Deux hommes en fuite : un duel kafkaïen exemplaire (en Blu-ray et DVD)

Note artistique : (4/5)

Synopsis

Deux hommes courent sur la plage à l’aube. Ils ont les mains liées derrière le dos. Au même moment, un hélicoptère survole frénétiquement les environs. MacConnachie et Ansell sont deux évadés qui, pour tenter d’échapper à leurs geôliers, doivent traverser des paysages sauvages et inhospitaliers. Pour cela, ils vont devoir affronter de nombreux obstacles pour survivre et échapper au mystérieux hélicoptère noir qui traque leurs moindres mouvements…

LA SUITE APRÈS LA PUB

• Titre original : Figures in a Landscape
• Support testé : blu-ray
• Genre : action, thriller
• Année : 1970
• Réalisation : Joseph Losey
• Casting : Robert Shaw, Malcolm McDowell, Henry Woolf, Christopher Malcolm, Andrew Bradford, Warwick Sims
• Durée : 1 h 48 mn 50 s
• Format vidéo : 16/9
• Format ciné : 2,35/1
• Sous-titrage : français
• Pistes sonores : DTS-HD MA 1.0 monophonique anglais, français
• Bonus : L'Oiseau de proie, entretien avec Michel Ciment (HD, 20 mn) - Le Journal du cinéma, émission du 22/11/70 réalisée par Philippe Collin et Pierre-André Boutang, avec Joseph Losey et Bertrand Tavernier (INA, 7 mn 57) - bande annonce (2017, HD, 1 mn 04)
• Éditeur : Carlotta Films

Commentaire artistique

Deux hommes en fuite, titre français réprouvé par son réalisateur Joseph Losey (cf., bonus), est un film curieux, volontairement non situé géographiquement, sans explication claire sur les motivations des uns et des autres et ne cherchant jamais à susciter l’empathie (Losey était farouchement contre toute mièvrerie ou sentimentalisme). Résultat d’un long processus de changement d’acteurs, de réalisateurs et de scénaristes, la version finalement tournée par Joseph Losey en 1969 fut un échec commercial : le public fut déconcerté par ce qu’il croyait être un film d’action classique alors que le cinéaste revendiquait son film comme une charge universelle contre l’oppression et une métaphore sur la condition humaine si souvent bafouée dans nos sociétés contemporaines ! D’ailleurs le titre original, qui était essentiel pour Joseph Losey, fait référence à un tableau de Francis Bacon qui illustre l’enfermement de l’homme dans un milieu hostile. Le cinéaste explique que son souhait était de montrer deux êtres humains perdus dans un paysage quasi extraterrestre - ce que le choix du scope exprime idéalement - et qui sont prisonniers dans un cauchemar dont ils ne peuvent s’échapper, poursuivis inexorablement par des soldats et un hélicoptère rageur. Bien qu’adapté d’un roman de Barry England beaucoup plus explicite, le scénario de Robert Shaw - un des fuyards - ne donne aucune piste explicative et s’attache au duo traqué, associant un vétéran violent et forcené à un jeune qui ne cesse de s’accommoder de l’état des choses. Autour de ces fugitifs à dimension humaine, le cadre naturel et ses occupants - les villageois rencontrés, les soldats et le pilote - sont réduits à des silhouettes agissantes dans un univers à la limite de l’abstraction. Sans désavouer les codes des films de guerre et d’action qu’il utilise savamment, Joseph Losey s’attache à dépeindre la lente perte d’humanité de ses deux protagonistes dont la violence jure avec la beauté de la nature environnante. Soutenue par la partition quasi abstraite de Richard Rodney Bennett (qui se prendrait pour Jerry Goldsmith), Deux hommes en fuite est aussi bien servi par l’implication physique de ses deux acteurs que par la qualité de la photographie en 2,35/1 d’Henri Alekan et Peter Siuschitzky pour les paysages sauvages d’Espagne et de Guy Tabary pour les séquences aériennes saisies dans le cockpit de l’hélicoptère. Film de Joseph Losey méconnu et assurément très déconcertant (digne de l’état d’esprit de La Quatrième dimension !), Deux hommes en fuite mérite d’être découvert comme un témoin singulier d’une œuvre cinématographique toujours intéressante, quel que soit le sujet abordé.

Commentaire technique

Image : copie HD, film remastérisé en HD en 2016 par Kino Lorber, très bon niveau de définition (paysage hélicoptère), du grain et un peu d’instabilité du cadre, excellent contraste, étalonnage et colorimétrie naturalistes, couleurs naturelles nuancées et tons saturés, excellente compression sans défaut

LA SUITE APRÈS LA PUB

Son : mixage monophonique anglais, excellente dynamique sur les ambiances (notamment vrombissements de l’hélicoptère), dialogues clairs même si le niveau est parfois mesuré, pas de distorsion, bruit de fond légèrement perceptible, belle mise en valeur de la musique singulière de Richard Rodney Bennett ; VF moins harmonieuse mais honorable