Nos frangins : un hommage tout en retenue (en Blu-ray, DVD et VOD)
Note artistique : 
(3,5/5)
Synopsis
La nuit du 5 au 6 décembre 1986, Malik Oussekine est mort à la suite d'une intervention de la police, alors que Paris était secoué par des manifestations estudiantines contre une nouvelle réforme de l'éducation. Le ministère de l'intérieur est d'autant plus enclin à étouffer cette affaire, qu'un autre français d'origine algérienne a été tué la même nuit par un officier de police.
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• Titre original : Nos frangins
• Support testé : Blu-ray
• Genre : drame
• Année : 2022
• Réalisation : Rachid Bouchareb
• Casting : Reda Kateb, Lyna Khoudri, Raphaël Personnaz, Samir Guesmi, Laïs Salameh, Adam Amara, Wabinlé Nabié, Gérard Watkins
• Durée : 1 h 31 mn 23
• Format vidéo : 16/9
• Format ciné : 1,37/1 et 1,85/1
• Sous-titrage : français
• Pistes sonores : DTS-HD MA 5.1 et 2.0 français
• Bonus : entretien avec Rachid Bouchareb et Reda Kateb (10 mn 43) - entretien croisé avec Rachid Bouchareb, Raphaël Personnaz et Lyna Khoudri (9 mn 31)
• Éditeur : Le Pacte
Commentaire artistique
Dixième long-métrage de Rachid Bouchareb, Nos frangins propose une évocation fictionnelle librement inspirée des violences policières qui, la nuit du 5 au 6 décembre 1986, ont engendré la mort de l’étudiant Malik Oussekine (traitée aussi dans la minisérie Oussekine d’Antoine Chevrollier) et du jeune Abdel Bennyahia. Le premier est tabassé à mort par la brigade des voltigeurs en mission suite à la manifestation contre la loi Devaquet ; le second est abattu à Pantin par le commissaire Savrey, en état d’ébriété, qui n’était pourtant pas en service. Ces faits avérés se sont déroulés durant la Première cohabitation Mitterrand/Chirac alors que Charles Pasqua est ministre de l’intérieur et Robert Pandraud ministre délégué à la Sécurité. Pour intensifier son évocation, alors que toutes les sources ne sont pas accessibles, Rachid Bouchareb a choisi le parti de mélanger les genres. Son film est à la fois une fiction policière, avec intervention de personnages fictifs comme l’inspecteur de l’IGS Daniel Mattei incarné par Raphaël Personnaz, un documentaire à base d’image d’archives, assez conséquentes pour l’affaire Malik Oussekine, et un docu-fiction, avec pseudo-archives reconstituées. Nos frangins évolue sans cesse entre la réalisation classique aux images soignées, avec un casting d’excellents acteurs comme Reda Kateb et Lyna Khoudri, qui jouent le frère et la sœur de Malik, ou Samir Guesmi qui interprète le père d’Abdel, et le montage d’archives (vraies et fausses) d’aspect nettement plus rugueux. Cette juxtaposition peut surprendre, voire crisper par son systématisme, d’autant que le scénario entretient volontairement une réelle confusion entre les deux affaires, au point de fourvoyer momentanément le spectateur qui ne serait pas au fait de ces évènements simultanés. Le rythme sans relâche de l’action, limitée à trois jours (6, 7 et 10 décembre 1986) et démultipliée dans de très nombreux décors et instants variés, accentue un sentiment de narration brouillonne. Celle-ci est totalement assumée par le cinéaste qui a monté son film comme un puzzle fondé sur la déconstruction, le flash-back et les scènes ambiguës entre chien et loup. Si le film respecte en grande partie les faits, comme la nécessité de la dialyse de Malik et son souhait de devenir prêtre, Nos frangins prend plus de distance avec la réalité, côté Abdel Benyahia : il n’avait pas qu’un jeune frère mais était issu d’une fratrie de neuf garçons et son père, contrairement à son incarnation filmée, était combattif. D’ailleurs la bataille pour la reconnaissance de l’assassinat a bien mobilisé les foules (marche du 9 décembre). Toute la difficulté du film réside en effet à rendre compte d’événements authentiques avec témoins confirmés par le truchement temporaire du prisme de la fiction. Ce parti pris artistique est selon le cinéaste une manière « d’enrichir les faits ». Ainsi la création plausible de l’inspecteur Mattei, qui permettait de relier les deux affaires et d’insister sur les graves manquements de la police et des pouvoirs politiques, se révèlera un artifice efficace pour pallier l’absence de documents sensibles forcément inaccessibles. Alors que les voltigeurs ont repris récemment du service, après avoir été dissous en 1986, et que la violence policière ne cesse d’être dénoncée, Nos frangins (selon la chanson de Renaud) possède une dimension militante éminemment contemporaine assortie d’un traitement tout en retenue des morts de Malik et d’Abdel. Cette pondération serait presque critiquable dans la mesure où la brutalité policière et les réactions émotionnelles viscérales qu’elle entraina à l’époque ne sont pas suffisamment et tangiblement traduites par le récit décousu d’une structure narrative trop syncopée. On appréciera néanmoins les excellentes prestations du casting, la résonnance actuelle du devoir de mémoire - rien n’a changé en 37 ans ! - et la dextérité de la mise en scène avec sa mise en perspective du contexte social et politique. Un film engagé qui vaut la vision.
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Commentaire technique
Sur la fabrication des pseudo-archives, voici ce que dit Guillaume Deffontaines, le directeur de la photographie : « ... on a équipé chaque caméra d’une petite configuration minimale intégrant un enregistreur Atomos Ninja, pour enregistrer en numérique l’image analogique générée par la caméra, et des retours vidéo modernes de qualité. Ces simples caméras d’époque sont donc devenues des caméscopes numériques modernes, utilisant des cartes mémoires et rentrant dans une chaîne de post-production qu’on connaît désormais sur les films . La suite des tests a consisté à recopier au calme ces images enregistrées nativement en numérique sur des magnétoscopes Umatic, générant une ou parfois deux générations de drops, ou d’artefacts magnétiques caractéristiques de l’époque. Enfin, à l’étalonnage, on a placé sur Resolve deux couches d’images l’une sur l’autre (le rush d’origine, sorti de l’Atomos, et celui issu de la copie Umatic) afin de doser le pourcentage de ses effets dans le résultat final. À la fin, le résultat était assez bluffant ».
Image : copie HD, excellente définition, excepté sur les archives et pseudo-archives, et bon piqué sur les détails (tournage numérique avec caméra RED Monstro sauf pseudo-archives utilisant des anciennes caméras Sony tri-tubes de 1980 achetées sur internet, Master Format probablement 4K), excellent contraste avec des noirs soutenus, effets de rémanence sur les archives analogiques, étalonnage réaliste sur les scènes modernes, plus artificiel sur les archives, colorimétrie allant du naturel nuancé aux teintes plus magenta des archives
Son : mixage français 5.1, dialogues clairs et équilibrés, excellente dynamique sur les scènes d’action et sur la musique suggestive d’Amin Bouhafa et les titres de Mano Negra, Rita Mitsouko, Renaud, spatialisation naturaliste immersive aux effets surrounds efficaces (actions policières, archives avec manifestants), LFE ponctuels
Notre avis
Image : (4/5)
Mixages sonores : 
(4/5)
Bonus : (2/5)
Packaging : (3/5)
IMDb : https://www.imdb.com/title/tt19725816/
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