R.M.N. : la peur de l’étranger dans un village perdu de Transylvanie (en Blu-ray, DVD et VOD)
Note artistique : (4/5)
Synopsis
Quelques jours avant Noël, Matthias est de retour dans son village natal, multiethnique, de Transylvanie, après avoir quitté son emploi en Allemagne. Il s'inquiète pour son fils, Rudi, qui grandit sans lui, pour son père, Otto, resté seul et il souhaite revoir Csilla, son ex-petite amie. Il tente de s'impliquer davantage dans l'éducation du garçon qui est resté trop longtemps à la charge de sa mère, Ana, et veut l'aider à surpasser ses angoisses irrationnelles. Quand l'usine que Csilla dirige décide de recruter des employés étrangers, la paix de la petite communauté est troublée, les angoisses gagnent aussi les adultes. Les frustrations, les conflits et les passions refont surface, brisant le semblant de paix dans la communauté.
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• Titre original : R.M.N.
• Support testé : Blu-ray
• Genre : drame
• Année : 2022
• Réalisation : Cristian Mungiu
• Casting : Marin Grigore, Judith State, Macrina Bârlădeanu, Orsolya Moldován, Rácz Endre, Andrei Finți, József Bíró, Ovidiu Crișan, Zoltán Deák, Mark Bienyesi
• Durée : 2 h 07 mn 12
• Format vidéo : 16/9
• Format ciné : 2,39/1
• Sous-titrage : français en blanc (roumain), jaune/orangé (hongrois) et rose/violet (autres langues)
• Pistes sonores : DTS-HD MA 5.1 roumain/hongrois - DTS-HD MA 2.0 français
• Bonus : entretien avec Cristian Mungiu, Marin Grigore et Judith State (26 mn 09)
• Éditeur : Le Pacte
Commentaire artistique
Sélectionné à Cannes, mais non récompensé, le film R.M.N. propose les réflexions du cinéaste Cristian Mungiu sur la xénophobie dans son pays la Roumanie, au cœur de l’Europe, par le biais d’une intrigue qu’il a écrite et réalisée. Avec son protagoniste principal, un certain Matthias (Marin Grigore), de retour dans sa communauté rurale en proie aux difficultés économiques, le film s’attache au destin emblématique de quelques personnages : Rudi (Mark Bienyesi), son fils devenu mutique, sa femme Ana désemparée (Macrina Bârlădeanu), son père Otto très affaibli (Andrei Finți). Matthias retrouve son ancienne liaison Csilla (Judith Statae) qui gère l’usine boulangerie de madame Dènes (Orsolya Moldován) et dont le besoin de recruter de la main-d’œuvre va cristalliser le racisme de tout le village. Cristian Mungiu situe son intrigue juste avant le déclenchement de la pandémie de 2020 dans un bourg rural aux confins de la Roumanie occidentale : le film a été tourné à Rimetea. Le choix de cette région n’est pas anodin car elle a été l’enjeu de la convoitise de diverses nations qui explique la multiplicité des ethnies qui se partage les lieux : Roumain, Hongrois, Saxons, Allemands, etc. Cette cohabitation n’a pas été bienveillante et les intérêts contrariés des uns et des autres a favorisé le populisme et la xénophobie. On comprend le choix de placer le récit de R.M.N. dans ce contexte car ce microcosme traduit ce qui se déroule à plus grande échelle en Europe, voire dans le monde. Le cinéaste (cf. bonus) explique clairement que le moteur qui régit cette peur de l’autre est l’appartenance ou non à une communauté. L’étranger au clan, considéré comme potentiellement dangereux, doit être exclus : dans la seconde partie du film un plan-séquence virtuose de 17 minutes (cf. bonus), avec 26 acteurs, dépeint cette crainte viscérale qui entraine la majorité des villageois à condamner et vouloir chasser les nouveaux arrivants sri-lankais. R.M.N. est un film à voir en version originale si l’on veut apprécier la diversité linguistique qui anime ces populations, parlant aussi l’anglais et le français, un brassage qui concerne également la religion et qui explique les malentendus : la domestique du prêtre qui qualifie le sri-lankais catholique de musulman…Avec une grande finesse, la réalisation de R.M.N. manie autant la trivialité que la métaphore : le film décrit avec naturalisme les conditions de vie assez rudes tout en les considérant sous leur angle plus symbolique (poème folklorique roumain, exploitation de l’or, animaux sauvages comme l’ours…). Le film convoque autant la tradition que les stéréotypes (tzigane, gitan, Rom) pour questionner, par le bais d’une fiction, les antagonismes qui divisent nos sociétés partagées entre l’individu et le groupe et conditionnent les nationalismes nourris de préjugés. D’une incroyable richesse de thèmes, le film aborde indirectement les méfaits de la mondialisation, du conformisme et de l’ambiguïté de la nature humaine. Autant de notions à manier aurait pu se traduire par un film à thèse rébarbatif, mais R.M.N. est un drame pessimiste tout à fait concret, hormis sa fin métaphorique, réalisé, avec brio, en plans-séquences et excellemment interprété. Avec son titre évoquant l’exploration superficielle de l’humain (cf. bonus), R.M.N. dépeint les pulsions dévastatrices qui animent les êtres dans une société qui se définit comme civilisée mais largement assujettie aux diktats de la mondialisation. Interrogation naturaliste, anxiogène et pertinente, à portée universaliste, R.M.N. traite mélodramatiquement mais sans langue de bois des dérives xénophobes et de l’identité au sein de la communauté européenne : fascinant.
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Commentaire technique
Image : copie HD, très bonne définition et piqué sur les détails (tournage en numérique avec caméras Arri Alexa LT et Mini, Master Format 4K), gestion naturaliste du contraste, image lumineuse et ombres détaillées, noirs soutenus, étalonnage froid, colorimétrie réaliste aux teintes nuancées
Son : mixage original multilingue 5.1, dialogues très clairs et équilibrés, excellente dynamique sur les ambiances (foule, foret, moto, etc.), spatialisation immersive aux effets surrounds réalistes, LFE efficace ; VF 2.0, claire et dynamique, spatialisation frontale limitée, doublage artificiel car égalisant les langues et supprimant leur différence d’intonation
Notre avis
Image : (4/5)
Mixages sonores : (4/5)
Bonus : (2/5)
Packaging : (3/5)
IMDb : https://www.imdb.com/title/tt18550182/
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