Le Destin de Juliette : un film qui n’a rien perdu de sa sagacité (en Blu-ray et DVD)
Note artistique : 



(4/5)
Synopsis
Vingt ans de la vie d'une femme, extraordinaire de volonté. Fille aînée d'un maréchal-ferrant, Juliette aime Pierre, un ouvrier agricole, mais se voit contrainte d'épouser un cheminot, Marcel, qu'elle n'aime pas, afin de subvenir aux besoins de ses parents. Tout sépare Juliette de son mari qui sombre dans l'alcoolisme.
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• Titre original : Le Destin de Juliette
• Support testé : Blu-ray
• Genre : drame
• Année : 1983
• Réalisation : Aline Issermann
• Casting : Laure Duthilleul, Richard Bohringer, Véronique Silver, Pierre Forget, Didier Agostini, Hippolyte Girardot, Grégory Cosson, Michel Dufresne
• Durée : 1 h 54 mn 05
• Format vidéo : 16/9
• Format ciné : 1,66/1
• Sous-titrage : français
• Piste sonore : LPCM 2.0 monophonique français
• Bonus : 2 courts métrages d'Aline Issermann : Mémoire d'outre-tombe (2022, 10 mn 43) et Au vent mauvais (2022, 12 mn 43) - entretien avec Aline Issermann et Laure Duthilleul autour du film (2022, 28 mn 34) - entretien avec Hippolyte Girardot (2022, 6 mn 08)
• Éditeur : Éditions Montparnasse
Commentaire artistique
Le Destin de Juliette, écrit et réalisé par Aline Isserman, d’abord créatrice de bande dessinée, est enfin visible, en version restaurée, 38 ans après sa sortie. Pour son premier long métrage la cinéaste avait malencontreusement signé un contrat, bloquant son film pendant de 50 ans, avec un producteur indélicat qui a mis ensuite la clé sous la porte… Le thème de la violence conjugale abordé par le film est hélas toujours d’actualité, même si le scenario d’Aline Issermann et de Michel Dufresne est moins tragique que la triste réalité des décès quotidien de femmes victimes de leur conjoint. Ce n’est d’ailleurs pas le seul film qu’elle consacre au sujet : le court-métrage Au vent mauvais (cf. bonus) traite de la violence parentale. Inspirée d’une femme réelle, le récit de Juliette livrée aux mains de Marcel, un homme violent, buveur et sans état d’âme, est aussi partiellement inspiré des parents de la cinéaste : les disputes familiales provoquées par un père alcoolique ont marqué son enfance. Elle décide d’en faire son premier long métrage dont les déboires (cf. bonus) ne seront pas que financiers : d’abord retenu pour être dans la sélection officielle de Cannes, le film est écarté par Daniel Toscan du Plantier. Puis, faute de moyen, la cinéaste doit décliner l’invitation du Sundance Festival ; enfin elle bloque in extremis un projet de sortie vidéo sous un autre titre. Tous ces désagréments sont d’autant plus regrettables que Le Destin de Juliette est un drame intense et pertinent qui sera justement récompensé en 1983 par le Prix Georges Sadoul et qui sera encensé par Marguerite Duras. L’intrigue avait tout pour sombrer dans le mélodrame : Juliette (Laure Duthilleul), jeune fille coincée dans la ferme de ses parents, doit assumer l’alcoolisme de son père maréchal-ferrant (Pierre Forget) et les troubles psychiatriques de sa mère (Véronique Silver). Mais les dettes s’accumulant, la famille, pour se reloger, va sacrifier Juliette en la mariant de force à un cheminot alcoolique (Richard Bohringer) alors qu’elle est éprise d’un ouvrier agricole (Hyppolyte Girardot) qui travaille avec son frère (Didier Agostini) : vingt-cinq années de violences conjugales vont alors suivre. Avec un tel canevas dramatique, Le Destin de Juliette risquait de virer à la tragédie naturaliste stéréotypée mais c’était sans compter sur la rigueur de la réalisation. Privilégiant l’austérité d’un tournage en décors naturels réalistes, esthétiquement fascinants par leur dépouillement, la mise en scène a su capter les résignations et les ressentiments qui animent Juliette, une femme sacrifiée par la famille et par la société d’alors (divorce impossible) qui va faire preuve d’une admirable résilience et qui pourra, potentiellement, être enfin gratifiée dans le futur de son existence. Servi par sa formidable interprète, Laure Duthilleul, Le Destin de Juliette possède toujours le ton juste pour dépeindre la complexité des êtres, les solitudes et l’aliénation affective (le film devait s’appeler les enchainés) de Juliette et de Marcel dans l’âpreté de leur quotidien rural ainsi que les obligations sociales qui étouffent toute volonté d’émancipation. Il faut aussi saluer la composition de Richard Borhinger, acteur idéal pour ce rôle de mari mutique et brutal, et celle, plus anecdotique, d’Hyppolyte Girardot dans un de ses premiers longs métrages. Dans Le Destin de Juliette, Aline Issermann a su équilibrer la part d’émotion qui revient à la tragédie quotidienne vécue par Juliette et Marcel dans leur environnement domestique étriqué et la beauté poétique qui émane du cadre naturel traité à l’égal d’un personnage. Entre Bergman et Bresson, cette évocation sensible de la souffrance - culminant avec cette terrible scène d’un suicide enfantin traité en hors champ - et de l’impuissance de Juliette traduisait pour la première fois au cinéma le combat de la cinéaste pour dénoncer toute forme de violence familiale et de maltraitance. Poignant.
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Commentaire technique
Version restaurée 4K et numérisée avec l’aide du CNC.
Image : copie HD, excellente définition (film tourné en focales courtes avec une grande profondeur de champ) et piqué sur les gros plans, texture argentique discrète et homogène (tournage en 35 mm, Master Format 4K restauré), image bien nettoyée et très propre, gestion homogène du contraste, image lumineuse aux éclairages nuancés en extérieurs, noirs soutenus, étalonnage et colorimétrie naturalistes aux teintes chaudes, tons saturés
Son : mixage 2.0 monophonique français, dialogues clairs, pas de distorsion ou de bruit de fond, excellente dynamique sur les ambiances et sur la musique de Bernard Lubat
Notre avis
Image : (4/5)
Mixage sonore : (4/5)
Bonus : (4/5)
Packaging : (3/5)
IMDb : https://www.imdb.com/title/tt0085432/
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