(Test avant-première) Platine Technics SL-1200 GAE : le retour d’une icône
Lancée dans les années 1970, la Technics SL-1200 était devenue La platine de référence japonaise à entrainement direct, surtout dans le monde professionnel et des DJs. Arrêtée il y a 5 ans, tout le monde pensait cette aventure était terminée mais face à l’essor du vinyle débuté en 2007, Technics a décidé de faire renaître cette SL-1200 souhaitant cette fois conquérir le marché des audiophiles. Un modèle anniversaire, pour fêter les 50 ans de cette marque est même lancé, le voici détaillé pour vous en avant-première.
LA SUITE APRÈS LA PUB
|
Lors du dernier CES de Las Vegas, la marque japonaise Technics dévoilait le retour de sa platine légendaire, la célèbre SL-1200, une icône indétrônable pour le milieu professionnel, et des DJ’s en particulier. Cette SL-1200, vendue en tant que platine Hifi à ses débuts, connut ses heures de gloire dès sa première apparition en octobre 1972. Elle était une création du groupe Matsushita devenu depuis Panasonic, Technics étant la partie Hifi du groupe. Depuis sa toute première sortie, ce modèle a subi de nombreuses évolutions avec dans l’ordre : la MK2, la MK3, la LTD (une édition limitée), M3D, MK4, la MK5/MK5G, et enfin la MK6 en 2007 pour saluer les 35 ans d’existence de la marque. Petit à petit, c’est l’univers des professionnels qui fut conquis par cette machine à la fois d’une extrême robustesse et d’un usage parfaitement adaptés à leurs besoins : lancement du plateau hyper véloce, stabilité de vitesse, châssis lourd donc une grande résistance au phénomène de feedback, vitesse ajustable (pitch), contrôle de la vitesse par quartz etc.
Depuis 1978, plus de 3 millions de SL-1200 ont été vendues, les modèles d’occasion étant toujours extrêmement recherchés de nos jours.
Puis la production de cette série s’arrête en fin 2010 avec le succès du CD, mais face au renouveau du vinyle entamé en 2007, Technics a décidé de la remettre au goût du jour, de la faire renaître en fait, avec comme objectif de conquérir, comme à son lancement d’ailleurs, un public plus audiophile que professionnel (le prix élevé en est une raison). Pour cela, de nombreuses améliorations ont été apportées tant au niveau du moteur que de l’amortissement général.
Le modèle présenté dans ce guide est une édition limitée d’où le suffixe GAE (1200 exemplaires pour fêter le 50ième anniversaire de la marque vendus en….3 minutes parait-il !), celui qui sera destiné au grand public présentera, en dehors de son prix plus bas (3500 € à la place des 3990 €), quelques différences : gel amortissement des pieds différent, pas de plaque commémorative, matériaux constituant le bras de lecture.
Une finition irréprochable.
Une fois sortie de son emballage, la similitude avec toutes les SL-1200 est frappante. Il s’agit bien, apparemment de la même platine avec une disposition similaire des divers atouts qui en font sa particularité. Nous retrouvons le même design intemporel avec l’implantation au millimètre près du curseur du pitch (contrôle de la vitesse), du bouton général de marche/arrêt avec stroboscope intégré, de l’interrupteur du lancement du plateau, des deux petits boutons autorisant les 3 vitesses (33, 45 et 78trm) et pour finir une petite lampe d’éclairage qui peut émerger du socle ou pas. La finition des différentes pièces et de l'ensemble est irréprochable, une fabrication industrielle et soignée ne fait aucun doute. Voyons maintenant tout ce qui marque un changement par rapport aux anciens modèles et qui signera le succès de cette renaissance.
Tout d’abord, le plateau. C’est une pièce de 3.5 kg moulée sous pression en laiton et en aluminium épais. Quelque peu évidé, il accueille sur la face arrière un amortissant en caoutchouc recouvrant la quasi-totalité de sa surface. Le socle de la platine, et contrairement à la MK6 qui n’en comptait que 3, est constitué de 4 couches. Il combine un panneau supérieur de 10 mm d’épaisseur en aluminium brossé, auquel est ajouté une structure en aluminium injecté, puis une couche en BMC (Bulk Molding Compound), une résine polyester renforcée par des fibres de verre coupées, le dessous de ce socle étant totalement recouvert par un caoutchouc haute densité (voir photo). Cette structure sandwich explique l’augmentation du poids de cette SL-1200GAE nouvelle génération par rapport aux modèles plus anciens d’ailleurs. De plus, le socle est également amorti par quatre pieds tout à fait spéciaux car utilisant un gel dit Alphagel. C’est une invention de la haute technologie japonaise, un matériau en gel et en silicone capable d’absorber de grands chocs. Créé pour les tremblements de terre, il trouve aujourd’hui bien d’autres utilisations face à son pouvoir d’amortissement hors norme. Réglages en hauteur, ils permettent également la bonne mise à niveau de la platine sur son support.
LA SUITE APRÈS LA PUB
|
Mais c’est très certainement le système d’entrainement qui a le plus évolué. Effectivement, le gros reproche formulé par les audiophiles était qu’un moteur DC avec balais et un plateau de moyenne densité n’offrait pas la meilleure façon de lutter contre les vibrations de surface des disques (dans les anciennes SL-1200, c’est l’axe du plateau qui était l’axe du moteur). Une des raisons pour laquelle les audiophiles se sont tourné vers les platines à entrainement à courroie et plateau lourd, qu’elles fussent suspendues ou pas.
Un nouveau moteur Brushless
Tout à conscient de ce fait et souhaitant convaincre un public plus audiophile, Technics a donc conçu un tout nouveau moteur d’entrainement synchrone à aimants permanents, ce qui s’additionne aux efforts portés sur l’amortissement des autres parties de la SL-1200GAE. Il s’agit d’un modèle à entraînement direct bi-rotor dit Brushless bi-(sans balais) avec plusieurs aimants permanents offrant un rendement et une puissance massique plus élevés. C’est le type de moteur que l’on retrouve en robotique comme des disques durs par exemple. Il demande par contre une régulation accrue, des capteurs de très haute précision, guidés eux-mêmes par des micro-processeurs sont donc implantés dans ce système d’entrainement propriétaire.
Le bras de lecture à symétrie en S de 230 mm de la SL-1200GAE a lui aussi été largement modifié. Il est réalisé en magnésium (pour la SL-1200GAE) étiré à froid dans le but d’améliorer sa rigidité et d’augmenter le contrôle des vibrations de la cellule. La très grande sensibilité du mouvement est atteinte grâce à une construction traditionnelle avec des cardans jouant sur l’axe de rotation horizontal et vertical et qui se rejoignent à un unique point central. Le bras qui sera utilisé sur le modèle SL-1200G sera, lui, en aluminium. Ce bras se termine par un porte-cellule fixable, un contre-poids additionnel est d’autre part fourni pour les cellules dont le poids dépasse les 10g.
Manipulation
La mise en route de cette Technics SL-1200GAE est un jeu d’enfant face aux platines et bras rencontrés dans l’univers purement audiophile. Aucun gabarit n’est donné pour le positionnement de la cellule sur son support, il suffit de respecter la bonne distance indiquée dans le manuel pour la placer au mieux. Une fois le porte-cellule fixé, le réglage de la force d’appui est également là aussi extrêmement facile et nul est besoin d’une quelconque balance, car une fois le bras en équilibre, et en déplaçant le contre-poids, la bonne force d’appui est atteinte. Même chose pour le bon réglage de la hauteur du bras qui détermine l’angle d’attaque du diamant dans le sillon (débattement de 6 mm). Une grosse mollette placée à la base du bras permet cette manipulation et une fois la bonne hauteur trouvée, une petite clé « Lock » permet de bloquer le bras. Cela offre à l’utilisateur la possibilité de régler l’angle d’attaque de la cellule même en cours d’écoute, un atout bien sympathique.
LA SUITE APRÈS LA PUB
|
Parallèlement, Technics a fait le choix judicieux de deux prises de connexion (RCA femelle) laissant le choix du câble à l’utilisateur contre un câble prisonnier. En revanche, l’emplacement de ces prises en dessous de la platine n’est guère pratique pour le branchement le modèle de son choix. Le couvre-plateau est en caoutchouc d’une belle épaisseur, il pourra être remplacé par un autre modèle comme du liège, du cuir ou encore du méthacrylate et d’autre part Technics ne fournit pas de « Clamp » et donc laisse le choix d’un palet-presseur ou pas. Pour le reste et la platine étant allumée, une simple pression sur une touche en forme de rectangle lance le plateau sans perdre une seconde (0.7 seconde). Le curseur pour le « picht » (+/-8% pour le 33trm et +/-06% pour les 45trm) se situe à droite, inutile de dire que pour un usage domestique, il n’a guère une grande utilité. Quant à lui, l’anti-skating se règle avec une petite molette graduée, une manipulation dès plus aisée.
Ecoute
Cette platine a été installée sur un support en bouleau avec notre cellule lectrice notre Kiseki Blue N.S, une cellule MC très définie et détaillée sur le plan sonore. Malgré cela, et tout au début des écoutes, la SL-1200GAE s’est montrée quelque peu ronde, empâtée serait un meilleur terme comme si elle gommait certains détails des prises de son. Mais ce faisant elle délivrait en même temps une musicalité assez chatoyante, avec un équilibre tonal plutôt agréable et une belle ampleur. En bon audiophile cherchant toujours à optimiser tout ce qui passe entre nos mains, nous nous sommes laissé aller à en tirer plus de choses, pensant avec raison que cette platine ne se présentait pas sous son meilleur profil tel quel. Premièrement, nous l’avons branchée avec un câble secteur plus performant ; un modèle Alpha du constructeur français Esprit (190 €) : une première amélioration notable, puis nous nous sommes occupés du couvre-plateau.
Il faut bien avouer que nous n’avons jamais eu de bons résultats avec ceux qui sont réalisés en caoutchouc (surtout de cette épaisseur), des informations disparaissent aussitôt avec ce genre de matière. Nous avons essayé un modèle en résine dure de chez Fuck Firm et un second cette fois en liège. C’est avec ce dernier que nous avons continué nos écoutes sans oublier d’adjoindre un palet-presseur de qualité : un VPI HR-X (un Pro-Ject Clamp qui sera préférable car assez bas pour que le capot puisse se fermer). Ces manipulations sont aussi une façon de saluer les efforts de Technics pour cette platine, car en l’optimisant de la sorte, nous vîmes tout ce dont elle est capable. Cette démarche nous semblait comme avec tous appareils Hifi, tout à fait à propos. Même chose pour le câble de liaison, nous avons vite fait de mettre un modèle Red Dawn de chez Nordost en remplacement de celui qui est livré avec la platine.
Too Much Sweet ?
Comme dit plus haut et avec les améliorations que nous avons apportées, la SL-1200GAE peut se classer dans les platines qui privilégient le confort d’écoute, la douceur par exemple à l’analyse et au rendu des détails contenus dans les enregistrements. Effectivement contre une VPI Prime par exemple, le pouvoir de résolution n’a rien à voir. C’est comme si nous avions éteint une lumière sur l’ensemble du spectre. En revanche l’équilibre tonal de cette Technics est plutôt agréable, assez chantant même, à condition bien entendu que de laisser tomber le côté analytique et précis de certaines réalisations actuelles. Le haut du spectre est assez fin, mais il risque de manquer quelque peu de précision ; l’extinction des notes est écourtée, ce qui ne laisse pas les harmoniques hautes filer dans l’espace. La région médium est, elle au contraire, bien fournie et bien construite. Quant au registre grave, il se fait remarquer plus par son niveau que par sa fermeté. La réponse en fréquence générale avoue tout de même une certaine cohérence, ce qui a comme conséquence une sonorité générale plutôt agréable, en tout cas pas crispante pour un sou.
LA SUITE APRÈS LA PUB
|
L’image stéréophonique se déploie bien entre les deux enceintes sans en dépasser le cadre. Là aussi, la SL-1200GAE montre beaucoup de sagesse tout en rendant un bel espace de jeu aux musiciens. L’écoute du disque de Cecilia Bartoli « Mission » (Decca) d’Agostino Steffani illustre bien nos propos. La tessiture de la voix de la chanteuse est bien respectée, certaines sifflantes ne se font plus entendre et le suivi de son jeu est bien marqué. Cette interprète se tient devant nous avec un excellent aplomb. Il y a de la chair sur les notes, une densité sonore bien agréable. Même si, par exemple, la présence de certains instruments placés au second plan n’apparaît plus aussi clairement qu’habituellement, on obtient une scène sonore bien remplie avec une légère mise en avant de la zone médiane. L’équilibre général est assez réussi avec même un côté chantant qui n’exprime aucun artifice ni brillance supplémentaires. Nous apprécions, même si la SL-1200GAE ne va pas chercher toutes les informations de cet enregistrement, son tempérament cohérent et homogène. Elle ne fait pas tout, mais elle le fait bien là où elle travaille.
Passant au LP de Lou Reed « Transformer », la SL-1200GAE nous montre une autre de ses qualités : la dynamique. Il ne s’agit pas avec cette platine de rapidité sur des petits signaux, mais d’un très bon respect des écarts de niveaux importants. Les coups du batteur surprennent par leur vivacité et leur décision. Est-ce un bruit de fond quasi nul qui fait cet effet ? Une chose est sûre, cette platine est étonnante sur ce plan. La basse électrique est un peu gonflée, un peu trop présente à notre goût, mais elle concourt à l’ampleur du résultat final. Certes, nous aurions aussi apprécié, là aussi, plus de mordant sur les coups de baguettes sur les cymbales de la batterie, mais l’ensemble se tient malgré tout. Sur le morceau « Walk on the Wild Side », nos impressions se confirment. Cette platine joue sur le confort d’écoute plus que sur la précision. Les plans sont tous ramenés en avant de la scène sonore, mais d’un autre côté, le résultat global est plutôt cohérent. Même s’il nous manque des informations, la Technics sait jouer là où il faut. Le saxo baryton a du corps et de la puissance, il s’illustre par sa présence et sa force.
Conclusion
En conclusion, et comme vous devez vous en rendre compte, le bilan est en demi-teinte pour cette platine. D’un côté, elle a montré un caractère très agréable à l’écoute, dispensant même pas mal d’émotion tout en laissant sur le bord de la route beaucoup d’informations pourtant gravés sur le sillon. Même pour nous, un jugement est difficile car ces deux caractéristiques, qui peuvent sembler contradictoires, ne figent pas cette SL-1200GAE au fond de la classe, bien au contraire. En tout cas, cette marque tient à conquérir, ne serait-ce que par le prix, l’univers des audiophiles qui se sont habitués depuis bientôt presque 30 ans à des platines à courroie et bras plus sophistiqués comme nous le sommes, va-t’elle y réussir ? Seul l’avenir nous le dira. Cependant, Technics a ses adeptes, et plus particulièrement avec cette platine, nul doute que la réussite commerciale est au bout du chemin.
Lien du constructeur : www.technics.com
Caractéristiques techniques
- Type : entrainement direct, DC bi-rotor sans balais (brushless)
- Vitesse : 33 et 45 Trm
- Variation de vitesse : +/-0.002%
- Variation pitch : +/-8% et +/-16dB
- Pleurage et scintillement : 0.001% WRMS
- Rumble : 78dB
- Bras de lecture : 230mm
- Masse effective : 12g
- Hauteur ajustable : 6mm
- Dimensions : 45.3 x 17.2 x 35.3 cm (LxHxP)
- Poids : 18kg
- Prix : 3900 €