Drôle de drame : un bijou d’humour absurde (en Blu-ray et DVD)

Note artistique : (4/5)

Synopsis

Irwin Molyneux écrit des romans policiers sous le pseudonyme de Félix Chapel, qui sont fortement critiqués par Archibald Soper, évêque de Bedford, son cousin. Invité à dîner par le couple Molyneux, Archibald trouve très étrange que la femme de son cousin soit absente alors qu'elle est en fait en cuisine à s'occuper du dîner suite à la démission de sa cuisinière et se fait passer pour gouvernante. Irwin invente toutes sortes de mensonges maladroits pour justifier l'absence de sa femme, et Archibald se met à le soupçonner. Le lendemain, après une nuit passée au domicile de son cousin, il appelle Scotland Yard…

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• Titre original : Drôle de drame
• Support testé : Blu-ray
• Genre : comédie, policier
• Année : 1937
• Réalisation : Marcel Carné
• Casting : Françoise Rosay, Michel Simon, Jean-Pierre Aumont, Louis Jouvet, Jean-Louis Barrault, Nadine Vogel, Pierre Alcover, Henri Guisol, Agnès Capri, Jean Marais, Marcel Duhamel
• Durée : 1 h 38 mn 12
• Format vidéo : 16/9
• Format ciné : 1,37/1 Noir et blanc
• Sous-titrage : français
• Piste sonore : DTS-HD MA 2.0 monophonique français
• Bonus : Carnet, Prévert, Drôle de Duo, documentaire de Nicolas-Chopin Desprès et Nicolas Billon, avec Frédéric Mercier, Philippe Morisson, Jean-Ollé Laprune, Arnaud Laster, Danièle Casiglia-Laster (2019, 57 mn 12)
• Edition collector avec un tirage limité à 2 000 exemplaires : Blu-ray du film, DVD du film, copie digitale du film - livret de 24 pages « Drôle de drame Éducations anglaise ! » par Marc Toullec
• Éditeur : ESC Éditions et RéZolution Culturelle

Commentaire artistique

C’est au duo célèbre et fécond Prévert/Carné que Drôle de drame doit son charme et son brio artistique. Assistant de Jacques Feyder, Marcel Carné réalise Jenny en 1936, son premier film dont le scénario est de Jacques Prévert et Jacques Constant. C’est le début d’une longue collaboration entre Prévert et Carné qui va produire une série de chefs-d’œuvre (Le Quai des brumes, Hôtel du Nord, Le Jour se lève, etc.) dont Drôle de drame est le premier titre. Le scénario poético-loufoque et les dialogues irrésistibles (« Moi, j’ai dit bizarre ? Comme c’est bizarre… ») sont concoctés par Jacques Prévert à partir du roman policier « His First Offence » (1912) de Joseph Storer Clouston. Si l’intrigue du roman (déjà adapté au cinéma) est ancrée dans la culture britannique dont quelques éléments subsistent comme le statut social de certains personnages tel que l’archevêque de Bedford joué par Louis Jouvet (en tenue écossaise vers la fin du film !), la version de Carné/Prévert mêlant poésie et humour décalé s’affranchit de tout contexte : leur histoire surréaliste se déroulant dans une ville non située. Le scénariste/dialoguiste en profite pour glisser le thème de l’identité jusqu’à l’absurde (Molyneux grimé à vie en Chapel…), un thème qui lui était cher (décelable dans chaque film du duo) et il utilise avec efficacité les tics de langage, comme la répétition, pour obtenir un effet comique garanti. Bien que la comédie soit légère, sans réelle gravité puisqu’il n’y a aucun drame sinon un drôle de drame, Jacques Prévert et Marcel Carné, tous deux gauchistes dans l’âme, ne se privent pas de fustiger la morale bien-pensante, la bêtise humaine, l’incurie des pouvoirs et la docilité liberticide de la foule manipulée. Si la qualité artistique du tandem réalisateur et scénariste suffirait à déterminer l’excellence de cette comédie d’humour noir, le mérite en revient aussi à ses techniciens : beauté expressionniste des cadrages et des éclairages d’Eugen Schüfftan (qui travailla entre autre sur Metropolis), ingéniosité des décors d’Alexandre Trauner et musique savoureuse de Maurice Jaubert. Quant au casting, c’est un pur bonheur de voir l’excellente François Rosay, la jolie Nadine Vogel et le fougueux Jean-Pierre Aumont et surtout de jubiler avec les face-à-face délicieux, malgré leur rivalité, entre Louis Jouvet et Michel Simon, acteurs aux égos surdimensionnés ! Dans les petits rôles il faut gourmer les prestations désopilantes de Jean-Louis Barrault en tueur de bouchers, Pierre Alcover en inspecteur inénarrable, Henri Guisol en journaliste somnambule et, pour les plus perspicaces, d’une future célébrité, Jean Marais en figurant. Aujourd’hui Drôle de drame est devenu un classique qui fait l’unanimité par ses qualités, son ton poético-absurde et son surréalisme foncier mais en 1937 son avant-gardisme passait mal et la réception publique mitigée surprendra l’équipe du film : il faudra attendre l’après-guerre pour que les mentalités changent. Si le plaisir est toujours renouvelé à la vision de Drôle de drame, cette nouvelle édition est pourvue d’un supplément documentaire passionnant Carnet, Prévert, Drôle de Duo, conçu comme un vrai film, à ne pas négliger.

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Commentaire technique

Nouvelle copie tirée d’un master restauré en 4 K par Vectracom à partir d’un contretype image

Image : copie HD, définition variable, plus piquée sur les gros plans mais dont le grain argentique a été drastiquement réduit au détriment des textures, bon contraste parfois un peu surexposé (plans larges), image pas complètement nettoyée, gamme de gris étendue, quelques problèmes de télécinéma sur les mouvements rapides

Son : mixage français monophonique, dialogues clairs sans distorsion flagrante mais spectre très limité dans les aigus