Il Bidone (Le Gang en soutane) : un chef-d’œuvre tragi-comique de Federico Fellini (en Blu-ray et DVD)

Note artistique : (4,5/5)

Synopsis

Augusto, Roberto et Picasso, trois escrocs minables, parcourent l'Italie en quête de nouvelles victimes. Leur combine favorite consiste à se déguiser en hommes d'église pour abuser certains fidèles trop crédules. Mais Augusto, le plus âgé, commence à être las de cette existence. Fatigué, il pressent que l'heure de la dernière escroquerie est proche…

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• Titre original : Il Bidone
• Support testé : Blu-ray
• Genre : comédie dramatique
• Année : 1955
• Réalisation : Federico Fellini
• Casting : Broderick Crawford, Giulietta Masina, Richard Basehart, Franco Fabrizi, Sue Ellen Blake, Irene Cefaro, Alberto De Amicis, Lorella De Luca
• Durée : 1 h 57 mn 37
• Format vidéo : 16/9
• Format ciné : 1,37/1 Noir et Blanc
• Sous-titrage : français
• Pistes sonores : DTS-HD MA 2.0 monophonique italien, français
• Bonus : combo avec le Blu-ray et le DVD du film - présentation du film par Jean A. Gili, spécialiste du cinéma italien (2022, 18 mn 24) - Martin Scorsese parle de Federico Fellini (VOST, 1993, 24 mn 27) - Il Bidone Un conte moral italien par Moraldo Rossi, assistant réalisateur de Fellini, Aldo Tassone, historien du cinéma et Dominique Delouche, assistant sur le film (2019, 30 mn 35) - bande annonce (VOST, 3 mn 09)
• Éditeur : Sidonis Calysta

Commentaire artistique

Il Bidone (l’arnaque en argot lombard), écrit et dirigé par Federico Fellini juste après son œuvre oscarisée La Strada (1954), est son quatrième long-métrage en tant que réalisateur unique. Dès ses tous premiers films, le cinéaste jette les bases de son style très personnel, combinant une vision sociale néoréaliste des plus démunis et une approche tempérée par une touche d’onirisme et de mélancolie. Déjà admirables dans La Strada, son inventivité et sa manière unique de dépeindre les actes de ses personnages, surpris dans leur plus grande ambiguïté morale, sont à l’œuvre dans Il Bidone avec un art exceptionnel de la mise en scène. L’analyse de cette comédie dramatique montre que chaque sous-ensemble (chaque arnaque) peut fonctionner en toute autonomie, comme une intrigue en soi, parce que le cinéaste est capable, pour chacune d’entre-elle, d’envisager et de montrer les divers niveaux explicatifs. Cette approche psychologiquement absolue plonge le spectateur au tréfonds de l’ignominie du trio d’arnaqueurs amoral et parfait exemple de la turpitude dans laquelle peut sombrer l’humanité. Pour incarner ces «bidonistes», Federico Fellini va disposer d’un casting éclectique. Augusto Rocca, le plus âgé, est interprété par l’acteur américain Broderick Crawford (Humphrey Bogart fut un temps envisagé) engagé pour son physique et qui va livrer une composition mémorable, en dépit de son ivresse permanente sur le plateau. La bonhommie de son allure contraste sévèrement avec son appétence pour la veulerie des coups tordus et immoraux. Ceux-ci mettent sans cesse en faillite tout espoir de rédemption, bien que ce personnage prenne conscience que les choses et les actes ont un certain prix dans la société. Cependant, même l’existence de sa fille Patrizia, une personne laborieuse, charmante et droite, jouée par Lorella De Luca, ne semble suffire à son rachat. Il en va de même pour Roberto, interprété par Franco Fabbizzi, qui est investi corps et âme dans le «bidonisme» sans scrupule, ce qui le rend apte à profiter à satiété de la lâcheté et de la cupidité de la nature humaine. Le dernier membre du trio, le plus jeune, est Raoul, dit «Picasso», subtilement joué par Richard Basehart, qui inspire le plus la sympathie avec ses dehors affables et sa générosité. Pourtant, malgré l’humilité et l’amour total que lui porte sa charmante épouse Iris (Giuletta Masina), il peinera à cesser de participer au système rentable des escroqueries. En effet, le tableau de la société que brosse Federico Fellini n’est guère flatteur, entre la société du plaisir (réception chez Rinaldo) et des profiteurs menant la grande vie, une source d’inspiration pour les escrocs, et celle des déshérités, paysans et infirmes (comme Suzanna jouée par Sue Ellen Blake) dont l’ignorance (une soutane suffit à concrétiser une fonction usurpée et des bijoux en toc sont assez trompeurs) profite aux manigances du trio. Bien qu’anticipant partiellement La Dolce Vita, Palme d’or à Cannes en 1960, Il Bidone est en revanche un échec à Venise, ce qui oblige Federico Fellini à mutiler son film incompris dont le pessimisme, pourtant ancré dans son époque, avait mécontenté les critiques et le public. Depuis, le film, qui a retrouvé son montage intégral, a été réhabilité et sa dimension moderne et visionnaire sur l’évolution sociale ne sont plus à démontrer. Il faut admettre, avec Jacques Rivette, que Il Bidone est bien un chef d’œuvre du Maestro.

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Commentaire technique

Film restauré par La Cinémathèque de Bologne en collaboration avec la Titanus et L’immagine Ritrovata. Projet financé par la fondation George Lucas et réalisé pour le centenaire de la naissance Federico Fellini.
Cette restauration a pour ambition de présenter le film tel qu’il a été projeté à la Mostra de Venise en 1955. Sous la pression des producteurs, Fellini a dû couper plusieurs séquences après cette projection. La restauration image a été faite à partir du négatif original en version raccourcie et d’une copie (positif à grain fin) d’époque pour réintégrer les scènes coupées. Les éléments sonores ont été restaurés à partir du négatif son 35 mm et d’une copie d’époque 35 mm de la piste optique. Tous les éléments ont été fournis par la Titanus. Projet réalisé avec la participation du Ministère Italien de la Culture.

Image : copie HD, nouveau Master (Criterion) offrant une définition plus accrue et un piqué remarquable au niveau des détails, la texture argentique est plus fine et plus homogène (tourné en 35 mm, nouveau Master Format 4K), la compression plus fluide grâce à un débit supérieur, très bon contraste, équilibré, image lumineuse et noirs soutenus, image propre, blancs nuancés, échelle des gris harmonieuse

Son : mixage italien 2.0 monophonique, dialogues très clairs avec le décalage inévitable de la post-synchro habituelle italienne, excellente dynamique sur les ambiances (urbaines) et sur la partition typée de Nino Rota ; VF 2.0 monophonique, claire et dynamique mais à oublier, malgré un doublage convenable non exempte de défauts, pour son caractère artificiel