazz et pop à la Norah Jones. La salle déborde dans la rue. Triomphe.


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[size=x-small]Dany Doriz [/size]
Toujours sous le chapiteau de l’Esplanade, la dernière soirée est une apothéose. En première partie, le quintet de Dany Doriz rend hommage à Oscar Peterson et à Lionel Hampton, vibraphoniste avec lequel Dany joua en duo pendant une tournée aux Etats-Unis à une époque que les moins de quarante ans ne peuvent pas connaître. Le guitariste de Stéphane Grappelli, Marc Fosset, est là, ainsi que le pianiste Patrice Galas, la contrebassiste étonnante qu’est Patricia Lebeugle et le batteur Didier Dorise. Jean-Jacques Taib et sa clarinette s’invitent pour un Sunny Side of the Street final. Magnifiques !



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[size=x-small]les Voice Messengers [/size]
La soirée continue avec les Voice Messengers de Thierry Lalo, huit chanteurs et chanteuses à la Double-Six, plus une section rythmique formée de Philippe Soirat (dm) et de Raphael Dever (b), plus le pianiste excellent qu’est Thierry Lalo. Les chanteurs façon Double-Six sont aussi parfaits que leurs célèbres aînés, swinguants, chantant avec précision et clarté des partitions infernales, morceaux de jazz et improvisations repris à la note près. Cela donne un
Have You Met Miss Jones de rêve, suivi d’un Have You Met Sir Jones aussi brillant, ou un Cry Me a River déchirant. C’est une splendeur.
La nuit, tout comme le festival, se terminera avec un bœuf du trio de Lolo Bellonzi, comme la veille.
Au total, ce furent huit jours où le jazz était présent dans cette ville de La Rochelle, si belle et si accueillante à l’éternel touriste que chacun y devient.
Vivement l’an prochain.


Texte de Michel Bedin



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