Actualités DVD « La Supplication » et « Never Die Young » : une certaine idée de l’art cinématographique…

Note artistique : (4/5)

Synopsis

La Supplication : ce film ne parle pas de Tchernobyl, mais du monde de Tchernobyl dont nous ne connaissons presque rien. Des témoignages subsistent : des scientifiques, des enseignants, des journalistes, des couples, des enfants… Ils évoquent ce que fut leur quotidien, et puis la catastrophe. Leurs voix forment une longue supplication, terrible mais nécessaire, qui dépasse les frontières et nous amène à nous interroger sur notre condition.
Never Die Young : dès le début de son adolescence, Guido bascule dans la drogue. A 20 ans, cherchant à fuir la police, il faut une chute de huit mètres de haut, la tête la première. Il en réchappe par miracle, mais reste paralysé. Malgré ce fauteuil roulant sur lequel il reste cloué jour après jour, son addiction demeure, plus vive que jamais.

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• Titre original : Voices from Chernobyl - Never Die Young
• Support testé : DVD
• Genre : essai documentaire - historique
• Année : 2016 - 2013
• Réalisation : Pol Cruchten
• Casting : (1) Dinara Droukarova, Iryna Voloshyna, Volodymyr Shpudeiko + voix d'Eric Caravaca, Marc Citti, Laurence Côte, Robinson et Salomé Stévenin (2) voix de Robinson Stévenin, Laurence Côte
• Durée : 1 h 23 mn 01 - 1 h 06 mn 01
• Format vidéo : 16/9
• Format ciné : 1,66/1 - 2,35/1
• Sous-titrage : français
• Pistes sonores : Dolby Digital 5.1 et 2.0 français
• Bonus : DVD 1, Luxembourg moments, Svetlana Alexievich, Prix Nobel de littérature 2015 (3 mn 36) - livret (52 pages) « Le Cinéma dans les veines » avec un entretien du réalisateur Pol Cruchten en français et en anglais
• Éditeur : La Huit

Commentaire artistique

Paul Cruchten indique dans le livret complémentaire que les films réunis ce coffret résultent du choc que provoqua dans sa jeunesse la vision de Psychose d’Alfred Hitchcock. Le cinéaste luxembourgeois espère obtenir le même effet avec ses deux réalisations relevant d’une conception très voisine à quelques années d’intervalle. En 2013, après une longue interruption, il réalise Never Die Young qu’il considère comme l’amorce d’un nouveau style cinématographique. Sur un sujet très personnel, inspiré par le destin de son cousin Guido, il conçoit une forme de cinéma insolite consistant à supprimer tout dialogue au profit d’une voix off qui assure la narration, invention formelle empruntée au documentariste Joris Ivens. Encensé par la critique, ce film inclassable, ni fiction, ni documentaire, défini par son auteur comme un film sur la mémoire, constitue une véritable charge contre la drogue. Et son esthétisme fascinant, ses constantes innovations (acteur masqué) et ses changements (ponctuels) de genre ne détournent jamais le film de son message majeur : la dépendance est un fléau dont aucun junkie ne peut avoir conscience, aveuglé par les paradis artificiel. Un très beau film sur un sujet terrible avec en filigrane une vraie question existentielle. Outre la splendeur de la photographie de Jersy Palacz, Never Die Young révèle une grande complexité de tournage encadré par une extrême précision du découpage malgré l’absence de tout storyboard ! Ce processus est repris en 2016 pour La Supplication, une adaptation de « Tchernobyl, chronique du monde après l’apocalypse », un livre de Svetlana Alexievich, Prix Nobel de littérature 2015. Avec la même photographie sublimée, le commentaire en voix off, ici démultipliée, et l’absence de dialogue, le cinéaste réussit à transposer au cinéma la fascination qu’avait exercé ce livre paru en 1997. Si le fond du livre et du film, sur cette catastrophe nucléaire survenue le 26 avril 1986, est terrifiant, le tournage sur les lieux dans les ruines de la ville de Pripiat offre paradoxalement une image incroyablement lumineuse, saisie souvent en plan fixe ; une vision inhabituelle, et pourtant réelle, de la zone contaminée retournant progressivement à l’état naturel et sauvage. En contrepoint les témoignages racontés en voix off et les séquences avec figuration (mêlant professionnels et non professionnels), versant parfois dans l’onirisme, soulignent la violence des faits, la cruauté des effets du rayonnement et l’aveuglement criminel des responsabilités. Le caractère artificiel engendré par la singularité de cette forme de cinéma atypique aurait pu distancier le spectateur de la gravité du texte de Svetlana Alexievich mais l’émotion qui naît de ces dépositions est a contrario magnifiquement servie par le dispositif retenu. Sans jamais montrer la moindre image racoleuse ou verser dans le documentaire complaisant, Pol Cruchten parvient à nous faire ressentir intimement, quasi physiquement, les conséquences irrémédiables de l’irradiation sur les corps et sur les esprits. La Supplication, témoignage choisis sur l’Apocalypse, prolonge avec habileté l’aspiration de Svetlana Alexievich de ne surtout pas oublier les victimes de Tchernobyl. Saisissant.

Commentaire technique

La Supplication : copie SD très bien définie, tournage en numérique, excellent contraste, colorimétrie soutenue et vive, teintes acidulées mais naturelles, tons saturés ; mixage français 5.1 très dynamique, voix off centrées très claires, spatialisation discrète mais efficace
Never Die Young : copie SD bien définie, excellent contraste, étalonnage et colorimétrie naturaliste, teintes réalistes ; mixage français 5.1 dynamique, spatialisation spectaculaire (train, avion, musique…), ambiances naturalistes bien réparties sur des surrounds efficaces